Touristes de passage, résidents de longue date, visiteurs réguliers ou fraîchement installés dans la capitale catalane, nombreux sont les Français qui se font tatouer à Barcelone. Dans une ville où cette pratique est devenue la norme, les jeunes de 20 à 35 ans représentent la clientèle majoritaire des salons de tatouage. Reportage.
Photos : la Psicologa Tatuada. et Louise Garcia/Equinox
« Beaucoup de touristes français qui viennent passer un week end à Barcelone en profitent pour se faire tatouer ici. Certains le font parce que c’est moins cher qu’en France, et beaucoup veulent garder un souvenir de la ville. Un palmier, une vague, un soleil, ou la fleur de Barcelone sont les plus demandés parmi les tatouages souvenirs » explique Lola, tatoueuse au Dot Tatoo Studio de Badalona. La jeune femme de 29 ans accueille ses clients dans un cadre chaleureux : canapés et coussins, surmontés d’illustrations représentant différents styles de tatouage, le tout sur un fond musical entraînant. On s’y sent comme dans son salon.
Photo : Fleur de Barcelone – Mire Tatoo
Originaire de Bordeaux, Lola s’est installée dans la capitale catalane en 2015 après avoir eu un coup de foudre pour la ville. Grâce aux réseaux sociaux et au bouche-à-oreille, elle a réussi à se créer une clientèle, majoritairement française, et féminine. « Il y a encore quelques années, le milieu du tatouage était assez fermé aux femmes, il y avait beaucoup de machisme et en conséquence, pas beaucoup de tatoueuses. Aujourd’hui, cela a beaucoup changé, de plus en plus de femmes exercent ce métier, et nous avons de plus en plus de clientes » observe Lola.
Une importante clientèle parmi les Français de Barcelone
Pour la communauté française installée au sein de la capitale catalane, Lola est assez connue, notamment via les groupes de Français sur Facebook et Instagram. C’est d’ailleurs parce que plusieurs personnes de son entourage s’étaient faites tatouer par la jeune femme qu’Adrien, 32 ans, est venu dans son salon « C‘est la première fois que je viens la voir. J’ai fait mon premier tatouage au Mexique, et là je viens pour faire mon deuxième sur le bras, que j’envisage de remplir complètement par la suite ! » explique ce Parisien d’origine, installé à Barcelone depuis deux ans et demi. En une vingtaine de minutes, le motif dessiné en hommage à ses parents est sur son bras droit.
Si Barcelone est une des villes où l’on se fait le plus tatouer, le phénomène concerne toute l’Espagne, qui est le 6e pays le plus tatoué au monde, avec plus d’un tiers des 18-35 ans qui possèdent au moins un tatouage. « Les jeunes se tatouent plus car c’est rentré dans les mœurs, c’est vu comme étant moderne, alors que la génération de nos parents ou grands-parents l’associe encore à quelque chose de marginal, comme ça l’était avant » constate Caroline Gourdier, psychologue française à Barcelone et elle-même tatouée.
Dans le salon de Lola, les clients s’enchaînent. Arrive un autre Français, cette fois un habitué des lieux. Lui aussi s’appelle Adrien. Il a fait son premier tatouage il y a 18 ans, et en possède désormais une vingtaine sur tout le corps. « Quand je suis à Paris, il y en a toujours qui me regardent bizarrement lorsqu’ils voient mon bras tatoué, alors qu’ici, les gens s’en fichent, on fait ce qu’on veut de notre corps, sans avoir droit à des réflexions désagréables » constate le trentenaire qui travaille en Catalogne depuis 5 ans et demi.
Un phénomène que Caroline, qui sous le nom de « La Psy Tatouée, » a également observé. « Je suis parfois agréablement surprise dans les bars ou dans les magasins, du look des employés! Il se peut qu’il y ait encore de la discrimination dans certains domaines, mais aujourd’hui elle s’est beaucoup atténuée. En tous cas à Barcelone, il n’y a aucun jugement » se réjouit cette Française tatouée sur les bras, les pieds, la nuque, la jambe et le décolleté.
Aujourd’hui âgée de 40 ans, c’est à 21 ans qu’elle a réalisé son premier tatouage, avec une signification particulière pour elle « ils symbolisent une étape de ma vie importante ou ma manière de voir la vie en général. Ils me représentent tous d’une certaine façon« .
« Que signifie ton tatouage ? Pour quelle raison tu as décidé de t’en faire un ? » Des questions auxquelles les personnes tatouées doivent souvent répondre. Pourtant, tous n’ont pas de signification. « Quand on fait son tatouage il y a toujours cette injonction disant qu’il faudrait une signification particulière derrière, quelque chose d’unique. Alors que pour moi ce n’est pas du tout le cas, j’ai juste trouvé ça joli et depuis toute petite j’avais envie de le faire » explique Perrine, 21 ans, de passage à Barcelone.
Recommandés par les groupes d’expatriés Français, choisis en partie parce qu’ils parlent français ou pour le style qu’ils proposent, les tatoueurs francophones ne manquent pas à Barcelone, répondant à une demande croissante. Même si c’est au sein de la capitale catalane que le prix du tatouage est le plus élevé en Espagne, il reste en moyenne inférieur à la France où la pratique reste encore discriminée, même si un Français sur cinq est désormais tatoué.