A l’occasion du Salon de l’Emploi français à Barcelone demain, Equinox cède ses colonnes à Marion Suffert, experte de la gestion de carrière au sein du cabinet Vasis Conseil.
Saviez-vous que presque un Français sur quatre résidant en Espagne habite à Barcelone, et que c’est la communauté étrangère la plus représentée après les Italiens dans la Ciutat Comtal ? Nombreuses sont aussi les entreprises françaises qui délocalisent dans la capitale catalane, les talents étant plus faciles à attirer à Barcelone qu’à Paris !
D’ailleurs, demain mercredi 19 avril, un nouveau salon de l’emploi francophone revient, organisé par les ouvrira ses portes dans les nouveaux locaux de TBS-Education , entre la mer, les starts up et les terrains vagues de Pobenou. Dans chacun des salons, nous débattons autour de différents regards sur le CV : le regard de l’orientation, le regard de carrière, le regard des institutions. Pour commencer, un peu d’imagination autour du CV…
Regard sur le CV
Le cv est un faux ami
Il tue la créativité et l’imagination. Il étiquette les hommes et les attachent á leur passé professionnel. On a cru qu’il allait disparaitre, mais il est toujours là. L’identité digitale est encore l’héritière du CV et il y a toujours un malin pour vous demander votre CV.
Bon, ben si le CV est si important, allons-y. Parlons du cv.
Mais soyons créatif. Réfléchissons sur cette petite clé sur laquelle nous misons tant. Sur un papier, nous allons chercher à résumer notre histoire professionnelle. Résumer son histoire professionnelle c’est une bonne méthode mais ce n’est pas un CV.
C’est une méthode pour soi, pour vider le placard et pour se rappeler.
Cela étant, il faut définir le message.
Si le cv est un résumé du passé, c’est un mauvais CV. Si le CV est un choix du futur, c’est un CV.
Quel choix voulez-vous communiquer ?
Ça n’est jamais facile. Nous avons tous une orientation professionnelle naturelle, unique en son genre. Et nous devons choisir devant une avalanche de possibilités.
Le CV est un reflet d’un projet de vie, et c’est un élément clé quand on change, ou quand on a change de pays…
La difficulté, c’est de choisir. Tout choix est une avalanche de possibilités. Prendre le risque de se tromper, en choisissant votre atout.
Avant de penser au CV, pensons á un produit á positionner sur le marché :
Le produit, c’est nous. Mais c’est presque impossible de regarder ce produit-là. Alors imaginons un autre produit que nous : Imaginons « un petit suisse ».
Le product manager en charge du « petit suisse » étudie le produit, les données et les arguments qu’il va pouvoir utiliser pour positionner son produit, dans un environnement culturel et/ou geographique: Le « petit suisse » se transporte, il est petit, il rend intelligent… Avec tous ces arguments, le product manager va choisir. Il va définir des targets et un objectif et il va décider l’argument qu’il va pouvoir utiliser pour se faire remarquer… Il veut vendre le petit suisse aux enfants, dans un pays ou il fait chaud : ils renoncent à d’autres targets, et prend le risque de se tromper.
Nous devons choisir
Vous pourriez être « assistante marketing », ou responsable de « l’administration des ventes », ou adjointe du responsable du personnel, et plein d’autre chose encore.
Faut-il choisir une seule étiquette, et perdre des opportunités ? …
Mais á l’heure de choisir une nounou pour vos enfants, qu’est-ce que vous préféreriez ? Une dame qui a été femme de ménage, concierge, employée de bureau et baby sitter ? Ou une autre qui a gardé un enfant petit et des ados pour les faire étudier ? Probablement la deuxième. Et finalement c’était peut-être la même.
Mais avant de faire le deuxième CV, la dame a réfléchit :
Elle a réfléchi qu’elle préférait les enfants á un travail de bureau. Que sa relation avec les patrons était plus satisfaisante pour elle dans une salle á manger que derrière un ordinateur. Qu’elle n’est pas venue vivre au bord de la méditerranée pour s’enfermer sous des néons, mais plutôt pour profiter du soleil. Et qu’en plus, éduquer les enfants c’est ce qu’elle fait de mieux.
Elle a choisi : éliminer les bureaux et les PC, et prioriser les nouveaux nés et les devoirs de vacances.
Elle perd peut-être des opportunités d’emploi comme réceptionniste. Mais elle vend son choix. Et elle comme ça, elle a plus de chance de gagner.
Gérer sa carrière, que l’on soit femme de ménage, employé, cadre ou dirigeant, c’est choisir. Le CV peut être un complice s’il nous aide à choisir… On va vous proposer une recette.
La recette du CV pour un emploi français à Barcelone
Etape 1
1. Raconter, rédiger et repasser votre vie professionnelle sur le papier ou sur l’écran. Après être sûr de n’avoir rien oublié, relisez, peaufiner.
2. Raconter á d’autres. Trouver un bon pote à qui raconter les bonnes heures et les males heures, en France, en Espagne ou ailleurs.
3. Corriger et rajouter.
4. Et puis fermer l’écran ou ranger les papiers.
Etape 2
Prenez un nouveau papier et un bon stylo ; celui qui glisse sur le cahier.
Ecrivez les mots clé : Les mots de l’identité que vous souhaiteriez avoir. Trouvez les « tags ». Et pas plus de cinq ou six tags. Le product manager du petit suisse (*) vous dirait que plus de cinq tags, c’est trop difficile à cerner.
Identifier les verbes des actions que vous menez et que vous aimez.
L’étiquette de ce que vous êtes professionnellement est claire, et singulière. Nous sommes uniques. C’est ça le problème .
Etape 3
Chercher dans votre histoire de l’étape 1, les arguments de ces mots clés.
Ordonnez-les sur le papier.
Etape 4
Chercher la maquette pour assurer qu’on ne voit que ces mots et idées clés. (*)
Etape 5
Valider avec trois copains « A quoi sert le type de ce CV ?».
Si on vous renvoie vos mots clés, vous avez gagné.
(*) La maquette est importante. Elle définit le sens, les étapes, l’objectif et les choix. Les exemples de maquettes sur internet donnent des bonnes idées. N’hésitez pas á en inventer d’autres. Il ne s’agit pas d’être original : Il s’agit de donner du sens aux mots clés.
On peut difficilement faire un CV en commençant para la fin, c’est-à-dire en prenant une macro sur internet pour essayer de reproduire un autre CV. Bien sûr, ça peut aider. C’est rarement satisfaisant.
Faire un CV c’est décider vers ou aller.
Faire un CV c’est trouver un copain pour valider.
Faire un CV c’est penser à celui qui le liera.
Faire un CV c’est penser comment on souhaiterait être découvert. Et si c’est à travers une autre porte que le cv, mort au CV.
La question clé : Pourquoi un CV ?
Qu’est-ce que fait l’autre avec mon CV ?
Le lecteur du CV dédit entre 2,5 et 8 secondes au choix du CV.
Il ne le lit pas, il le voit. (Dixit 80% des recruteurs interrogés)
Dans un premier CV, on veut savoir si ça vaut la peine :
D’en savoir plus.
D’investir du temps au téléphone
D’investir du temps dans un entretien.
On cherche une marque, une couleur, une étiquette, une identité, pour filtrer.
On ouvre, on trouve où on ferme. On cherche la réponse á une question : Il est « quoi » lui ?
Vos fonctions et réalisations n’intéressent que nous.
Les nuances de vos réalisations et de vos fonctions détaillées, travaillée, rédigée avec circonspection, ne seront lues que par vous…
Peut-être par celui qui vous aura engagé. Après vous avoir engagé.
On vous demande d’être clair et évident. Une étiquette, et la re-justification de cette étiquette. La lettre de motivation est une expertise des Français. Les Espagnols n’y croient pas, et c’est une bonne raison pour en faire une. Pour vous intéresser a l’autre, et encore une fois, passer au-dessus de votre histoire et aller vers l’autre.
Les mots clés et les filtres :
La researcher du chasseur de tête chargée de trouver d’éventuels candidats pour le poste, ou le moteur de recherche de linkedin fonctionnent finalement de la même manière: ils cherchent une étiquette cachée entre les lignes. Bref, des mots clés.
Ces mots clés permettent de filtrer.
De filtrer ce qui ne répond pas simplement produit recherché.
De filtrer ce qui est complexe.
De filtrer ce qu’on ne veut pas.
Le CV est un outil de rejet.
S’affronter constamment au risque de rejet n’est pas nécessairement ce dont on a besoin en situation de changement.
Et n’oubliez pas : Mort au CV
Que feriez-vous si les CV n’existaient pas ? Vous feriez différemment. Vous sortiriez du système fermé de la recherche d’emploi. Vous vous éloigneriez de l’épuisement que produisent souvent les non-réponses, le désintéressement et l’indifférence ressentit par l’envoi de dizaine de CV resté sans réponse. Par la sensation erronée que notre histoire n’intéresse personne.
Imaginons un monde sans CV. Ou il nous appartiendrait de définir ou aller, avec qui parler, en qui confier et en qui non, réfléchir sur les besoins du marché… sans cv, le monde de l’emploi grandirait, sortirait des revendications et des plaintes, des handicaps de l’âge, de la formation, de la carrière, pour se recentrer sur son orientation naturelle, l’initiative, la valeur ajoutée et le projet de vie.
Internet, l’identité digitale, les tags ou « mot clés » parachèveront peut-être le règne du CV. Le CV sera remplacé par notre web, notre blog, notre projet, ou par rien. C’est Internet et notre réseau qui déjà nous étiquettent. Nos exploits sportifs, nos interventions publiques, notre image personnelle…. Le petit écran reflète nos choix, amplifie nos élections, détermine nos opportunités.
CV ou internet. La clé est dans le regard des autres. Evitons de sortir d’un outil fermé pour entrer dans un autre. Et souvenons-nous de notre environnement. C’est lui qui porte la clé de la porte secrète. Parce que c’est lui qui portera demain.
Le CV peut être un bon outil, s’il permet de regarder l’hier pour rêver et dessiner nos choix de demain. Et pour cela, il faut sortir du cadre. Que ce soit la feuille ou l’écran.