Croisiéristes et Barcelonais sont donc d’accord : il y a trop de visiteurs dans la ville, et les croisiéristes tiennent le haut du pavé.
Photo : Cyane Morel / Equinox
Près de 97 % des croisiéristes déplorent les concentrations humaines trop importantes aux Ramblas, mais aussi sur la Place Catalunya et le Passeig de Gràcia (73 %) selon la récente étude d’un groupe de chercheurs de l’Université catalane Rovira i Virgili. Des résultats surprenants voire légèrement ironiques, la croisière étant la version la plus extrême du « fast tourisme » avec des circuits menés au pas de course et des groupes de plusieurs dizaines de personnes qui génèrent des attroupements un peu partout dans la ville.
D’ailleurs, il ne faut pas plus d’une seconde à un Barcelonais pour repérer un croisiériste. Il se déplace en troupeau, suivant le plus souvent un berger doté d’un micro sans fil et d’un parapluie ou pancarte colorée pour ne pas perdre ses brebis, elles-mêmes équipées de récepteurs audios. Il est d’ailleurs impératif de ne pas scinder le troupeau, quitte à saturer tout un trottoir, déborder sur la route ou provoquer d’importants embouteillages en traversant à cinquante personnes bien serrées. Le croisiériste ne semble pas se rendre compte qu’il gêne la mobilité des Barcelonais mais un quart des habitants affirme souffrir au quotidien de la difficulté de se déplacer à cause de la présence excessive de touristes dans les espaces publics.
Les mêmes visites à chaque séjour
Que recherche le croisiériste qui vient à Barcelone ? Souvent, accumuler des choses vues et des photos, parfois jusqu’à l’absurde. Selon la même étude, la moitié des croisiéristes visitant Barcelone sont déjà venus dans la ville et parmi eux, pas moins de 80 % refont exactement le même circuit pour revoir les mêmes endroits. « Indépendamment de leur âge, typologie ou du type de voyage, l’étude montre que la majorité des visiteurs fréquentent les mêmes lieux à chacune de leur visite, explique le chercheur Aaron Gutiérrez, c’est lié aux idées préconçues qu’ils ont et de ce qu’ils pensent devoir faire quand ils vont à Barcelone ».
De quoi exaspérer le Barcelonais qui voit son espace de vie cannibalisé par des meutes de touristes pressés et agglutinés. D’ailleurs, les universitaires s’inquiètent de la forte détérioration de qualité de vie évoquée par les habitants des zones les plus touristiques, ainsi qu’une disparition du sentiment d’appartenance au quartier, particulièrement criant parmi les résidents du Gôtic et du quartier de la Sagrada Familia.
Car non seulement les trottoirs et routes sont saturés, mais les commerces de quartier sont remplacés par des boutiques de souvenirs fabriqués en Chine et de chaînes de restaurant sans âme, les parcs sont pris d’assaut par des visiteurs épuisés et des influenceurs en quête de la meilleure photo, les immeubles sont peu à peu transformés en zones d’appartements touristiques. Une pression touristique qui rend chaque jour Barcelone un peu moins barcelonaise.