Sant Jordi, fête du livre en Catalogne. Voici la sélection de Nico Salvado, fondateur d’Equinox.
Photo : Clémentine Laurent
Revoilà l’ami FOG avec son deuxième tome de la trilogie « Histoire intime de la 5eme République » chez Gallimard. Franz-Olivier Giesbert avec ses carnets de notes nous conte l’histoire moderne de la France telle qu’il la voit. Le premier opus était intégralement consacré au Général de Gaulle. Avec « la belle époque », l’éditorialiste du Point narre les années Pompidou, Giscard et Mitterrand. Comme d’habitude, la plume de FOG est fluide et tranchante. Surtout pour Sartre qui se retrouve brillamment condamné par l’auteur comme tous les « gauchistes » de son époque. Franz se lâche et c’est jubilatoire. En revanche, pour Mitterrand, le respect reste intact. La relation entre FOG et l’homme de Jarnac est quasiment filiale intellectuellement parlant. Un livre indispensable pour comprendre la France du 20e siècle.
On revient en Catalogne, avec l’excellent « Convergencia Metamorfosi o extincio » de la journaliste d’Ara Núria Orriols Guiu publié chez Angles. On a tout dit et écrit sur le parti de centre-droit qui a dirigé la Catalogne de 1981 à 2003 et 2011 à 2018 avec les présidents Jordi Pujol, Artur Mas, Carles Puigdemont et Quim Torra. L’on a publié des milliers de kilomètres de lignes pour expliquer, disséquer, analyser comment un parti d’ordre plutôt conservateur est devenu un mouvement de rébellion contre un état européen qui a fini par une déclaration unilatérale d’indépendance. Núria Orriols de manière chronologique et pédagogique revient sur cette incroyable métamorphose politique qui mériterait d’avoir sa place dans les manuels de sciences politiques. L’ouvrage et l’analyse de la journaliste d’Ara sont un excellent complément à l’œuvre de Francesc-Marc Alvaro qui a apporté un travail remarquable à ce pan de l’histoire moderne de la Catalogne.
On oscille entre la France et la Catalogne avec Andreu Claret qui sort son nouveau livre « Paris erem nosaltres – Paris c’était nous » chez Columna où il raconte, sous la forme de roman, l’incroyable existence de son père exilé en France pour fuir le franquisme. « C’était l’exil en France ou la mort en Catalogne ». Le père d’Andreu Claret n’a pas eu le choix. Il aura juste le temps de co-fonder Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), parti politique aujourd’hui au pouvoir en Catalogne, qu’éclata la guerre mondiale. Impliqué dans la vie politique et la défense de la République, il devient une cible de choix pour le régime franquiste. La France devient alors un refuge. C’est cette histoire que va raconter son fils, Andreu. Tout en pudeur, sous la forme d’un roman « pour laisser échapper les émotions glisse l’auteur ». L’histoire passe bien sûr par les Pyrénées-Orientales. L’exilé échappe au camp de concentration d’Argelès mais se retrouve emprisonné par la Gestapo, dans ce qui est aujourd’hui la principale attraction touristique de Perpignan : le Castillet. Le récit ne raconte pas que la guerre, l’occupation française et le franquisme espagnol, mais aussi les incroyables divisions que vivait alors la mouvance républicaine. La clandestinité n’a pas rapproché les militants qui s’entre-déchiraient dans des luttes intestines sans fin. Au milieu du bruit et de la fureur, Claret veut faire ressortir l’amour, celui de ses parents. Car si le livre est écrit à la première personne, le « Nous » du « Paris c’était nous » appartient à ses parents qui ont vécu dans la capitale française leur plus belle histoire d’amour.
Journaliste français installé à Barcelone depuis de nombreuses années, Francis Mateo est également un spécialiste de Cuba où il séjourne régulièrement. Avec l’ouvrage Cuba… la patrie de la vie ! , il signe un livre-enquête captivant sur les dessous méconnus de la vie sur l’île et de sa tragique histoire. A travers portraits, récits et passages auto-biographiques, Francis Mateo raconte Cuba telle qu’elle est, au-delà des clichés touristiques et anciennes voitures américaines, du désintérêt médiatique et d’une certaine censure de la part des gauches européennes. Un essai rythmé, intelligent et humaniste, qui ne tombe jamais dans la bien-pensance ni le pathos.
Un mot de religion pour terminer avec un livre sur Jésus, cet homme inconnu de Christine Pedotti chez XO Editions. La directrice de Témoignage chrétien livre un témoignage inégal. Autant la première partie de l’ouvrage est incroyablement intéressante autant la seconde moitié est un florilège de niaiseries catholiques. Dans le début du livre, Pedotti démontre avec brio la réelle existence de Jésus et sa vie dans les mœurs quotidiennes de l’Israël du 1er siècle. Anecdotes pertinentes et faits historiques se succèdent à un rythme frénétique. On reste sur sa faim dans la seconde partie avec une remise en question permanente de la spiritualité du Christ pour se réfugier dans les croyances d’un catholicisme très éloigné comme d’habitude du message principal de la Bible. Dommage. En parlant de Saintes Écritures, il convient de saluer la traduction des 4 évangiles par l’écrivain Frédéric Boyer récemment publiée chez Gallimard dans sa prestigieuse collection blanche.