La coalition gouvernementale espagnole, composée des socialistes et de la gauche radicale de Podemos, passera-t-elle l’hiver ? Rien de moins sûr. Le fiasco de la loi sur les violences sexuelles qui a engrainé la remise en liberté de centaines de violeurs pourrait être la tombe du gouvernement de Pedro Sanchez.
474 délinquants sexuels -à l’heure où nous écrivons ces lignes- ont bénéficié en Espagne d’un allègement de leur peine en raison d’un mauvaise rédaction du texte sur les violences sexuelles. C’était la loi phare de la ministre de l’Égalité. Irene Montero, poids lourd du parti de gauche radicale Podemos, qui voulait durcir les peines contre les violences sexuelles en incluant dans le code pénal le concept de l’expression du consentement.
Communément appelée la loi du “seul un oui est un oui”, la loi supprime aussi la distinction entre le délit d’abus sexuel et celui d’agression sexuelle, qui incluait le viol. Le regroupement de ces deux concepts aux gravités différentes a eu un effet pervers : la peine minimale se voit automatiquement abaissée pour les deux délits. Or, selon la Constitution espagnole, une loi peut s’appliquer rétroactivement si elle est plus favorable qu’auparavant et si rien n’a été spécifié par le législateur.
Un fiasco en bonne et due forme qui ne trouve pas de sortie politique. La gauche radicale, en premier lieu la ministre Montero, refuse une réécriture du texte et préfère taxer de machistes tous les juges qui baissent les peines des auteurs de crimes sexuels. En totale divergence avec les 90% des citoyens espagnols qui demandent une modification urgente du texte.
Le Premier ministre Pedro Sanchez avec son parti socialiste, après des semaines de négociations stériles avec Podemos, a décidé de présenter au parlement un projet de loi pour modifier le texte et ainsi stopper l’hémorragie de réduction de peines pour les délinquants sexuels. Face à l’objection de Podemos, le gouvernement pourrait voter le texte avec l’opposition de droite. Rendez-vous dans l’hémicycle le 7 mars prochain.
De possibles élections anticipées
Une danse au bord du précipice qui pourrait faire chuter le gouvernement de coalition et déclencher des élections législatives anticipées qui auraient lieu le 28 mai, en même temps que les municipales et les européennes. Théoriquement la législature finit en décembre de cette année.
Pedro Sanchez, par conviction ou calcul politique, est un dirigeant féministe. C’est le premier de toute l’histoire du pays à avoir nommé plus de ministres femmes que d’hommes au sein de son gouvernement. Ce qui lui permet au passage de bénéficier de solides intentions de vote parmi l’électorat féminin. Qui pourrait se réduire si le Vietnam de la loi sur les violences sexuelles ne trouve une issue favorable et rapide.
La Catalogne reste un territoire à problème pour Madrid
Par ailleurs, Pedro Sanchez est mis à mal -une fois de plus- par le dossier catalan. Le mois dernier, le gouvernement a fait passer une modification de la loi sur la sédition afin de satisfaire le mouvement indépendantiste. Le délit de sédition est supprimé du code pénal et devait en théorie permettre d’effacer les peines d’inéligibilité des leaders catalans impliqués dans la déclaration d’indépendance d’octobre 2017.
Une mesure qui ne concernait pas Carles Puigdemont, puisqu’il n’a jamais été jugé en Espagne suite à son départ en Belgique, mais qui devait permettre au leader de la gauche républicaine Oriol Junqueras d’effacer son casier judiciaire.
Las, le Tribunal Suprême espagnol a refusé de lever l’inéligibilité de Junqueras jusqu’en 2031. Certes, les juges ont retiré la charge de sédition respectant ainsi le nouveau code pénal, mais ont maintenu le délit de malversation financière aggravée. En effet, Oriol Junqueras, ancien ministre catalan de l’Économie, a puisé dans les fonds publics du gouvernement catalan pour financer le référendum.
Ce revers, imposé par la justice espagnole, fragilise Pedro Sanchez qui se vantait d’avoir rétabli une situation de normalité en Catalogne et avoir apaisé les relations avec la Generalitat. Or, en plus de l’inéligibilité de Junqueras, la nouvelle jurisprudence du Tribunal Suprême pourrait envoyer en prison dans les prochains mois de hauts fonctionnaires catalans indépendantistes qui ont, eux aussi, puisé dans les caisses publiques pour monter le référendum de 2017. De quoi enflammer de nouveau la Catalogne, précisément ce que cherchait à éviter Pedro Sanchez.