Tribune de Nico Salvado, fondateur d’Equinox.
On le dit toujours colérique et fâché. Une fois n’est pas coutume, Manuel Valls est de bonne humeur, joyeux même, et il entend le faire savoir en multipliant les tribunes dans la presse espagnole. La raison de ce bien-être de l’ancien Premier ministre : socialiste, extrême gauche et droite conservatrice ont fait un coup de Trafalgar, samedi 17 juin, pour que le vainqueur des élections municipales, le centriste catalaniste Xavier Trias, ne puisse pas devenir le maire de Barcelone.
Un accord contre-nature qui rappelle celui de Manuel Valls en 2019. Candidat malheureux, arrivé en 5ᵉ position, Valls avait ordonné à ses conseilleurs municipaux de droite, après la fermeture du scrutin, d’investir la représentante de l’extrême-gauche Ada Colau, pour un second mandat à la tête de la mairie afin de faire barrage au vainqueur, l’indépendantiste Ernest Maragall. Une tambouille d’arrière-cuisine politique qui a créé une expression politico-médiatique : « Faire un Manuel Valls« .
Un proverbe ironique que Manuel Valls s’applique à lui-même dans deux articles d’opinion : dans le pure-player El Español à Madrid et dans La Vanguardia à Barcelone.
Retour sur le coup de théâtre à la mairie
Le centriste catalaniste Xavier Trias a gagné les élections municipales de Barcelone en arrivant en tête le 28 mai dernier. La proclamation des résultats, samedi, devait lui offrir les clés de la mairie. Mais le candidat de la droite indépendantiste n’avait pas la majorité absolue, et la loi électorale permet aux autres partis de proposer une majorité alternative en associant leurs voix. C’est ce qu’il s’est passé samedi.
Conciliabules et tractations dans les bureaux de la cité comtale ont finalement déjoué le résultat des urnes. Arrivé en seconde position, le socialiste Jaume Collboni a réussi à tordre le bras des élus du parti d’Ada Colau (Barcelone en comú) pour appuyer sa candidature alternative et surtout les conseillers municipaux de la droite espagnole. Ainsi, en additionnant les voix du parti socialiste, En Comú et du Partido Popular, il a obtenu le nombre de suffrages suffisant pour être investi maire de Barcelone, dépassant au dernier moment Xavier Trias, que tout le monde donnait maire encore quelques heures auparavant.
La mesure officiellement sert à barrer la route à l’indépendantisme catalan, bien que Xavier Trias n’ait jamais réellement milité directement pour cette cause. Certes, il est vrai que Trias appartient à Junts Per Catalunya, le parti de Carles Puigdemont à l’origine de la déclaration d’indépendance de 2017. Mais cette lecture est simpliste, ou de mauvaise foi. L’homme de 75 ans, qui est dans la vie politique depuis 1992, possède la culture institutionnelle d’une époque antérieure aux passions sécessionnistes. Trias, ancien médecin dans une autre vie, ne cesse d’administrer des calmants pour apaiser le processus indépendantiste.
Comment ne pas penser que l’opération de samedi est tout simplement une manière de se répartir le pouvoir sans tenir compte du résultat des urnes ? Faut-il également rappeler, que Xavier Trias fut maire de Barcelone entre 2011 et 2015 et qu’il dirigea la ville avec les conservateurs du Partido Popular dans une entente parfaite ? Le même Partido Popular qui s’associe aujourd’hui à l’extrême gauche pour bouleverser le résultat d’une municipale, quelques minutes à peine avant l’investiture du Maire.
Jaume Collboni qui doit diriger la ville en ultraminorité, avec seulement 10 conseillers municipaux sur 42, ne gouvernera pas avec la droite. Le Partido Popular était un fusil à un coup, uniquement utilisable pour l’investiture. Le socialiste continuera sa route avec la gauche radicale d’Ada Colau. D’ailleurs, aucun haut-fonctionnaire du parti de la maire sortante au sein de l’exécutif municipal ne sera démis de ses fonctions, a déjà assuré hier après-midi Jaume Collboni.
Manuel Valls termine sa tribune dans La Vanguardia en se félicitant de l’héritage politique qu’il laisse à Barcelone.
