Les Franco-marocains de Barcelone se confient à Equinox. Cœur partagé, rêve d’enfant, choix impossible. La demi-finale de la Coupe du monde entre la France et le Maroc réveille un sentiment indescriptible chez les binationaux.
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L’associer à un rêve n’est en rien exagéré. La demi-finale de la France face au Maroc, qui se joue mercredi 14 décembre à 20 h, prend l’allure d’une rencontre historique. Les deux pays savent combien ils sont liés. De cœur, comme de sang. Et cette relation particulière se traduit aujourd’hui auprès de chaque franco-marocain, y compris à Barcelone.
Nous en avons rencontré deux : Mehdi El Karoui et Margaux Loufrani. Le premier est né en France, mais ses origines se trouvent de l’autre côté de la Méditerranée. La seconde a grandi au Maroc en gardant la nationalité Française. L’un comme l’autre appartiennent aux Lions de l’Atlas, comme aux Bleus. Un entre-deux qu’ils racontent à Equinox.
« C’est impossible pour moi de choisir »
Mehdi El Karoui, 29 ans, est né près de Besançon en Franche-Comté. Là où son père et sa mère se sont expatriés depuis le Maroc, dans les années 70, pour le travail. Le jeune chef de projet digital vit à Barcelone depuis un an et demi.
Comment vis-tu cette demi-finale entre la France et le Maroc ?
Clairement, c’est incroyable ! On ne parle que de ça à la maison. En fait, quand t’aimes le foot comme moi, tu en discutes depuis tout petit. Avec mon frère, lorsqu’on jouait à Fifa, l’un choisissait le Maroc et l’autre prenait la France. Et on se disait « imagine, il y a France-Maroc ». Là, se dire que c’est réel, que c’est aujourd’hui en fait, c’est quand même exceptionnel ! Au début, on n’y croyait pas tant la différence de niveau est disproportionnée.
Quel sentiment as-tu par rapport à ce match ?
Ça va être un match dingue ! Tous les joueurs se connaissent, s’adorent. Mais quand il y a du foot, il n’y a plus d’amis, sauf pour les binationaux. Souvent, les gens ne comprennent pas trop ce sentiment. Il faut le vivre.
Quel équipe vas-tu supporter ?
C’est impossible pour moi de choisir. C’est comme si on me demandait de choisir entre mon père et ma mère. Ou dire à un Français qui vit en Espagne depuis plus de 40 ans de choisir. J’ai toujours été fier d’être Français et fier d’être Marocain. Quand il y aura un but, je serai content pour l’un et un peu triste pour l’autre. Ça donne l’impression d’être schizo (rires). Dans tous les cas, ce sera une équipe de cœur qui jouera la finale, et je l’espère, ramènera la Coupe du monde, soit chez moi, soit chez moi.
Cette qualification historique du Maroc renforce-t-elle la communauté marocaine ?
Dès lors qu’il y a un exploit sportif, on se sent sur le toit du monde. Avec le Maroc, là, je ressens surtout un sentiment de solidarité car les pays même en froid se regroupent derrière les Lions. Comme si c’était David contre Goliath. Et le fait que la Coupe du monde se joue au Qatar, je pense que ça motive pas mal. Le Maroc devient un peu le porte-voix de toute la culture africaine et arabe.
D’où suivras-tu la demi-finale ?
J’étais à Barcelone lorsque le Maroc a sorti l’Espagne. Cette fois, je serai en France. Au début, j’étais un peu frustré car, j’avoue, la saveur de voir gagner la France à Barcelone serait quand même douce. Mais ici, je verrai le match avec mes parents, mon grand-frère, mes sœurs. C’est un moment familial et on ira festoyer avec mes amis, peu importe le gagnant.
« Pour moi, c’est presque une finale »
Margaux Loufrani, 31 ans, est né au Maroc, où vivent encore ses parents français. Après avoir passé toute sa jeunesse à Casablanca, elle a étudié en région parisienne avant de rejoindre une entreprise tech de Barcelone, en avril dernier.
La France et le Maroc s’affrontent ce soir. Quelle est ta réaction ?
Je ne pouvais pas rêver mieux ! J’attends ça avec impatience. Mon seul regret, c’est que ce ne soit pas la finale car au moins un des deux aurait pu remporter le Mondial. Mais c’est déjà extraordinaire que le Maroc soit arrivé jusque-là.
Qui vas-tu supporter ?
Faire un choix, c’est trop compliqué. Quand la France va attaquer, je vais crier, et quand ce sera le Maroc, je crierai aussi. D’ailleurs, j’ai les maillots de foot des deux pays. J’ai oublié de les amener dans ma valise pour venir en France. Ce n’est peut-être pas un hasard car je ne sais pas lequel j’aurai mis.
Je suis Française car il n’y a pas le droit du sol au Maroc. Mais il est clair que mon cœur est en partie marocain. J’ai été élevée dans la culture marocaine, presque toute ma famille est là-bas et je pense que ça se ressent. Ne serait-ce que parfois à travers mon accent.
Et si le Maroc gagne ?
Mes amis en France seront comme moi : le cœur partagé. Forcément, je serai un peu déçue pour le perdant, mais tout aussi contente pour celle qui ira en finale. C’est vrai que si ce serait une saveur particulière si le Maroc remporte la demi-finale. La victoire de David face à Goliath. Mais dans tous les cas, on prévoira une petite soirée pour fêter ça. Et ce match, je vais pouvoir le vivre à Paris en suivant la finale. Euh non, la demi-finale ! Comme quoi, pour moi, c’est presque une finale.
Toi qui es temporairement en France, quelle est ton opinion sur les débordements d’après-matchs sur les Champs-Elysées ?
Je pense que les Marocains sont surtout très fiers. Ils avaient envie de se mettre en avant. Sur les Champs, il y avait pas mal de monde. Les scènes un peu moins glorieuses sont toujours à déplorer et j’espère que ce ne sera pas le cas ce soir. Que cela reste toujours des moments de joie.