Xavier Trias, ancien maire de Barcelone, revient sur le devant de la scène pour les élections municipales de 2023. Au micro de Nico Salvado, il expose sa vision de la capitale catalane et ses projets. Entre mobilité, tourisme et sécurité. Interview.
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Il y a deux visions de Barcelone, celle d’Ada Colau et la vôtre. Quelle est la grande différence ?
Les deux, nous voulons lutter contre la pauvreté. Colau le fait avec des subventions, et moi en générant de l’activité économique. Ada Colau est contre tout, alors que nous devons collaborer les uns les autres. Designer sans cesse les bons et les méchants est une erreur.
L’économie, c’est aussi le tourisme. Actuellement, le tourisme est de faible qualité. Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour améliorer les choses ?
Pour changer le tourisme, on change d’abord la maire. Le tourisme lié à la prostitution ne nous intéresse pas. Ni les enterrements de vie de jeune fille. Ce qui nous intéresse, c’est le tourisme de congrès ou des grands salons, comme le Mobile World Congress par exemple.
Pourtant, beaucoup de gens disaient qu’avec Ada Colau, le Mobile quitterait Barcelone. Et ça n’a pas été le cas.
Non, parce que les gens du Mobile sont intelligents et savent qu’ils ne trouveront jamais une ville comme Barcelone, avec son climat, mais surtout avec sa capacité hôtelière et avec une structure d’accueil des congrès comme la nôtre. Sans être une capitale d’un état, Barcelone possède de nombreux atouts pour faire sa place par rapport aux autres villes. Ce que nous devons savoir faire maintenant, c’est de continuer à générer de l’activité économique lors de la venue des congressistes en marge des événements.
On a souvent entendu dire qu’Ada Colau avait abîmé l’image internationale de Barcelone, mais à l’extérieur, on entend plus parler du processus indépendantiste que de la gestion de la maire.
Oui, car l’image de Barcelone à l’étranger reste forte. En revanche, ce qu’a réussi à faire Ada Colau, c’est que les Barcelonais ne soient plus fiers de leur ville.
Pourquoi ne sont-ils plus fiers de leur ville ?
Parce qu’ils trouvent leur ville sale, peu sûre. Je pense souvent que les gens exagèrent, mais je pense que là, ils ont raison.
J’évoquais l’indépendance de la Catalogne parce que quand on parle de votre premier mandat avec certains secteurs de la communauté française, il reste de bons souvenirs, mais peu se sentent commodes avec le parti de Carles Puigdemont et du coup, vous souffrez d’une forte concurrence avec Jaume Collboni, que l’on peut difficilement soupçonner d’être indépendantiste.
C’est sûr que Jaume Collboni n’est pas indépendantiste ! Mais avec le gouvernement socialiste qu’il soutient, il nous rend très dépendant du reste de l’Espagne et de son très mauvais système de financements des régions. Moi, je pense qu’il faut dialoguer pour pacifier les choses et réduire la dépendance de Barcelone envers l’Espagne.
Je parlais de Carles Puigdemont parce que vous menez une campagne très modérée et que peut-être, vous auriez peur que Carles Puigdemont fasse une déclaration du type : « Xavier Trias sera le maire de la capitale républicaine catalane ».
Non, je n’ai pas peur, car M. Puigdemont est totalement d’accord avec moi et il veut que nous gagnions la mairie de Barcelone. Nous sommes amis. Il est très caricaturé.
Nous sommes dans un moment où toutes les grandes villes à travers le monde tentent de vider les voitures et les deux-roues des centres-villes pour limiter la pollution atmosphérique et sonore. Vous, vous avez dit que Barcelone est la ville des motos. N’êtes-vous pas à contre-courant ?
Barcelone est une ville de deux-roues et de voitures. Et après la guerre d’Ada Colau contre les véhicules à moteur, quel est le résultat ? Des bouchons géants. Il faut passer à l’électrique.
Pourtant, il n’y a que 3 % des Espagnols qui possèdent des véhicules électriques. Comment va-t-on changer les mentalités ?
En électrifiant la ville. Si vous avez un véhicule électrique, aujourd’hui c’est impossible de le recharger. Il faut mettre des bornes dans la ville. Si réellement, on est écologiste, on électrifie la ville.
Que fait-on avec le réseau de pistes cyclables ? On l’agrandit ou on le réduit ?
Non, on continue à l’augmenter. Les vélos ne quitteront plus Barcelone. À la base, Barcelone n’était pas une ville de vélos en raison de ses cotes. Tout a changé avec les vélos électriques qui permettent de se déplacer sans transpirer.
La zone de basses émissions, vous êtes favorable ?
Absolument pas. Pour la même raison que précédemment, car je veux passer au tout électrique, les voitures comme les deux-roues.
Vous avez dit que la superilla de Consell de Cent sera un succès. Faut-il continuer à construire des superillas dans le futur ?
Consell de Cent n’est pas une superilla. C’est uniquement la piétonnisation de la rue Consell de Cent, qui ne fera plaisir qu’aux riverains, mais qui crée des bouchons dans d’autres zones comme la rue Valencia par exemple. En revanche, j’ai dit que la piétonnisation de Consell de Cent sera un succès pour le commerce à condition de ne pas reproduire les erreurs de la rue Enric Granados qui génère beaucoup de tumultes en raison d’un trop grand nombre de terrasses. Une fois de plus, la mairie actuelle a fait les choses sans consulter les habitants.
Concernant la sécurité, les compétences du maintien de l’ordre appartiennent aux Mossos d’Esquadra. Est-ce qu’on critique trop le rôle de la Guardia Urbana ?
Non parce qu’il n’y a pas assez de police municipale à Barcelone, parce que la maire actuelle n’est pas une grande fan de la police. Il faudra une plus grande coopération entre les Mossos et la Guardia Urbana.
Vous avez probablement lu la tribune d’Agusti Colomines, dans El Nacional, qui dit que vous ne serez pas maire parce que Pedro Sánchez ne laissera pas tomber Ada Colau et Esquerra ne voudra pas donner la moindre parcelle de pouvoir à votre parti.
On sait tous qui est M. Colomines et ses idées toujours aussi originales. Il dit ce qu’il veut et moi je fais ce que je veux. Et ce que je veux, c’est gagner les élections.
Mais vous pensez vraiment que Pedro Sánchez pourrait laisser tomber Ada Colau ?
Oui, bien sûr parce que M. Sánchez sait que Barcelone ne va pas bien. Et qu’il faut changer de maire.