À Barcelone, tout logement libre est bon à prendre. Encore plus en été. Alors, durant la saison touristique, les résidences étudiantes profitent des vacances pour occuper ses chambres vides. Une méthode à la limite de la légalité, maniée avec dextérité.
Photo : Clémentine Laurent
Si « logement » devait s’associer à un mot, à Barcelone, ce serait « trésor ». Un gagne-pain infini sur lequel les résidences étudiantes, elles aussi, comptent. Une fois les cours terminés, elles troquent leur cible pour des touristes. Tout en sachant bien qu’elles frôlent avec la légalité. Alors comment opèrent-elles ? Sur quel fil jouent-elles ? Qui accueillent-elles ?
La règle est identique pour tous : pour louer son logement aux touristes, il faut une licence bien spécifique. Une permission d’environ 200 € accordée par la mairie. Pour respecter la loi, certains campus font les démarches. La résidence étudiante du Campus del Mar dans le quartier de la Barceloneta, par exemple, a divisé son établissement en deux parties : les chambres universitaires et les autres, destinées aux visiteurs temporaires. Façon hostel. Mais bien d’autres se passent volontiers de respecter les règles, relate le pure-player Naciodigital dans une enquête. Et pour renflouer les caisses, sans avoir à payer d’autorisation, les combines sont nombreuses.
D’un loyer à un forfait journée
La première : proposer des courts séjours. En temps normal, vivre en campus se paye mensuellement. Un loyer qui, une fois la haute saison démarrée, entre juin et septembre, s’ajuste selon la durée. Deux semaines, quelques jours. C’est presque à la carte. Et c’est tout bénéfique pour ceux qui, une fois passer le site web, oseront envoyer un mail ou passer un coup de téléphone.
Car sur l’interface de réservation du Campus La Salle, dans le quartier Bonanova, les appartements sont ouvertement mis en location pour quelques jours, à la manière d’un hôtel. L’annonce propose même un room tour, photos, vidéos, avec un prix encore affiché au mois. Mais un coup de fil confirme la possibilité de détourner la règle, en insistant un peu. « On fait au prorata pour une ou deux semaines », répondait une employée de cette résidence. Ou un prix à la journée, avoisinant les 50 € par nuit.
Surfer sur le télétravail
En revanche, impossible d’obtenir une facture. Car, en plus de ne pas disposer d’une licence, comme bon nombre, elle ne respecte pas non plus sa cible. C’est le second stratagème. Pour bénéficier de tels prix, il faut justifier de son statut d’étudiant à Barcelone. Mais dans les faits, rien n’est demandé (ou rarement).
Au contraire, les profils sont variés. Étudiants, certes, mais internationaux, et puis une nouvelle clientèle : les digital nomades. Ces travailleurs qui parcourent le monde grâce à un job en télétravail. Depuis la pandémie, le travail en remote a su conquérir les actifs comme les étudiants. Parfois, ses adeptes jouissent des deux statuts. De quoi s’offrir un toit à moindre coût. « C’est l’intermédiaire entre la location d’un appartement et un hôtel », reconnaît Albert Valencia, de l’Observatoire de quartiers de Poblenou, dans le média catalan Naciodigital.
Jusqu’à 60 000 € d’amende
Mais comme dans tous les jeux, il existe des perdants. La résidence Resa Campus La Salle, dans le quartier Bonanova, encoure déjà une amende de 7 500 € pour avoir bravé la loi. La sanction pour une location sans licence touristique peut grimper jusqu’à 60 000 € à Barcelone. Mais les résidences étudiantes n’ont pas froid aux yeux, c’est parce que les modalités de contrôle laissent encore un peu de marge.
Lors de ses inspections, la mairie doit surprendre, in situ, un touriste non étudiant, dont la durée de location se montre inférieure à 31 jours. Autant de détails qui laissent encore le champ libre. Mais pour combien de temps ? Car malgré tout, la surveillance se veut de plus en plus intense. Déjà treize établissements ont été sanctionnés, depuis le premier mandat d’Ada Colau.