Si 900 000 Français ont quitté l’Algérie lors de l’indépendance du pays en 1962, certains d’entre eux ont préféré continuer leur vie en Espagne. Retour sur une histoire méconnue de ces pieds-noirs d’Espagne.
« J’ai quitté mon pays, j’ai quitté ma maison, ma triste vie, se traîne sans raison », écrivit Enrico Macias sur le bateau qui le ramena de l’Algérie à la France. Si la majorité des pieds-noirs, qui ont dû quitter l’Algérie suite aux violences liées à l’indépendance de l’Algérie, se sont installés dans le sud de la France, à Marseille, Perpignan et Nice, d’autres moins nombreux ont choisi l’Espagne et en particulier Alicante.
Ils étaient Français, comme leur terre de naissance l’Algérie. Pourtant, l’accueil qui leur fut réservé dans l’Hexagone à été plus que glacial. « Qu’ils aillent se réadapter ailleurs. » Cette phrase, prononcée en juillet 1962 par Gaston Defferre, le mairie socialiste de Marseille. En Espagne, l’accueil fut plus chaleureux. 35 000 pieds-noirs se sont installés dans la région d’Alicante (Valence), particulièrement dans les villes de Sant Juan et Benidorm, et 28 000 autres à Madrid.
Il semble que le choix d’Alicante soit lié notamment au voyage organisé par la mairie de cette ville afin de participer à la Foire exposition d’Oran quelques mois avant l’indépendance. Les principales personnalités de la ville ont fait le déplacement et de nombreux pieds-noirs profitent de leur voyage de retour et de la complicité des autorités espagnoles pour partir en Espagne.
Géographie, histoire et politique
Géographiquement parlant, Alicante ressemble énormément à Oran, par son climat, son ambiance et son architecture. Pour certains, Alicante et Oran sont des villes jumelles.
Vue d’Alicante (source mairie)
Historiquement, la présence et la longue influence de la France dans la région d’Alicante ont aussi joué un
rôle important dans le choix des Français d’Algérie de s’installer dans la zone. À partir de la fin du XIXe siècle avec la rapide expansion de la viticulture dans la région, après les ravages du phylloxéra dans les vignobles français, la présence française à Alicante s’intensifie. On y ouvrira à partir de cette époque la première école française de la ville et un consulat français.
La régime dictatorial du général Franco s’est montré particulièrement ouvert avec ces réfugiés. Les pieds-noirs étaient éligibles à des prêts bancaires spécialement créés pour la communauté. Beaucoup d’entre eux étaient des commerçants et le gouvernement espagnol de l’époque a vu une excellente opportunité de développer son économie alors fragile. « J’ai ouvert mon magasin sans avoir à verser une seule peseta pour le pas-de-porte », a déclaré dans la presse de l’époque Raymond Selles, alors propriétaire de l’un des plus importants magasins d’électroménager d’Alicante.
Du coup, la communauté s’est montré très favorable au régime franquiste et n’a pas hésité à manifester son soutien lors de rassemblements partisans dans les rues de la région de Valence.
L’OAS
Les militants de l’OAS (Organisation armée secrète) ont choisi majoritairement de ne pas se rendre en France mais eux aussi à Alicante. Les membres du mouvement clandestin qui a tenté de s’opposer par la violence à l’indépendance de l’Algérie entre 1961 et 1963 étaient des ennemis du général de Gaulle alors au pouvoir. Afin d’échapper à la justice française qui n’hésitait pas à les poursuivre pour terrorisme, les militants actifs ont trouvé dans l’Espagne franquiste une terre de refuge. Au moins jusqu’à l’amnistie qui leur sera accordée en 1968.
Finalement, 50 000 pieds-noirs ont choisi d’acquérir la nationalité espagnole. Aujourd’hui encore, la communauté pied-noir et ses descendants est encore très présente en Alicante.
En 1968, la télévision française a consacré un long reportage sur les Français d’Algérie arrivant à Alicante.