L’eau volée qui empire la sécheresse, en Catalogne

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Alors que l’Espagne vit une sécheresse historique, de grandes quantités d’eau sont volées chaque année dans les sous-sols du pays, via des puits illégaux.

Puits illégal à Masarac, dans l’Alt Empordà, en Catalogne. Photo : Guardia Civil

Avec des ressources en eau en-dessous des 40 %, du jamais vu depuis 1995, la Péninsule ibérique se trouve actuellement dans une situation qu’elle n’avait plus vécu depuis des années. L’effet des vagues de chaleur et du manque de pluie ont mené de nombreuses régions à imposer des restrictions d’eau, dont la Catalogne. Et pourtant, alors que certains agriculteurs ne peuvent plus arroser librement leurs plantations, d’autres profitent de forages illégaux pour puiser l’eau située en-dessous de leurs terrains. 

Le pays connaît le problème des puits illégaux depuis de nombreuses années déjà. C’est d’ailleurs le plus exposé au phénomène, en Europe, selon l’ONG WWF. Ces forages servent très souvent à l’agriculture intensive, mais ils apparaissent aussi dans certaines zones touristiques. L’Espagne compterait actuellement plus d’1 million de puits illégaux, selon l’association Greenpeace, bien qu’il existe d’autres types de “vol d’eau” comme des petits barrages non-autorisés ou des captations directes de l’eau de fleuves. Les puits illégaux représentent cependant les trois quarts du problème, selon le Seprona, Service de protection de la nature espagnol, qui a effectué une grande opération contre ces forages en janvier dernier.

La Catalogne, criblée de puits illégaux

Ainsi, en Murcie, en Andalousie mais aussi en Catalogne, ces puits représentent un problème de taille pour les autorités autant que les particuliers. 

D’un côté, le vol d’eau au sens propre : extraire de l’eau se trouvant en-dessous de son terrain reste illégal, l’eau étant un bien public et une ressource précieuse dans un pays plutôt aride. Selon Greenpeace, entre 2013 et 2017, l’extraction illégale d’eau a fait perdre presque 15 millions d’euros à l’Espagne, en termes de dommages au patrimoine public hydraulique.

eau volée sécheresse catalognePuits illégal, dans la province de Gérone. Photo : Guardia Civil

Mais ces forages sont aussi problématiques pour l’environnement, car ils mènent à la pollution des nappes phréatiques. 44 %, soit près de la moitié des eaux souterraines en Espagne étaient surexploitées et/ou polluées, en 2017 selon la même association. La Catalogne est loin d’être épargnée, notamment avec des captations illégales dans l’embouchure de l’Èbre. 

L’affaire Julen, enfant victime d’un puits illégal

Cependant, le plus grand danger que représentent ces puits concerne directement les animaux, et l’Homme. Une partie de ces forages ne sont plus utilisés, mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont correctement rebouchés, signalés et sécurisés, ce qui mène malheureusement à des drames. 

En Espagne, tous se souviennent de l’affaire du petit Julen. En janvier 2019, son visage était sur toutes les unes de journaux : l’enfant de deux ans était tombé au fond d’un puits illégal, dans la campagne de Málaga, après avoir échappé à la surveillance de ses parents. Coincé à 71 mètres de profondeur pendant 13 jours, les sauveteurs ne réussiront pas à le remonter vivant. L’affaire avait presque fait le tour du monde, et l’Espagne avait retenu son souffle pendant deux semaines. 

En Catalogne, on compte pas moins de 250 puits illégaux, selon les chiffres de la Guardia Civil, et un peu plus de la moitié se situent dans la province de Gérone, précisément dans l’Alt Empordà. Ces forages y mesurent entre 30 centimètres et 1 mètre de diamètre, et vont de 4 à 90 mètres de profondeur, ce qui laisse imaginer la gravité des accidents qui pourraient s’y produire. 

eau volée sécheresse catalognePuits illégal à Vidreres, dans la province de Gérone. Photo : Agents Rurals

Malgré le danger et le problème d’eau que ces puits illégaux représentent, les associations écologistes déplorent que leurs responsables ne soient que très peu poursuivis. “L’un des délits contre l’environnement les plus commis en Espagne est, paradoxalement, très peu poursuivi”, alarme Greenpeace, qui a mené une longue enquête sur le sujet. “Une preuve en est que les confédérations hydrographiques ont enregistré seulement 7557 plaintes entre 2013 et 2017, parmi lesquelles 3474 correspondent à des puits illégaux, un chiffre dérisoire comparé au plus d’1 million de puits estimés en Espagne.

Couplée à une méconnaissance de la loi de la part des agriculteurs et foreurs, l’impunité autour des puits illégaux risque de perdurer, et d’assécher encore plus le pays.

À lire aussi : L’Espagne fait face à une sécheresse historique

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