A Barcelone, entre la porte de l’hôtel et celle du taxi, un touriste peut se voir facturer une dizaine d’euros supplémentaires par rapport aux tarifs en vigueur. Une pratique jugée immorale par la principale association de taxis, qui en révèle les dessous.
La combine ne date pas d’hier. Mais elle donne un aspect « tiers-monde » à Barcelone, qui dérange toujours autant les associations de taxis. « Oui, il existe des commissions illégales entre les hôtels et les taxis. Et ça fait plusieurs années que ça dure », affirme Olivier Contel, président d’Elite Taxi, qui lutte contre ces pratiques depuis 2013.
Mais dix ans après avoir été mis en lumière, le tour de passe-passe persiste encore entre les portes des établissements parfois étoilés, et celles des voitures noires et jaunes de la capitale catalane. Un processus bien rôdé, dont le piégé n’est autre que le client.
De l’argent noir aux frais des clients
« Quand un touriste souhaite qu’on lui commande un taxi, les réceptionnistes ou les portiers appellent une plateforme qu’ils connaissent, contre une rétribution », explique Olivier Contel. Entre 8 et 15 euros, selon la course, tombent dans la poche du personnel hôtelier. Et parfois même de l’établissement. « Certains hôtels facturent le service. C’est une petite somme, on parle d’1,50 € ou 3 € peut-être. Mais ce n’est pas normal car c’est un service public », s’insurge le représentant de l’association.
Au bout du compte, ce sont les clients qui paient les frais. Pour pouvoir compenser ce coût supplémentaire, les taxis augmentent le prix de la course, déjà en hausse depuis deux ans. On sait qu’en 2023, les tarifs du kilomètre de jour (T1) prendront 5,1 % de plus et ceux de nuit (T2), passeront de 1,45 € à 1,51 €. « Alors, en demandant un service normalement gratuit, le pauvre client en revient à payer plus cher alors qu’il n’y est pour rien », alerte Olivier Contel.
Lui-même chauffeur de taxi, le président de l’association sait comment cela fonctionne. Et combien la situation est nuancée. En acceptant ce deal, certains taxis barcelonais se voient assurer d’être appelés pour un transport « rentable ». Un aller à l’aéroport, ou un trajet en dehors de la ville. En clair, des courses suffisamment longues pour pouvoir laisser un billet aux portiers ou réceptionnistes.« Tout accumulés, ils peuvent se faire jusqu’à 1 000 euros au black par mois. »
Taxis surfacturés à Barcelone : « c’est tout sauf éthique »
Un moyen efficace pour le personnel hôtelier d’arrondir ses fins de mois. « Les portiers n’ont généralement pas un bon salaire », admet le président d’Elite Taxi, conscient aussi que bon nombre des hôtels ne sont pas au fait de ce jeu de commissions, à la limite de la légalité. « Concrètement, il n’est écrit nulle part que c’est illégal, mais c’est tout sauf éthique ! »
Le phénomène s’était atténué avec la crise du Covid. Mais depuis le retour du tourisme, ces arrangements reprennent de plus belle. L’association des taxis barcelonais a encore du mal à identifier tous les hôtels concernés par ce phénomène. Mais elle a remarqué une tendance. « Cela se passe généralement dans des hôtels qui n’ont pas d’arrêt de taxis devant leur établissement. » Certains n’en veulent d’ailleurs pas.
Sans cette place dédiée, le personnel doit alors appeler une plateforme de taxis. Et entre le choix de l’argent de poche ou celui de la bonne foi, c’est parfois l’appel du gain qui prime. Au risque de perdre la confiance de ses clients.