Diada 2022 à Barcelone : la grande dépression indépendantiste

Frappé par les peines de prisons suite à la déclaration d’indépendance de 2017, rongé par les rivalités politiques intestines, évacué par la succession des crises sanitaires, économiques et internationales, le mouvement séparatiste catalan aborde le défilé de la fête nationale dans la plus grande désunion et avec un moral au plus bas.

Pere Aragonès, président (indépendantiste) de la Catalogne n’assistera pas au défilé de la fête nationale catalane qui aura lieu ce dimanche 11 septembre à Barcelone. Son parti politique, Esquerra Republicana (ERC la gauche républicaine), agit comme un seul homme et ne fera pas non plus le déplacement. La raison officielle invoquée : la manifestation est un défouloir critique contre le gouvernement de Catalogne. Ce n’est pas faux, Asemblea Nacional de Catulunya, organisatrice des festivités, condamne la Generalitat pour son immobilisme indépendantiste.

La raison d’être de la manifestation de la Diada est de déstabiliser le gouvernement espagnol. Dans son changement de stratégie initié lors de l’arrivée des socialistes au pouvoir à Madrid, ERC cherche justement à donner une stabilité au gouvernement de Pedro Sanchez. En échange, le mouvement indépendantiste a obtenu une grâce sortant de prison ses leaders incarcérés.

Une édition singulière de la Diada

L’édition 2022 de la Diada ne ressemblera pas à celles des années précédentes. 2010 fut l’année pivot. A cette date, le tribunal constitutionnel a lourdement retoqué le statut d’autonomie de la Catalogne provoquant la sortie de millions de personnes dans les rues de Barcelone. Donnant le coup d’envoi d’événements massifs chaque 11 septembre. Jusqu’ici, la Diada marquait le début de l’année politique et fixait un objectif. En 2012, par exemple, les organisations revendiquaient la Catalogne comme un nouvel État d’Europe.

La puissance manifestante offrait un projecteur international à la Catalogne et pressurisait le gouvernement catalan pour aller plus loin, plus vite, plus fort dans le processus indépendantiste. Le président Aragonès ayant reconnu qu’il n’y aurait aucune avancée significative avant 2024 cherche à couper les pattes des manifestants.

Manque d’avancées

Le problème plus profond est que les indépendantistes semblent avoir fait le tour de la question : deux référendums non autorisés, une déclaration unilatérale de sécession en 2017 n’ont pas fait bouger d’un iota le projet du nouvel État catalan dans le concret. Donc, les gouvernants catalans baissent le ton. Le fleuve indépendantiste revient dans son lit catalaniste, se contentant de défendre le droit à parler en catalan et une certaine exception culturelle. Par ailleurs, la situation sanitaire puis la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont éloigné les Catalans du débat politique.

Ils restent certaines voix pour tenter de garder vivant le flambeau de l’espérance. Comme celles de l’ancien président Carles Puigdemont ou l’ex-présidente du parlement Laura Borràs qui soufflent sur les braises ardentes des réseaux sociaux. Borràs, avec son aura et son charisme politique, réfléchit tout haut à monter son propre parti politique pour incarner l’âme puriste du mouvement indépendantiste.

Les deux partis séparatistes de gouvernement, ERC et les centristes de Junts per Catalunya, ont plus la tête aux municipales de mai 2023 où le discours policé et consensuel sera de mise. Les militants séparatistes les plus acharnés y croient encore et espèrent un sursaut salvateur. L’indépendantisme politique et l’indépendantisme militant sont plus séparés que jamais.

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