Ils n’en ont pas la prétention, et pourtant, les boulangers français de Barcelone cartonnent. Entre pains au levain, et viennoiseries au beurre, le savoir-faire « à la Française » plaît. Rencontre avec ces artisans qui ont conquis la cité catalane.
« Le secret ? Du bon pain tout simplement. » Au fournil, situé derrière le comptoir de la boulangerie Eric et Benjamin, près du métro Girona de Barcelone, tous sont unanimes (et Français). Les trois boulangers comme les deux pâtissiers, et le fondateur, lui-même artisan, Benjamin Brabant. La clé du succès, c’est le « vrai pain ». Celui qui fond dans la bouche, se tient bien et ne pèse pas. Celui qui se mange sans faim, et dont raffolent Français comme Catalans et Espagnols.
« Les gens sont contents de trouver du pain artisanal. A Barcelone, il y a encore beaucoup de pain blanc industriel », explique Bertrand Zimmermann, chef de production. Si le secteur a monté en gamme dans la capitale catalane, avec des artisans du monde entier de plus en plus doués, le savoir-faire français reste encore un atout. « On a la culture du pain. Et en France, la formation est plus technique », estime le boulanger Nicolas, alors qu’il farine les pâtes. Lui a été formé en Catalogne, près de Vic. C’est le seul du labo à ne pas avoir d’expérience en France.
Le pain « à la Française » : le temps et les ingrédients
« La façon de faire est un peu différente », avoue-t-il en ajoutant que de très bonnes boulangeries existent en Espagne. Mais trop encore travaillent avec des pâtes très dures, comprenant peu d’eau. Avec des grosses quantités de sel et de la levure industrielle. « Parfois, la fermentation est d’1 h 30 seulement, contre 24 h chez nous. Or, c’est ce qui fait la différence sur l’indice glycémique et fait baisser les sucres. Ça se ressent au goût et dans la digestion », ajoute l’artisan.
Dans les boulangeries françaises de Barcelone, le temps, c’est la clé. Et les matières premières, la base. Farines bio pour Eric et Benjamin, idem pour leur concurrent français La Fabrique à Poble Sec, seul boulanger certifié bio de Barcelone. Ils les importent de France, tout comme Bo&Mie, qui existe à Paris et Barcelone.
« Globalement la qualité est meilleure. Les farines sont plus saines, certaines sans additifs. Ça donne des mies bien alvéolées, un goût plus prononcé et une meilleure durabilité », assure le gérant de la filiale, Bertrand Vignaud. Sans oublier le beurre. Ingrédient indispensable aux viennoiseries. Aux croissants et pains au chocolat qui feuillettent à chaque bouchée. Authentiques.
« On apporte cette petite expérience à la française », sourit le directeur, au nom de son équipe de 20 boulangers, pâtissiers et vendeurs. Chez Bo&Mie, carrer de Provença, tous ne sont pas d’origine française mais pour réussir à conserver les traditions, une formation aux techniques et recettes s’avère obligatoire après chaque recrutement. Ne serait-ce que pour assurer les temps de repos nécessaires, travailler le levain maison, avant d’exprimer un peu plus de créativité.
« Espagnols et Français aiment la gastronomie »
« Si ça marche à Barcelone, c’est aussi parce qu’il y a des similitudes dans les goûts des Espagnols/Catalans et Français. Ce sont des personnes qui aiment la gastronomie », renchérit Bertrand Vignaud. A condition toutefois de s’adapter aux coutumes d’ici, ajoute le fondateur d’Eric et Benjamin. Faire des panellets à la Toussaint, du pain de mie pour les bikinis (sandwich jambon-fromage), du pain de campagne, idéal pour le pan con tomate. Et d’installer un coin snacking et une terrasse.
« C’est essentiel. Les boulangeries aux produits surgelés marchent parce qu’elles ont une terrasse pour prendre un café. »Alors dans la deuxième boutique Eric et Benjamin, ouverte l’an dernier à Sarrià, Benjamin Brabant a tenu à agencer un espace cafétéria. « Il faut s’adapter. Les Français ne représentent qu’un tiers de notre clientèle », rappelle-t-il. Carrer Consell de Cent, il espère donc bientôt poser quelques tables au pied de sa devanture. Car à Barcelone, le plaisir de prendre un verre dehors passe avant l’amour du bon pain. Et ça, pour le coup, ce n’est pas Français.