Passer la frontière n’est pas sans risques. Les Français en passe de s’installer à Barcelone le savent. Et ils hésitent. Salaire, administration, changement. Voici ce qui retarde leur décision.
Photo : Clémentine Laurent
« J’ai peur que ce ne soit pas le même confort. » Jonathan Chalaire pèse encore le pour et le contre. Celui qui habite et travaille à Toulon souhaite s’installer à Barcelone, mais il hésite. « Je suis encore en période de réflexion, j’évalue les risques ».
A 36 ans, le jeune Français ne partira pas aussi facilement que lorsqu’il avait 20 ans. Et pourtant, l’expatriation ne lui fait pas peur. Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Ecosse. Jonathan a vécu aux quatre coins du monde. Mais cette fois-ci, poser ses valises à quelques heures seulement de la France n’est pas si aisé.
Salaires : « ça me fait une grosse chute »
« Les salaires varient beaucoup. Là, ça me fait une grosse chute à la fin du mois. Si je me réfère au Smic espagnol, grosso-modo, je perdrai environ 600 euros. » En Espagne, le minimum salarial se situe à 1 050 €. « Dans les pays anglophones où j’ai vécu, les revenus étaient plus élevés ou similaires à la France, et c’était plus simple pour trouver un emploi », concède l’assistant manager en grande surface.
Voudra-t-il quitter son job et travailler en call center à Barcelone ? Arrivera-t-il à apprendre la langue pour retrouver son statut ? Avoir un salaire à la hauteur de la France ? Les questions fusent encore et pendant ce temps, l‘administratif se fait attendre.
« Les démarches ont l’air compliquées. Le NIE est super long à avoir. Je ne sais pas non plus combien de temps faudra-t-il compter pour les papiers sur place. » Ce genre d’interrogations et de doutes ressemblent aux ressentis de tous les futurs expatriés. Bien qu’une sacrée épine lui soit déjà enlevée du pied : le logement, pour lequel Jonathan a déjà « un plan ».
Garantir sa santé après son logement
Mais avoir déjà un pied-à-terre n’est pas pour autant gage de facilité. Fabienne Pole, 44 ans, possède un appartement dans le quartier de Sant Antoni qu’elle loue à des étudiants depuis la France. Clin d’œil aussi à sa vie d’étudiante barcelonaise, qui l’avait tant séduite autrefois. Mais depuis un an, celle qui a pourtant investi dans la capitale catalane tarde à sauter le pas de l’installation en Espagne.
« Je suis habituée à des salaires de cadre. Sauf qu’à Barcelone, je ne trouve pas de postes facilement. Je n’ai que des entretiens dans les call centers », explique l’ingénieure commerciale en informatique à Paris. Des rémunérations trop faibles pour la quarantenaire qui tient à s’offrir une vie confortable. Avec une santé bien protégée.
Car le second plus gros frein à l’expatriation barcelonaise, pour cette Française originaire de Besançon, c’est aussi la sécurité sociale. « C’est vrai que l’âge avançant, on se préoccupe un peu plus des maladies. C’est un peu l’inconnu. Le fait qu’il y ait pas de remboursements », énumère Fabienne. « Et puis ça fait un peu peur de devoir parler santé en espagnol », affirme celle qui parle le castillan, mais pas couramment.
« J’ai peur pour mon activité »
Elisabeth Cortel Pereira n’a pas le même souci. Sa belle-famille est catalane, son mari aussi, et Barcelone, elle connaît bien. Si la Versaillaise ne doute plus de son installation dans la cité comtale, elle ne se sent pas très sereine pour autant. « J’appréhende beaucoup encore. J’ai peur pour mon activité », avoue la comptable freelance.
Pour suivre son mari, Albert, cette mère de deux enfants s’apprête à tout reconstruire. Ou du moins une partie à laquelle elle tenait beaucoup. « Je suis comédienne formatrice. J’enseigne l’éloquence à des collégiens, mais aussi l’improvisation théâtrale. J’ai trois classes. Et ça sera compliqué pour moi de continuer », regrette-t-elle.
Mais après quelques semaines d’hésitation, Elisabeth, 43 ans, prendra finalement le risque, comme plusieurs autres Français, de faire de Barcelone son véritable lieu de vie. A cœur ou à raison.