Romain Fornell, c’est chaque année 300.000 couverts servis à Barcelone. Le chef français possède une étoile avec le Caelis et vient d’ouvrir son nouveau concept : l’Azul. Un superbe restaurant et son rooftop avec vue plongeante sur la mer. Rencontre avec le Toulousain, passionné de gastronomie qui vit depuis 23 ans dans la capitale catalane.
Photos : Cyane Morel / Equinox
Avec plus de 2000 restaurants, Barcelone est-elle la capitale de la gastronomie ?
Oui, en quelque sorte car Barcelone possède un bon tissu de petits établissements. En France, on a perdu le ventre mou des petits restos. Dans les villages, ce type d’endroits a disparu et dans les grandes villes, il est difficile de trouver une offre aussi alléchante que celle de Barcelone. Ici, nous avons une cuisine de produits, une cuisine de proximité, une cuisine de la mer. Barcelone fait partie des grandes gastronomies mondiales.
On note que les plats à Barcelone sont moins sophistiqués qu’en France, avec moins de recettes à base de sauces par exemple. Quelle en est la raison ?
La cuisine française est axée sur les sauces, c’est vrai. Par exemple à l’Azul, on ne fait que de la braise et beaucoup de plats à partager. On sort un peu du schéma entrées, plat, desserts. Ça permet d’avoir de grandes tables qui partagent les mets et papotent en même temps.
Le tout dans une ambiance de fête…
Si je prends l’exemple du Caelis, nous sommes dans l’antithèse d’un resto gastro classique. C’est une expérience « cuisine » et la proximité avec les cuisiniers. Quand on vient manger au Caelis, on vient au théâtre. La restauration, c’est ça. Et je ne verrais pas l’intérêt de proposer des plats que l’on peut faire chez soi ou que l’on trouve en France.
On vient à Barcelone pour vivre un moment d’exception et faire la fête tout en mangeant. Et je ne pense pas aux personnes qui viennent monter un enterrement de vie de jeunes garçons en étant bourrés à 3h du matin sur la Plaça Reial. Je pense plutôt aux personnes qui viennent se délecter d’un cocktail sur un rooftop.
Barcelone est une vraie ville méditerranéenne ouverte sur la mer et qui a eu la chance de ne pas avoir eu les sirènes des multinationales qui lui auraient fait perdre sa forte identité. Barcelone, ce n’est pas Dubaï qui est une ville fake qui n’a rien à part de l’argent. Barcelone se remet en permanence en question et qui est en autocritique constante. Ça permet d’avancer et d’avoir des jeunes qui se lancent pour ouvrir des lieux magnifiques.
Romain Fornell et son équipe au Caelis
L’Azul semble avoir trouvé le parfait équilibre entre la clientèle locale et les touristes…
Si tu veux que ton affaire fonctionne, il faut premièrement bien asseoir ton lieu avec des locaux, et ensuite les touristes, automatiquement, viennent. Des établissements remplis à 100% par les touristes, ça existe mais en général, le rendu n’est pas terrible. Ce qu’il faut, ce sont des lieux ancrés dans la culture et les gens de l’extérieur viennent pour s’inspirer et comprendre ce lieu.
On entend dire depuis quelques mois que beaucoup de Français quittent la France en raison d’un climat social lourd et viennent s’installer à Barcelone. Partagez-vous cette sensation ?
Le pourquoi je ne sais pas, mais oui, cette tendance existe clairement. J’ajouterais qu’il ne faut pas arriver à Barcelone avec une mentalité de colon, mais plutôt s’intégrer et ne pas s’enfermer dans la communauté française de la ville. Les Barcelonais sont fabuleux, mais il faut faire le premier pas pour les rejoindre.
Vous avez ouvert l’Azul au début du mois de juin. L’endroit s’appelait auparavant Blue Spot et appartenait entre autres à Gérard Piqué et Shakira. Ça fait quoi de gérer l’ancien lieu du couple le plus médiatique de la ville ?
L’Azul, c’est une rencontre avec Thomas Meyer, le patron de Desigual. On a mangé ensemble et on s’est mis d’accord à la fin du repas. C’est une erreur de faire un restaurant « jetset ». Aucun sportif ou footballeur n’a pu réussir en se lançant dans la restauration. C’est comme si moi, je devenais joueur de foot professionnel, ça ne marcherait pas.
Ce n’est pas parce qu’on a de l’argent que l’on peut ouvrir un resto. Ça ne marche pas comme ça, c’est un vrai métier. Personne ne possède la science infuse, il faut comprendre le lieu, l’adapter, écouter les clients. Des fois on se trompe, moi j’ai adoré certains plats en les mangeant, mais par la suite le plus grand nombre ne les a pas aimés, alors j’ai dû les retirer de la carte. Il ne faut jamais s’enfermer. J’essaie de populariser la gastronomie, c’est le but du jeu.
Le questionnaire de Proust de Romain Fornell
Romain Fornell au Caelis
Champagne ou cava ?
Champagne.
Midi ou soir ?
Midi.
Viande ou poisson ?
Mer et montagne.
Barcelone ou Toulouse
Barcelone.
Le site web du Caelis et celui de l‘Azul permettent de découvrir les menus et réserver sa table.