La santé a encore du mal à s’expatrier pour les Français. Bien qu’ils vivent à Barcelone ou en Catalogne, ils sont encore nombreux à traverser la frontière pour se faire soigner. Question d’habitude, de langue, ou de confiance. A tort ?
Photo : Clémentine Laurent
Rien de plus sacré que la santé. Et les expatriés français ne lésineront pas sur les moyens pour la protéger. Quitte même à retourner en France pour aller se faire soigner. Alors dans une région comme la Catalogne, si proche de la frontière, l’opportunité n’est que trop belle. « Dans ma clientèle, j’ai pas mal de Français qui vivent en Espagne », annonce Jean-Paul Ortiz, médecin spécialiste à Médipôle Saint-Roch, près de Perpignan.
Et il ne se fera pas contredire. Clémence, 26 ans, habite à Barcelone depuis trois ans. Pierre-Jean, 39 ans, lui, réside dans la cité comtale depuis treize ans. Et tous les deux avouent ne pas hésiter à retourner en France quand ils ont des problèmes de santé. « Pour les gros bobos et quand on est en état de vulnérabilité, on se sent quand même plus à l’aise chez soi », explique Pierre-Jean.
Aussi pour des questions de communication. « Je pourrai très bien me faire soigner à Barcelone, mais je ne me sens pas suffisamment à l’aise en espagnol. Le fait de parler français, c’est rassurant », ajoute celle qui souffre d’une malade chronique de l’intestin. Alors pour ses traitements, la jeune femme préfère retourner dans sa ville d’origine, Grenoble.
Un suivi médical français encore très présent
Et en réalité, elle n’est pas la seule. « Il y en a pas mal qui consultent pour un avis sur les prescriptions qu’ils ont eu en Espagne. Cela concerne plutôt la médecine spécialisée et privée », commente le docteur de Catalogne du nord. Ils vont alors se renseigner ailleurs, pour être sûrs. Mais aussi, parfois, par habitude. Car oui, elles sont parfois bien ancrées.
« Certains ont même gardé leur médecin traitant en France. Soit parce qu’ils savent qu’ils resteront en Espagne que pendant un ou deux ans. Ou parce que le coût de la consultation est de 25 € ou 30 €, dérisoire par rapport au prix de la médecine privé en Espagne. » A tel point que sur la Costa Brava, dans des villes proches de la France comme Roses ou Figueres, des Français se font complètement suivre médicalement au Boulou, et à Perpignan pour les spécialistes.
« Question de feeling », dirait Pierre-Jean. Celui qui habite Barcelone ne se fait soigner que dans le privé en Espagne. Mais il accorde davantage sa confiance au système médical français, et notamment dans les centres hospitaliers universitaires. Son cas n’est pas isolé et vient du passé.
La santé espagnole (vraiment) arriéré ?
« Il existe toujours l’imaginaire d’une médecine plus performante en France qu’en Espagne. C’était vrai il y a 30 ans, mais aujourd’hui, et surtout à Barcelone, elle est au moins au même niveau, si ce n’est plus ! », rétorque le spécialiste français de Médipôle.
Claire, Française habitant dans la capitale de la Catalogne, ne peut que confirmer. Celle qui a eu deux cancers de la peau s’agace justement de cette méfiance française envers la santé espagnole. « Le matériel est plus récent en Espagne. Les infirmières ont moins de malades à charge. Tout est plus informatisé aussi, ce qui évite des soucis de paperasse. Vraiment, la différence est flagrante. Le système français a sûrement été en avance à un moment, mais il est de loin dépassé ! »
Il est vrai que la Catalogne n’a pas à rougir face à sa voisine. Ses innovations médicales sont nombreuses. Mais s’il existe bien une chose difficile à changer chez les Français, ce sont leurs habitudes. Elle y arrivera peut-être. Petit à petit.
