Métropole ouverte et cosmopolite, la capitale catalane est l’une des destinations préférées des personnes LGBT, classée parmi les villes les plus accueillantes au monde pour cette communauté. Pourtant, depuis quelques années, les discriminations et agressions envers les lesbiennes, gays, bisexuels et trans se multiplient à Barcelone, avec une augmentation préoccupante en 2022.
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En arrivant à Barcelone, il y a ces drapeaux aux couleurs de la communauté LGBT suspendus fièrement sur les balcons et à l’entrée de certains établissements que l’on remarque immédiatement. Ils font partie du paysage au même titre que les drapeaux catalans. Et puis, en se promenant dans les grandes avenues de la capitale catalane, on peut voir, beaucoup plus qu’ailleurs, les couples homosexuels se tenir la main, sereinement, sans craindre l’hostilité des passants.
Sans oublier les nombreuses boutiques LBGT-friendly et les évènements annuels organisés dans le but de promouvoir l’égalité des droits pour tous, et la lutte contre les discriminations. La mairie de Barcelone est d’ailleurs un des acteurs de premier plan dans ce combat visant à faire évoluer les mentalités. En 2017, Ada Colau, maire de la ville était l’une des premières personnalités politiques espagnoles à révéler publiquement sa bisexualité « Nous vivons dans une société moderne où tout le monde doit pouvoir aimer celui qu’il aime. Je l’ai dit parce que c’est sorti de manière naturelle sans avoir à le cacher » avait-elle déclaré à l’époque.
Un retour en arrière
Pour autant, depuis moins d’une dizaine d’années, la situation ne semble pas évoluer dans le bon sens « Les agressions ont beaucoup augmenté en 2022, et c’est très préoccupant parce ce qu’on n’était plus habitués à une telle violence à l’encontre des personnes LGBT » affirme Ricardo de la Rosa, avocat de la Fundacio Enllaç, réseau d’entraide pour les personnes LGBT. Ce sont en majorité des agressions verbales et physiques, bien souvent suivies de menaces, qui sont dénoncées par les victimes. Et c’est dans l’espace public, en particulier dans les transports en commun que ces dernières sont le plus prises pour cible.
Des coups et des insultes qu’il est cependant difficile, la plupart du temps, de traduire en justice comme l’explique l’avocat «souvent, la police n’a pas la capacité de poursuivre les agresseurs, parce qu’il faut que la victime ait pu les identifier, et c’est très compliqué. Ce sont des personnes qui agressent et repartent aussitôt ». Si toutes les personnes LGBT peuvent être concernées par ces agressions, c’est en particulier les personnes qui ont entre 25 et 30 ans qui sont le plus victimes de ces actes haineux, « commis à 95% par des jeunes hommes qui agissent en bande » explique Eugeni Rodriguez, président de l’observatoire contre l’homophobie.
Une radicalisation des mentalités
En Catalogne, des actions sont menées régulièrement pour éduquer à la tolérance et à l’ouverture d’esprit, et ce, dès le plus jeune âge. Mais certains groupes sociaux qualifiés « d’extrémistes » commencent à prendre de l’ampleur, promouvant des opinions radicales. Un phénomène qui, selon les travailleurs sociaux des associations LGBT, serait dû en partie à l’émergence de l’extrême droite dans l’espace public « toutes ces personnes imprégnées d’un discours de haine, on les voit de plus en plus avec l’arrivée de l’extrême-droite (notamment le parti Vox créé en 2013) au sein des institutions » s’inquiète Eugeni Rodriguez.
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Des paroles et des actions de rejet qui augmentent, et qui tendent à trouver leur légitimation auprès des discours de Vox, ouvertement opposé aux droits récemment acquis par la communauté LGBT comme le mariage homosexuel ou la possibilité pour les couples de même sexe d’adopter des enfants. Un parti politique qui trouve de plus en plus d’adeptes, et dont la communication est facilitée de nos jours par les réseaux sociaux, qui permettent en un temps réduit une radicalisation des mentalités, notamment des plus jeunes. Pour autant Ricardo de la Rosa l’assure « ce sont pour le moment des éléments isolés et irrationnels », faisant que Barcelone reste en majorité, une des villes les plus sûres pour la communauté LGBT. Mais pour combien de temps encore ?