Alors que des mesures d’urgence viennent d’être annoncées en Andalousie et en Catalogne, c’est tout le pays qui est actuellement concerné par de futures pénuries d’eau. À terme, les scientifiques craignent que les ressources énergétiques deviennent insuffisantes en Espagne, entraînant des phénomènes de migration climatique.
Photo : La Razon
Plus de 75 % du pays est actuellement menacé de désertification. Le manque de pluie, les épisodes répétés de canicule mais également le système de gestion des ressources sont en cause. Il faudra à l’avenir être en mesure d’anticiper des « épisodes de tension maximale« , a déclaré la ministre espagnole de la Transition écologique.
Et pour cause, cet été les réserves d’eau sont tombées à moins de 40 % de leur capacité, soit 20 points de moins que la moyenne de ces dix dernières années sur la même période. En Europe, l’Espagne est ainsi l’un des pays qui exerce le plus de pression sur ses ressources en eau, d’autant que c’est également celui qui a enregistré en 2022 le plus de surfaces brûlées en raison des incendies, plus de 245 061 hectares, un record.
Des restrictions qui interrogent
Face à la sécheresse et aux risques de pénuries, les autorités ont pris des mesures de restrictions de l’eau en Andalousie et en Catalogne, deux régions où les réserves ne dépassent pas 25 % à certains endroits, malgré les aménagements réalisés. En effet, plus de 1200 barrages ont été construits durant le XXème siècle en Espagne pour faire face aux pénuries d’eau, le chiffre le plus élevé d’Europe rapporté au nombre d’habitants.
Photo : Barrage hydroélectrique de la Llosa del Cavall
Mais pourquoi restreindre l’eau aux usages essentiels, si les pelouses continuent d’être arrosées en pleine canicule, de même que les terrains de football ou de golf ? « Alors que la sécheresse est un phénomène météorologique, la pénurie découle d’actions économiques, techniques et politiques », souligne Luis Babiano, directeur de l’Association espagnole des opérateurs publics d’approvisionnement en eau et d’assainissement.
Un autre problème majeur qui pousse le modèle espagnol dans ses limites : celui des usages agricoles. L’agriculture intensive accapare près de 80 % des ressources hydriques du pays, notamment pour des plantations inadaptées au climat sec de l’Espagne, comme celles de l’avocat, destinées en majorité à l’exportation.
Les associations écologistes dénoncent alors une incohérence entre la volonté de poser des limites de consommation à la population, et l’autorisation qui est faite d’utiliser d’importantes quantités pour des activités agricoles dont les produits ne vont même pas servir à la population locale.
Une situation préoccupante
Les nombreuses vagues de chaleur, les incendies virulents, le manque de pluie et le débit excessif consacré à l’irrigation sont ainsi les principales causes de la sécheresse. Mais avec le réchauffement climatique, ces dysfonctionnements risquent de se répéter, voire de rentrer dans la normale.
Photo : Converses a Catalunya
C’est ainsi toute la gestion de l’énergie en Espagne qui est remise en cause. « De nombreux villages subissent des coupures de courant non seulement en raison du manque de précipitations, mais surtout en raison du manque d’investissements« , observe Luis Babiano. D’autant que cette année, ce sont les deux types de sécheresse observables qui se combinent. La première, dite « hydrologique », fait référence au stockage en eau, tandis que la seconde, dite « météorologique », désigne les périodes sans pluie, dont la durée et la fréquence augmentent avec le changement climatique.
L’Espagne devra ainsi rapidement revoir son modèle qui semble désormais obsolète, afin de pouvoir gérer les prochaines périodes de sécheresse qui s’annoncent encore plus longues et plus intenses. Cet été, plus de 47 % du territoire européen a été placé en alerte pour sécheresse, dont 17 % en alerte grave.