Interdite en 2010, puis à nouveau autorisée en 2016, la corrida n’est jamais revenue à Barcelone. Histoire d’un désamour sur fond de guerre politique.
Le débat sur la corrida en France ravive les blessures chez les aficionados catalans. « Cela me fend le coeur », confie Verónica Moreno, présidente de l’Union taurine de Catalogne. Cette fille de torero et épouse d’organisateur de corridas a été de toutes les manifestations, il y a 12 ans, pour tenter d’éviter l’interdiction de la tauromachie. C’est à ce moment qu’est née son association, qui se dédie maintenant à garder la corrida vivante dans la région, à travers notamment des conférences mais aussi des voyages organisés vers les Pyrénées-Orientales pour voir les spectacles de taureaux.
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Il n’y a pas si longtemps, Barcelone était pourtant l’une des villes où la ferveur taurine était des plus intenses de la péninsule ibérique. C’est dans les arènes de la Monumental que l’activité se concentrait dans les années 2000. Cette jolie « place de taureaux » de style art déco et de près de 20.000 places faisait vibrer les aficionados tous les week-ends. « Il y avait des corridas tous les dimanches, à partir du printemps et jusqu’aux fêtes de la Mercè, fin septembre », se souvient la quadragénaire qui y retrouvait ses amis chaque semaine.
Union des animalistes et indépendantistes
Jusqu’à la dernière corrida, le 25 septembre 2011. Impulsée par une initiative populaire qui avait recueilli 180.000 signatures, la loi d’interdiction de la tauromachie fut approuvée par le parlement catalan, concrètement grâce aux voix des indépendantistes de CiU et des socialistes. Les animalistes ont trouvé parmi les députés indépendantistes des alliés pour mettre à mort ce symbole fort de la culture espagnole.
La Monumental devient alors un lieu de concerts, festivals et food-trucks. Elle héberge aussi un petit musée taurin. « Les corridas reviendront sûrement un jour », assure Laura, la soixantaine, à l’entrée du musée. Car si beaucoup de Catalans pensent que la corrida est encore interdite à Barcelone, il n’en est rien.
En 2016, le tribunal constitutionnel a annulé la loi catalane rendant possible l’organisation de corridas dans la région. Mais « les arènes appartiennent soit à des mairies soit à de grandes entreprises, et personne ne veut froisser le pouvoir », regrette Verónica Moreno. Le groupe Balaña, propriétaire de la Monumental mais aussi de nombreux cinémas et théâtres de la ville, assure d’ailleurs que la nouvelle activité des arènes est plus rentable que la tauromachie. L’autre place de taureaux, les Arenas, est quant à elle devenue un centre commercial.
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