Les coulisses de la Macronie, révélées par Stéphane Vojetta dans un livre

Stéphane Vojetta

Stéphane Vojetta, député des Français d’Espagne, sort un livre autobiographique où il raconte les coulisses de la Macronie et sa bataille avec Manuel Valls.

« Papa on est en train de gagner ! » C’est en famille que le 19 juin 2022 Stéphane Vojetta apprendra qu’il remporte la 5ème circonscription des Français d’Espagne, du Portugal, d’Andorre et de Monaco, face au représentant de la NUPES, Renaud Le Berre. Pour en arriver là, le parlementaire a dû éliminer l’ancien Premier ministre Manuel Valls au terme d’une primaire sauvage entre Macronistes, se faire expulser du parti présidentiel et faire un road-trip à travers le pays.

Une épopée que raconte le député dans son livre qui sort aujourd’hui : la Remontada. L’occasion de (re)plonger dans les coulisses de la Macronie et de côtoyer la figure de Manuel Valls.

Devenir député d’une circonscription électorale des Français de l’étranger, c’est avant tout aimer voyager. Le parlementaire en charge de la 5ème circonscription de l’étranger est le représentant des Français de Barcelone, de Madrid, de Lisbonne, de Tenerife, de Marbella, d’Andorre, de Monaco, de Sitges ou d’Ibiza. Un long chemin à parcourir et encore plus ardu quand un ancien Premier ministre surgit au milieu de la route.

C’est l’histoire de Stéphane Vojetta, ancien suppléant de la députée Samantha Cazebonne qui se verra refuser l’investiture par son propre parti, la République en Marche. Pour arriver à bon port, il perdra1 kilo par jour et avancera 20.000 euros pour financer sa campagne, les banques ne faisant pas crédit à un homme exclu de son propre parti politique. Voici ici les meilleures feuilles de La Remontada.

Manuel Valls agacé de la campagne de Stéphane Vojetta

Nathalie [suppléante de Vojetta] est en contact avec un Manuel Valls qui ne manque pas de la joindre à chaque fois qu’il estime que j’y vais trop fort. Elle me montre d’ailleurs un des derniers messages qu’elle a reçus de la part de notre rival :
– Et pardon… le dernier tweet est un modèle de bienveillance… Je ne te connais pas mais que fais-tu dans cette galère honnêtement ? Ta place est à LREM.

Après vérification, Nathalie et moi sommes d’accord sur le fait que mon rival a le cuir plutôt tendre sur ce coup puisqu’il faisait référence à ce tweet de ma part : Avouez que n’était quand même pas bien méchant…

tweet manuel valls

L’ambassade de France en Espagne prend position pour Manuel Valls

Il est de notoriété publique que [l’ambassadeur de France à Madrid] Jean-Michel Casa et Manuel Valls sont proches : les deux hommes s’étaient côtoyés dans l’administration du gouvernement Jospin, Valls à Matignon en charge de la communication, Casa au Quai d’Orsay en tant que responsable des Affaires européennes dans le cabinet d’Hubert Védrine. Leurs chemins se croiseraient à nouveau à plusieurs reprises, notamment quand Valls signa depuis Matignon le décret nommant Casa ambassadeur à Lisbonne en 2016.

Trois ans plus tard, en mai 2019, Casa était, cette fois, nommé ambassadeur à Madrid. Interrogé lors de sa prise de fonction sur ses premiers contacts avec la communauté française d’Espagne, il répondit avoir « déjà effectué un court déplacement en Catalogne au cours duquel j’ai aussi tenu à rencontrer, à titre privé, Manuel Valls, pour échanger sur la situation catalane et sur sa candidature à la Mairie de Barcelone. ». En juin, il déclarait à propos de cette même candidature aux élections municipales : « C’est une candidature qui a incarné une farouche opposition à l’indépendantisme, dénonçant le caractère inconstitutionnel du séparatisme, mais aussi l’attitude économiquement égoïste qu’il sous-tend. En cela aussi, Manuel Valls est parfaitement en ligne avec la position de la France, qui prône le respect des règles constitutionnelles, ce que le Président Emmanuel Macron a, en d’autres occasions, déjà clairement déclaré ».

Au moment de mes retrouvailles avec le diplomate, les premières depuis le début de la tempête, je suis donc prudent, mais sans méfiance excessive. Même si l’on m’a recommandé de prendre garde à cette proximité, la neutralité de l’Ambassade est en principe garantie par le devoir de réserve des fonctionnaires et des diplomates.
Alors que le début de la cérémonie approche, je sens bien que ma présence protocolaire à quelques centimètres de lui ne met pas à l’aise l’Ambassadeur. Je tente donc de réchauffer l’atmosphère en l’interpellant, sourire aux lèvres.
– Je crois que cette année nous devrions avoir moins de mal que d’habitude à intéresser les électeurs à ces élections législatives. Sans succès. Les sourires coincés et les mots échangés, rares et froids, se tarissent rapidement.
De nombreux autres Français sont présents ce matin-là dans la cour d’honneur du Consulat de France à Madrid, et la plupart parait avoir beaucoup plus envie de me voir et d’échanger voire de s’afficher avec moi. (…)
En toute fin de journée, je parcours la page internet de l’Ambassade, afin d’y récupérer quelques photos de la cérémonie du matin afin de les partager sur mes réseaux sociaux. Le 11 novembre dernier, sur la quarantaine de photos prises et publiées par l’Ambassade durant la cérémonie protocolaire, j’apparaissais sur une vingtaine de clichés. En d’autres termes, on ne voyait que moi et mon écharpe tricolore.

Cette fois-ci, l’article de l’Ambassade contient seulement une vingtaine de photographies, et en les parcourant les unes après les autres, je dois me rendre à l’évidence : je ne figure sur absolument aucune d’entre elles. Aucune. Zéro ! Il n’y aura donc pas de publicité pour le candidat dissident. Pierre Billon, qui fut parolier de Michel Sardou et de Johnny, a écrit un jour que la neutralité, c’est une chose que l’on trouve dans les discours, mais pas dans le cœur des gens.

Manuel Valls ne doute pas de lui-même

Sébastien m’appelle pour revenir sur la réunion de la veille et sur une conversation de quelques minutes qu’il avait pu avoir en aparté avec mon concurrent préféré.
– Avant tout – et tu me connais, tu sais que je t’appuie à fond – mais je dois bien dire que c’était impressionnant. Valls est bon, il a du charisme, tu sens bien qu’il a été ministre, il parle avec une facilité et une autorité impressionnantes quand il évoque la situation internationale, en particulier l’Ukraine et la Russie. C’était passionnant…
– Tu as pu parler avec lui ?
– Oui, mais au-delà de l’Ukraine, sur l’Espagne et les Français de l’étranger, il n’avait pas grand-chose à dire. Et c’est quand j’ai reconnu que je te connaissais et que je comptais voter pour toi qu’il a semblé un peu plus intéressé par la conversation.
– Alors, que pense-t-il de ma candidature ?
– Il a rapidement écarté le sujet en disant qu’il fallait être sérieux, que son adversaire c’est « le mélenchonisme », pas toi. Il est notamment convaincu que ceux qui te soutiennent comme moi sommes de ton côté parce qu’on est de bons copains, qu’on vit tous dans le même quartier, qu’on a nos enfants dans le même lycée. On sent qu’il a beaucoup de mal à adhérer à l’idée du député disponible, de l’élu de terrain qui tente vraiment de se mettre à hauteur des gens, et que cela puisse générer une véritable image porteuse électoralement.
– Tu penses qu’il me voit comme un danger éventuel dans les urnes ? Il pense gagner malgré tout ?
– Bien franchement, je n’ai pas l’impression qu’il te croie capable de lui nuire électoralement. Je crois que pour lui tu es un épiphénomène, tu fais parler le microcosme parisien, tu l’emmerdes un peu au niveau de l’image et dans les médias mais cela ne va pas plus loin. Il est persuadé que in fine les gens voteront pour « l’ancien Premier ministre soutenu par le Président ».

Un dernier message à Manuel Valls

NDLR : Après sa victoire, Stephane Vojetta a envoyé un SMS à Manuel Valls. Qui restera sans réponse.

sms manuel valls

La tentation Edouard Philippe

NDRL : Après son élection, Stephane Vojetta, toujours exclu de la République en Marche va devoir choisir dans quel groupe de la majorité présidentielle siéger. Il hésitera avec en Horizons d’Edouard Philippe. Mais désireux de siéger dans la commission des affaires économiques, le marcheur rejoindra in fine, après tractation avec Aurore Bergé, LREM, le parti de Macron.

Ce matin, je prends le petit-déjeuner en tête-à-tête avec un ancien Premier ministre. Mais celui-là est la personnalité politique préférée des Français : Édouard Philippe, 52 ans, locataire de Matignon entre 2017 et 2020, et que j’avais croisé au cours de la campagne d’Alain Juppé en 2016.

Cette rencontre matinale fait suite à plusieurs échanges avec des personnalités haut placées au sein de Horizons, le parti fondé par Édouard Philippe en octobre dernier, création largement interprétée comme la volonté de disposer d’une plateforme présidentielle pour 2027. En cette matinée ensoleillée, je retrouve l’ancien Premier ministre dans une brasserie du VIIIème arrondissement, non loin du siège de son parti. Pantalon de costume sombre, chemise blanche rayée bleu marine largement ouverte, il est charismatique, élégant, bronzé, parfois souriant, et toujours enthousiaste.

De mon côté, je joue cartes sur table. Je décris mon dilemme aussi sincèrement que possible et j’explique à Édouard Philippe que ma décision n’est pas faite. Je le sens se raidir légèrement. Lui avait-on anticipé, à tort, que je souhaitais le voir pour lui annoncer mon ralliement en personne ? Si c’est le cas, c’est un malentendu car voilà ce député largement anonyme qui lui explique simplement sa volonté de peser le pour et le contre des deux options, sans vouloir faire monter les enchères.

– Tu fais bien, me dit-il, car je n’ai absolument rien à te proposer ou à te garantir. Dans la configuration de la majorité, nous autres chez Horizons serons trop marginaux pour prétendre préempter quoi que ce soit.
– Je comprends, et effectivement ce n’était pas ma démarche donc tout va bien.
– Cela dit, en ce qui me concerne il y a une chose que je peux te promettre, même si je ne peux t’en promettre qu’une : je ne me fouterai jamais de ta gueule.

Même si nous savons tous ce que valent les paroles dans ce monde sans pitié, ce principe de base est effectivement un point en sa faveur. Un point qui remet également une couche de sel sur la plaie encore béante de mon lâchage par ma propre famille politique.

La pression sur En Marche

AURORE BERGÉ :  – La commission des Affaires économiques est la plus demandée avec une quarantaine de requêtes pour seulement 21 sièges disponibles pour notre groupe. (…)
–  Évidemment, je sais que vous préféreriez que je sois avec vous plutôt qu’ailleurs : en situation de majorité relative, chaque siège supplémentaire aidera à raffermir votre capacité à imposer le tempo et démontrer votre capacité à avancer sur vos textes. Mais il y a pour moi une différence fondamentale entre le fait de savoir que vous avez besoin de moi, et celui de savoir que vous voulez que je sois parmi vous. Après ce qui s’est passé – j’ai d’abord été lâché en rase campagne, puis exclu par LREM, puis j’ai battu votre candidat officiel – j’ai besoin d’un signal fort qui me montre que vous valorisez ma présence potentielle dans vos rangs au-delà du simple intérêt numérique qui consiste à avoir un député de plus à l’heure des votes. (…) C’est pourquoi il faut que je sache ce soir, dernier délai, si je serai dans cette commission ou pas. Si je ne le suis pas, rien de dramatique, il n’y aura pas d’animosité en ce qui me concerne, mais ce sera une question de principe évidente, on oubliera toute bonne volonté de ma part et je rejoindrai plutôt le groupe Horizons qui m’accueillerait les bras ouverts.

Vers 20h15, Aurore tient parole, dans tous les sens du terme :

BERGE
Voilà. J’officialiserai donc demain mon retour dans la majorité présidentielle, et je formaliserai mon inscription en tant qu’apparenté au groupe LREM.

Le livre Remontada: Carnet de route d’un dissident de Stéphane Vojetta est disponible ici. 

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