La capitale catalane a enregistré en 2021 son taux de natalité le plus bas depuis 1939, avec un âge moyen de sa population toujours plus élevé et désormais établi à 44 ans. Un phénomène auquel la ville s’adapte, mais qui pourrait changer le visage de la ville si la tendance se confirme dans les prochaines années.
Photo : Clémentine Laurent/Equinox
La jeunesse ne cesse d’emplir les boîtes de nuit de la Barceloneta, les bars du Born ou encore les rues du Raval, donnant l’impression d’une ville prise d’assaut par les étudiants et les jeunes actifs. Mais ce n’est qu’une présence temporaire, beaucoup d’entre eux quittant la ville après quelques années pour aller s’établir ailleurs en Espagne, ou rentrer dans leur pays d’origine.
A l’inverse, les personnes âgées restent, une majorité ayant toujours vécu et travaillé à Barcelone. Ainsi, un Barcelonais sur cinq a plus de 65 ans, une augmentation de près de 30% en à peine vingt ans.
Des personnes âgées bien insérées
Alors la mairie s’adapte « au défi du vieillissement » en « maintenant une activité personnelle et sociale, permettant de retarder l’apparition et le développement de maladies et handicaps » selon le département en charge des personnes âgées.
Aquagym, taichi, organisation de fêtes, mise à disposition de potagers urbains, initiation au journalisme, chorale de Noël…les propositions de sorties et d’activités à destination de ce public ne manquent pas, dans une ville où près d’un tiers des personnes âgées vivent seules. Par le biais des 56 casals et des centres civiques présents dans chaque quartier, la municipalité propose de nombreux lieux d’échanges et de rencontres entre séniors… qui n’ont pas forcément envie de rester entre eux.
« Je suis bientôt retraité et je compte bien rester actif, mais ce n’est pas pour me retrouver uniquement avec des vieux ! Ce n’est pas parce qu’on a passé 60 ans qu’on doit vivre dans notre coin, à l’écart du reste de la société. Moi je veux passer mes journées avec des jeunes, c’est eux qui me donnent de l’énergie! » ironise Paco, agent d’entretien dans le quartier de Sants à Barcelone. « J’aime bien être avec des personnes de mon âge, retrouver mes amies du quartier, mais pas uniquement. Je pense qu’on devrait organiser plus de choses à destination de tous, on s’en fiche de l’âge tant qu’on est ouverts aux autres » explique Lidia, à la retraite depuis une dizaine d’années.
Dans cet optique, plusieurs associations promeuvent un modèle intergénérationnel, à l’image de Barcelone Accueil, point d’accueil pour les francophones de Barcelone. « Nous proposons de nombreuses activités sportives et culturelles, des rencontres ou encore des cours. Mais ce qui est important pour nous c’est la mixité des générations. Par exemple, pour l’activité pétanque, on pourrait penser qu’il y a seulement des retraités, mais non ! Les jeunes viennent. Et c’est pareil pour le paddle, tout le monde se mêle » explique Monique Touzot-Diaz, l’une des responsables de l’association et elle-même retraitée.
Dans un autre style, le programme Adopta un Abuelo (adopte un grand-père) met en relation des jeunes de 16 à 30 ans avec des personnes vivant en résidence pour personnes âgées. Des activités sont organisées chaque jour comme des ateliers cuisine, réseaux sociaux ou encore dessin, permettant de lutter contre la solitude, en particulier pour ceux qui ne reçoivent pas de visites. L’application Kuvu permet quant à elle aux personnes de plus de 55 ans vivant seules de mettre à disposition une chambre libre de leur logement pour un jeune, notamment étudiant.
Une tendance qui s’installe
Le vieillissement de la population s’observe également dans la vie politique de la ville. En mai prochain, les Barcelonais choisiront leur maire. Et si Ada Colau (48 ans) tentera de briguer un troisième mandat, ses principaux challengers appartiennent à la catégorie des séniors.
Le candidat de la gauche indépendantiste, Ernest Maragall, fêtera ses 80 printemps en janvier prochain. Il avait déjà tenté sa chance lors des municipales de 2019. Arrivé en tête de l’élection, il n’avait pu s’installer dans le fauteuil de maire suite à une alliance post-scrutin entre Manuel Valls et Ada Colau. Les derniers sondages lui laissent espérer une victoire en 2023.
Du côté plus à droite de l’échiquier, la ville bruisse de la rumeur du retour de l’ancien maire Xavier Trias, qui dirigea la ville de 2011 à 2015. Âgé de 76 ans, il quitterait sa retraite politique pour revenir sur le devant de la scène. Un singulier combat électoral verrait alors s’affronter deux candidats de 80 et 76 ans.
Ada Colau et Ernest Maragall – Photo Ajuntament de Barcelona
Un maire âgé, à l’image d’une ville où les retraités représenteront la part la plus importante de la population dans les années à venir ? À en croire le solde démographique de Barcelone, avec plus de morts que de naissances en 2021, la ville tend vers ce phénomène si rien n’est fait pour booster le taux de natalité à un niveau historiquement bas. D’autant que les jeunes adultes et familles avec enfants en bas âge sont ceux qui quittent le plus la capitale catalane.
Alors que Barcelone comptait avant sur son immigration pour maintenir son taux de natalité à un niveau correct, ce n’est désormais plus le cas. En 2022, le flux d’immigration observé à Barcelone est désormais similaire à celui d’Ourense en Galice ou encore Zamora en Castille et Léon, les villes espagnoles avec la population la plus âgée. Une bascule démographique qui pourrait peser, à l’avenir, sur les stratégies de politique de la ville et notamment sur ses attributs les plus festifs.