Sortir en pyjama à Barcelone, comme chez soi, n’a rien d’anodin. La tendance qui gagne l’Espagne comme la France ou les Etats-Unis reflète un effet de société. Focus.
Photo : EFE/El Periodico
Pantoufles, pantalons à carreaux, et cheveux en bataille. Dans les rues de Barcelone, un dimanche matin, il n’est pas rare de croiser son voisin en pyjama au supermarché d’à côté, ou à la boulangerie de quartier. Incarnation d’un « mood barcelonais », libéré du regard des autres. « Un peu comme aux Etats-Unis, où on peut voir des gens habillés comme ça pour faire leurs achats », commente Ana Velasco Molpeceres, spécialiste de la mode.
Si la coutume ne date pas d’hier, elle a pris de l’ampleur au fil des années, jusqu’à même devenir une tendance. Qui porte un nom. De l’autre côté de la frontière, en France, on l’appelle « Netflix-Baguette-Netflix » (NBN). Elle a fait son apparition à Paris cet hiver, entre deux épisodes de série et un pain pour grignoter, lui accordant depuis peu un buzz sur les réseaux sociaux.
Cada vez veo más en París eso de salir en pijama a por el pan o a pequeños recados los fines de semana. Me dicen que lo llaman NBN, Netflix-Baguette-Netflix. Seguro que no es solo aquí. Hasta ahí puedo leer. pic.twitter.com/2Nkf4vx8aq
— Olatz Simón (@SimOnTheWay) January 22, 2023
Mais en réalité, se balader avec autant d’aise, telle une célébrité, un dimanche en fin de matinée, lunettes de soleil sur le nez, n’a rien de Français. Le phénomène s’illustre dans la capitale catalane, Miami ou encore Pékin.
La » mode de la paresse » gagne les quatre coins du globe. C’est en tout cas l’impression que cela génère auprès des professionnels, qui différencient cette tendance à celle lancée par les créateurs. « Dolce & Gabbana et Prada ont fait du pyjama un style pendant quelques saisons. C’est très apprécié chez les rappeurs, comme C. Tangana par exemple qui l’utilise souvent. La marque espagnole Grimey se porte beaucoup l’été. Mais c’est un style. Ça n’a rien à voir avec le fait de sortir en pyjama, qui selon moi est irrespectueux », affirme l’historienne de la mode Ana Valeasco Molpeceres.
Un look à l’image de la société
Au-delà de tout commentaire stylistique, cette vogue en dit beaucoup sur l’actuelle société. Epuisée, fatiguée, indifférente. Une société où « tout est permis », ajoute un sociologue à l’agence d’information EFE. Où peu importe ce que l’on porte, personne ne le saura. Où prendre son petit-déjeuner en chaussons n’est que le revers du confinement contre le coronavrius, « où toute règle qui pouvait dicter la façon de s’habiller a été pulvérisée ».
L’historienne de la mode, basée à Madrid, approuve. Partout, dans les maisons de création comme au quotidien, la tendance est de toute évidence, au confort. Entre petites laines et ensembles tricotés. « Aussi parce que notre vie est en ligne maintenant. On ne sort dans la rue que ponctuellement et si cela en vaut la peine. Les repas arrivent à notre porte, le travail se pratique depuis chez soi avec le télétravail. L’envie de s’habiller pour aller au supermarché n’existe plus, c’est vu comme une perte de temps. »
Aux chemises de nuit et robes de chambres en public, certains y verront du snobisme ou de la provocation. D’autres une forme d’audace ou plutôt, un sentiment d’aisance. Après tout, sortir en pyjama dans la cité comtale n’est-il pas simplement une manière de dire « je suis à Barcelone comme chez moi » ?
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