Barcelone, sans vagues mais avec des surfeurs

Barcelone accueille une communauté de plus en plus importante de surfeurs, alors que la côte catalane enregistre près de 265 jours sans vagues par an. Enquête sur un paradoxe.

En longeant le littoral de la Catalogne, il est possible de croiser des vagues « surfables », en particulier près de Barcelone. Mais la présence de surfeurs sur un spot où les vagues sont présentes seulement 100 jours par an interroge. Implanté par des travailleurs australiens venus pour les grands travaux des JO de 1992, le surf est tout récent à Barcelone. Pendant leur temps libre, ces ouvriers abandonnaient leurs outils pour la planche et tentaient de surfer les quelques vagues de la Méditerranée. La côte catalane devint peu à peu reconnue, avec son premier magasin spécialisé puis la naissance d’une véritable communauté : « les surfeurs de Barcelone ».

Pour Pietro, surfeur aguerri depuis 8 ans et fondateur d’une école de surf à la Barceloneta, “depuis son implantation dans les années 1990, l’influence du surf dans la ville n’a fait que croître”.

Surfeur BarcelonePietro, habitant de Barcelone depuis 5 ans, en mer près de la Barceloneta

L’ancien quartier de pêcheurs est peu à peu devenu la Venice Beach espagnole. Aujourd’hui, Barcelone est la ville qui vend le plus de planches de surf dans le pays. La Catalogne, quant à elle, accueille plusieurs évènements de surf, comme le Championnat catalan de surf. Des organismes émergent aussi, avec l’Association catalane de surf.

Depuis la pandémie, la demande a considérablement explosé affirme Pietro. “Après avoir été enfermés si longtemps, les gens veulent à nouveau se dépenser, être en contact avec la nature et surtout se sentir libres. Le surf permet un grand sentiment de liberté”, confie le jeune Italien.

photo école de surf Ewell Barcelone

Mais comment expliquer ce succès grandissant, alors que la ville n’enregistre que très peu de vagues dans l’année ? “Ici le surf est un sport d’hiver !” explique Pietro. La période pour surfer à Barcelone s’étend d’octobre à mai. En été, impossible de voir passer une seule vague praticable. Mais pendant l’hiver, la mer est généralement plus agitée, ce qui peut expliquer en partie la possibilité de surfer.

265 jours d’attente

Toutefois, les surfeurs barcelonais doivent attendre en moyenne 265 jours avant de prendre la planche. Un documentaire a même repris le chiffre pour évoquer ce thème, il s’intitule « 265 jours sans vagues ».

Pendant 58 minutes, ce film, réalisé par Julie Gomez, retrace l’histoire du surf catalan et met en évidence la complexité de ce sport dans la région. L’un des témoins affirme que “c’est plus difficile d’apprendre le surf en Catalogne, qu’au Pays Basque, en Atlantique, là où il y a des vagues tout le temps”.

Des surfeurs persévérants et un peu rêveurs

Le manque de vagues impose donc une autre façon d’aborder ce sport extrême. Le surfeur méditerranéen se différencie par sa patience et surtout sa persévérance. Il doit être à l’affût des vagues, aussi rares soient-elles. Il n’a pas peur du froid et passe la grande majorité de son temps à vérifier les prévisions météos, à la recherche de la vague parfaite. Comme l’affirme un sportif dans le film de Julie Gomez, “le surf en Méditerranée, spécifiquement en Catalogne, est fait de rêves et très peu de réalité”.

Une réalité qui, pourtant, ne décourage pas les passionnés. “J’aime ce sport et je m’adapte au lieu et à l’environnement où je suis, c’est tout”, affirme le surfeur de la Barceloneta, sûr de lui. En fait, il s’agit plutôt de profiter de la mer et de ce qu’elle offre, ou non. “Par exemple, au tennis, le sol doit être ferme, il faut une terre spéciale, qu’il ne fasse pas trop humide…etc. Pour autant, on peut faire du tennis partout dans le monde. Le surf c’est pareil” ajoute-t-il.

Surfeurs sur la plage de la Barceloneta, à BarceloneCe qui anime avant tout les surfeurs de Catalogne, c’est cette satisfaction de pouvoir surfer une vague après de longs jours, semaines, voire des mois d’attente. Un sentiment qu’ils sont sûrement les seuls à connaître. Et si le lieu n’offre pas autant de vagues que de l’autre côté de la Péninsule, ici, les passionnés ne veulent rien savoir, car « le surf, c’est avant tout un style de vie ».

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