Les monstres et dragons ont toujours fait partie des légendes catalanes. Mais certaines surprennent plus que d’autres, comme celle du monstre du lac de Banyoles, à l’image de la bête qu’abriterait le Loch Ness.
Photo : Tino Soriano
Dans la province de Gérone, Banyoles est une petite ville calme, où la vie s’écoule tranquillement au rythme de l’eau. On vient se baigner dans le lac, s’y promener et s’y amuser, bref, un petit coin de paradis. Mais pour les habitants, le lac de Banyoles n’a pas toujours été le havre de paix qu’il est aujourd’hui. Une vieille légende, encore bien présente aujourd’hui, évoque la présence d’un terrible monstre marin dans ses profondeurs.
Car cette étendue d’eau, surnommée “étang” par les locaux (‘estany’) mais qui est pourtant bien plus grande, avec ses deux kilomètres de long, est extrêmement ancienne. Elle s’est formée naturellement il y a des centaines de milliers d’années, avec la résurgence d’une eau provenant des sources de la Alta Garrotxa, à près de 40 kilomètres de là. Et ses eaux sont très profondes, allant jusqu’à presque 50 mètres à certains endroits, ce qui laisse imaginer toutes sortes de contes et légendes sur ce qu’il se passe là-dessous.
Un monstre qui terrifiait Banyoles, en Catalogne
Bien les habitants de Banyoles ne tarissent pas de légendes sur leur lac et la forêt qui le borde (la forêt de Les Estunes serait enchantée), l’une d’elles fait particulièrement froid dans le dos. On raconte qu’au Moyen-Âge, un terrible monstre aquatique terrorisant les riverains, avec ses écailles, ses pics le long de son dos et ses ailes armées de harpons. Surnommé “Mon-Mon” par les habitants, il lancerait même des flammes de son regard de reptile.
Photo : demediterraning
Comme pour la célèbre histoire du dragon de Montblanc, terrassé par Sant Jordi, le monstre de Banyoles serait mangeur d’hommes et exigeait aux habitants qu’ils lui servent, chaque jour, un enfant comme repas, obligeant les riverains à tirer au sort quelle famille devra sacrifier l’un des leurs.
Charlemagne en personne aurait tenté de vaincre le dragon, sans succès ; il est dit que l’haleine si putride du monstre empêcha toute victoire du roi et de ses troupes.
Mais l’histoire finit (à peu près) bien : un moine venu de Narbonne, prénommé Mer, aurait réussi à rendre la bête totalement docile grâce à un signe de croix et des prières. Deux versions se contredisent quant au sort de l’animal : l’une d’elles raconte qu’il retourna tranquillement dans sa grotte et ne dévora plus personne, l’autre affirme que le monstre fut égorgé sur la place de la ville. Dans tous les cas, les habitants de Banyoles furent sauvés par le moine, qui fonda le monastère de la ville.
Pas de monstre, mais une carcasse d’avion
Légende urbaine ou réalité, la véracité de cette histoire mène encore parfois à débattre. On attribue certains événements plus récents au monstre du lac, comme une attaque de diligence fin XIXème siècle, le naufrage inexpliqué d’un bateau touristique en 1913 ou encore celui d’une embarcation transportant des retraités français, en 1998.
Photo : Joan González
Mais une chose est certaine concernant les profondeurs du lac de Banyoles : s’il ne cache pas une bête monstrueuse, il conserve au moins… la carcasse d’un avion. Et ce fait est véridique : durant la guerre civile, les avions militaires n’étaient pas rares dans la région et les jeunes pilotes aimaient impressionner les filles en faisant voler leur appareil au ras de l’eau.
Mais un jour de 1938, deux avions entrent en collision au-dessus du lac de Banyoles et l’un d’eux est coulé, précipitant dans les profondeurs ses trois passagers. Depuis, la carcasse du bombardier russe Tupolev SB-2 KATIUSKA repose au fond des eaux, dérangée une fois en 1985 par des plongeurs qui y ont récupéré un moteur et diverses pièces de l’avion. Si celui-ci est difficile à voir, étant donné l’opacité et la profondeur de l’eau, les pièces retirées sont aujourd’hui visibles au Musée de l’Air de Madrid.
Le lac de Banyoles continue encore aujourd’hui à fasciner, grâce à ses légendes et son histoire, et surtout faire le bonheur des promeneurs et baigneurs les chaudes journées d’été… à condition de ne pas trop s’éloigner du bord.
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