Barcelone serait-elle en train de saturer ? Devenue une véritable puissance mondiale en matière de festivals, la capitale catalane attire un public plus international que local. Et amène avec lui son lot d’agressions, drogues et nuisances.
Trop de « boom-boom » à Barcelone ? Dans un communiqué, l’Universitat Oberta de Catalunya (UOC) pointe du doigt le nombre de festivals à travers la péninsule ibérique. En 2021, on en comptait 874. Un chiffre qui ne cesse de grimper, notamment dans la capitale catalane, devenue une puissance mondiale dans les événements musicaux. Chaque année, le Pimavera Sound ouvre le bal à une série suivie du Sonar, du Reggaeton Beach festival, le Vida, et une dizaine d’autres encore qui animeront l’été.
Barcelone peut alors se vanter de participer hautement aux revenus de l’activité culturelle et musicale du pays. L’an dernier, l’Espagne avait vendu l’équivalent de 459 millions d’euros en billetterie. Le plus haut montant jamais enregistré, d’après les universitaires. Et cette année, l’impact du Primavera Sound s’est encore amplement mesuré, avec un total de 349 millions d’euros pour 253 000 festivaliers. Lançant, à coup sûr, une nouvelle forte saison. Un peu trop ?
Festivals à Barcelone : la goutte de trop pour les locaux ?
La cible de ces grands noms de la musique en plein air s’avère avant tout étrangère. Le Primavera Sound, qui s’est déroulé le premier week-end de juin au Fórum, brassait 139 nationalités différentes au sein du public. Une orientation internationale « qui a des conséquences », note Pablo Díaz, professeur des Etudes d’économies et entreprises à l’UOC. Sur la base d’une étude, il rappelle que Barcelone est saturée d’espaces destinées aux festivals, centralisés dans la ville. « Et dans des destinations comme Barcelone, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase »
Selon l’expert, « les grands festivals avec des milliers et des milliers de personnes, dont beaucoup de touristes, génèrent des revenus, mais aussi des points de concentration forte, du bruit, des déchets », note l’enseignant. Non sans faire écho aux dernières manifestations du 1er juin des riverains constitués en associations « Stop Concerts », et « la Red Vecinal contra el ruido ». Ils déplorent à la fois l’emplacement de la scène des festivals au parc du Forum, à 200 mètres des premiers logements, mais aussi les incivilités qui les accompagnent. Urine et dégradations, pour n’en citer que deux.
Un phénomène entretenu, selon Pablo Díaz, par la politique qui régit ces festivals : gagner de l’argent. Et si les retombées économiques sont effectivement importantes pour la ville, elles n’en restent pas moins critiquables, assure-t-il. « Il n’y a aucune volonté d’inclusion, de diversité ou de participation communautaire dans les cas où seul le bénéfice compte. »
Police et soignants catalans aux premières loges
Mais tout dépend de la gestion des événements et des écosystèmes qui gravitent autour. Car malgré tout, à Barcelone, la société catalane se mobilise en grand nombre. Aux premières loges, la police et les personnels soignants. Qu’ils soient locaux ou internationaux, les festivaliers n’échappent pas au lot de faits divers, drogues ou overdoses. Récemment encore, lors de la seconde nuit du Primavera Sound, une touriste d’origine irlandaise a été agressée sexuellement.
L’année dernière, au moment du Sonar, les soignants alertaient sur le pourcentage élevé d’entrées à l’Hospital del Mar pour intoxications liées à la drogue, chez les touristes festivaliers. Lors de ces événements, un pic incontestable d’overdoses se remarque.
Mais face à cela, les Mossos s’avouent démunis. Dans un précédent article d’Equinox, ils expliquaient ne pas pouvoir entrer à l’intérieur des zones de concerts, puisqu’il s’agit d’événements privés et qu’il est donc impossible pour eux de savoir réellement ce qu’il s’y passe. Les Catalans peinent encore, visiblement, à s’intégrer à cette grande machine qui occupe les espaces, les esprits.