Au cœur du quartier gothique, la Plaça del Pi retrace une partie de l’histoire médiévale de Barcelone. Près de l’église Santa Maria, un bâtiment abritait au XVIème siècle une confrérie dédiée à s’occuper des détenus condamnés à mort, avant et après leur exécution. Elle existe toujours aujourd’hui.
Un écusson sculpté dans la pierre est visible en haut du porche d’entrée. En dessous, une date : 1354. “Non ce n’est pas un 3 mais un 5”, soulève Jordi Sacases, archiviste de la paroisse locale en scrutant la bâtisse. Situé sur la Plaça del Pi, une des places les mieux conservées du quartier gothique, l’édifice est séparé de l’église Santa Maria par la Carrer del Cardenal Casanas. Le bâtiment appartient désormais au clergé.
“C’est dans cette bâtisse, construite en 1542, que se réunissait la confrérie de la Purissima Sangre (Sang immaculé) au XVIème siècle”. Sur le blason, on observe cinq marques. “Ce sont les cinq cicatrices du Christ sur sa croix”, ajoute t-il. La confrérie s’occupait de récupérer les corps des pendus ou des fusillés pour leur faire une sépulture digne jusqu’en 1897, date de la dernière exécution publique dans la ville. “Peu de Barcelonais connaissent son histoire”.
L’association existe toujours. Certes, elle n’a plus tout à fait le même rôle, mais elle garde son essence. Laïque, Jordi Sacases en fait partie. “On s’occupe des personnes en difficulté, sans famille ou qui vivent dans la rue. Lorsqu’elles meurent, il n’y a personne pour elles”. Avec l’accord de la municipalité, Jordi et ses confrères prennent en charge les obsèques quand ils peuvent. “Ils sont incinérés et on place certaines urnes sous l’église”.
Dans l’église Santa Maria, en face de la chapelle de la Vierge de la Madre de Deus, Jordi tire le banc en bois. “C’est ici, dessous”, mentionne l’archiviste en montrant la dalle. Impossible à déceler si on ne le sait pas. Aucune inscription n’est indiquée. “Il n’y a pas beaucoup d’urnes mais la semaine prochaine, on devrait en placer une autre”.
Des archives conservées en lieu sûr
Depuis vingt huit ans, Jordi Sacases est l’un des gardiens des archives de la paroisse. “Les plus anciens documents que l’on conserve datent du XIIème siècle”, précise-t-il.
Dans l’escalier sombre qui mène au service des archives, une petite ouverture permet à la lumière extérieure de se faufiler. Arrivé en haut, Jordi tourne les clés. La porte en bois cloutée s’ouvre. “On y est ! Il ne faut pas faire attention au désordre, il y a un inventaire en cours”.
Plusieurs bibliothèques remplies de grimoires entourent la pièce. Au centre, des tables, des lampes et des dossiers plus ou moins bien rangés. Sur l’ordinateur, un “peu lent”, des photos numérisées de l’intérieur de l’église et des processions de la Semana Santa au siècle dernier trouvent refuge dans les fichiers. Plus ou moins bien classés eux aussi.
Mais le cœur des archives de la paroisse se trouve encore plus haut en montant un escalier en métal au fond de la pièce. “L’humidité y est contrôlée mais on ne fait rien de particulier. La température s’autorégule”. Des centaines de dossiers trouvent leur place depuis 1764. Bien classés cette fois.
“Tout ce qui concerne la confrérie est à cet étage-là dans l’armoire”. Les premières ordonnances originales des statuts de la confrérie, qui datent de 1536, y sont religieusement entreposées. Jaunies par le temps, déchirées à quelques endroits, ce sont de “précieux documents historiques”.
Si pendant trente ans, “il y n’y a eu que quatre membres, sourit Jordi, cela fait deux ans qu’il y a de plus en plus de jeunes personnes intéressées. Je suis un peu surpris”. L’association compte désormais trente membres. Conserver le patrimoine de la ville et se soucier des personnes en difficulté, “c’est trouver du sens”.
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