Que l’on habite à Gràcia ou dans le Raval, le risque de mourir d’une cause liée à la chaleur n’est pas le même. Et ce sont principalement des facteurs économiques et sociaux qui expliquent ce phénomène.
Photo : Clémentine Laurent/Equinox
Alors que la capitale catalane a connu en juillet la pire canicule de son histoire, le Ministère espagnol de la Santé vient de publier un chiffre alarmant : plus de 2000 personnes sont décédées en un mois dans le pays en raison des fortes chaleurs. Avec des températures comprises entre 39 et 45 degrés, Barcelone est l’une des villes qui a le plus souffert de la canicule, qui devrait se prolonger tout au long du mois d’août.
S’hydrater régulièrement, se réfugier dans les espaces verts et ombragés, aller dans des endroits frais et climatisés la journée… Les recommandations habituelles pour limiter des désagréments liés à la chaleur sont connues de tous. Encore faut-il pouvoir les appliquer.
Les nuits tropicales, facteur de surmortalité
À Barcelone, là où la température monte le plus, c’est également là où la qualité thermique des bâtiments est la pire. Et bien souvent, ce sont dans les quartiers éloignés de la mer, renfermant les îlots de chaleur, et habités par les classes sociales les plus défavorisées. « La nuit, on observe les températures les plus élevées dans le centre, au niveau du bas de l’Eixample, du Raval et de Gran Via. Ce sont dans ces zones où il y a les principaux îlots de chaleur car l’énergie que l’on utilise au quotidien y est concentrée. Il y a aussi les matériaux de construction qui retiennent beaucoup la chaleur la journée, et la diffusent la nuit » explique Javier Martin Vide, professeur de géographie à l’Université de Barcelone et spécialiste de la climatologie.
En conséquence, le risque de mourir d’une cause associée à la chaleur n’est pas homogène dans toute la ville.
Selon l’Agence de santé de Barcelone, ce dernier augmente de 9,9 % dans le Raval lorsque la température dépasse 28,6 degrés, tandis qu’à Pedralbes, un des quartiers les plus riches de la capitale catalane, ce risque n’augmente que de 3,4 %. Et c’est en particulier à la nuit tombée que le danger est le plus important « La nuit, la situation est plus grave car le corps doit se reposer, il en a besoin. Mais avec cette chaleur, lorsque la température reste au-dessus de 25 degrés, ce n’est pas possible. Alors les gens qui ont des maladies chroniques voient leur situation s’aggraver, de même que ceux qui vivent dans des logements précaires, et cela crée de la surmoralité« , souligne Josep Roca Cladera, professeur d’architecture à l’Université Polytechnique de Barcelone.
Rénover entièrement la ville
La rénovation énergétique des logements suffirait-elle à endiguer, du moins en partie, ce fléau ? « Ce sont des quartiers entiers qu’il faudrait rénover, et pas seulement des bâtiments si l’on souhaite être efficaces. C’est tout l’espace public qu’il faut repenser afin de créer des îlots de fraicheur« , analyse Josep Roca Cladera.
Barcelone doit ainsi s’adapter aux futures vagues de chaleur en créant d’importants espaces verts, qui permettront de faire baisser la température en ville de 3 degrés, car la capitale catalane en manque énormément. « Dans le quartier de l’Eixample, il y a 2 m2 de verdure par habitant, alors que la recommandation de l’OMS est de 10 m2, il y a donc clairement un déficit d’espaces verts à Barcelone« , poursuit le professeur d’architecture de l’Université polytechnique de Barcelone.
Un déficit d’espaces verts que l’on observe en particulier dans les quartiers populaires, et qui sont aujourd’hui utilisés comme élément de gentrification (transformation d’un quartier vers une forme d’embourgeoisement, contraignant les classes populaires à le quitter pour laiser place à une population plus aisée). En effet, lorsqu’a été construite la superilla de Sant Antoni, afin d’aménager l’espace pour qu’il y ait plus de verdure, le prix du logement a fortement augmenté. Vivre à proximité de jardins en ville serait donc un privilège et non plus un droit auquel tout le monde a accès. « Le changement climatique augmente les inégalités sociales. Les personnes riches vivent dans des meilleures conditions et peuvent climatiser leur logement, alors que les plus pauvres restent les plus exposés à la chaleur« , conclut Javier Martin Vide.
À Barcelone, ce sont plus de 170 000 personnes qui se trouvent en situation de précarité énergétique. Ils représentent ainsi la population la plus vulnérable face à l’élévation des températures.
À lire aussi : La climatisation, meilleure ennemie de la chaleur à Barcelone