La droite espagnole pactise plus facilement avec l’extrême-droite qu’en France. Décryptage.
Sauf coup de théâtre, Valérie Pécresse sera éliminée lors du premier tour de la présidentielle dimanche prochain. Comme en 2017, les cadres du parti Les Républicains (LR) devront choisir entre Emmanuel Macron ou une abstention si la candidate de second tour est Marine Le Pen, comme l’annonce les sondages. Probablement comme en 2017, il n’y aura aucun ralliement à Marine Le Pen des chapeaux à plumes de LR mais les regards seront plus nombreux à se tourner vers le président sortant.
Dans une tribune publiée dans Le Figaro mercredi dernier, l’ensemble des députés LR appelle à voter pour Valérie Pécresse. « Nous ne sommes pas solubles dans l’extrême-droite incarnée par Marine Le Pen et Éric Zemmour », écrivent les parlementaires. On comprend ici que les LR se placent fort logiquement à la gauche de Le Pen et Zemmour. En revanche les députés continuent : « nous ne sommes pas solubles dans la majorité incarnée par Emmanuel Macron ». Les LR n’arrivent pas à qualifier Macron de centriste, mais de « majorité ». De facto, ils ne se placent pas à la droite de Macron mais dans un espace indéterminé.
Droite espagnole et française : miroir inversé
C’est l’exact inverse de la droite espagnole. Le Partido Popular (PP) désigne clairement le positionnement politique de l’actuel gouvernement : « une coalition socialo-communiste » selon les ténors du parti. Les voix sont plus rares et plus timides pour taxer Vox (le RN local) d’extrême-droite. Au mieux, les leaders du PP qualifient le mouvement de « populiste ».
Des mots qui correspondent aussi aux actes : la droite refuse de placer un cordon sanitaire autour de Vox et pactise plus ou moins directement avec l’extrême-droite. La présidente PP de la région de Madrid, Isabel Diaz Ayuso, le fait de manière particulièrement décomplexée et se présente volontairement comme la pasionaria de l’union des droites.
D’autres n’assument pas de fréquenter le sulfureux Vox mais acceptent de gouverner grâce à l’appui indirect de l’extrême-droite. C’est le cas du maire de Madrid où les 4 conseillers municipaux de Vox sont indispensables à la coalition du PP et des centristes de Ciudadanos pour garder la majorité. Même scénario dans les régions d’Andalousie et de Murcia. La pudeur est en revanche effacée dans le territoire de Castilla-y-León où un accord de gouvernement a été signé entre le PP et Vox qui hérite de la présidence du parlement local et de trois ministères régionaux. Sans nul doute, la droite espagnole aurait pactisé avec Le Pen ou Zemmour.
Deux histoires différentes
Certes, les histoires nationales sont différentes. Vox n’a pas la charge politique du RN avec les multiples dérapages de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz et autres obsessions liées à la Shoah. Contrairement à un Zemmour, le patron de Vox Santiago Abascal n’est pas condamné par la justice pour ses propos.
Par ailleurs, il est important de rappeler que Vox vient à l’origine d’une scission du Partido Popular. L’union des droites espagnoles est donc un concubinage après un divorce. Tandis que le Front National de Jean-Marie Le Pen, né en 1973, est un conglomérat de poujadistes, pétainistes, révisionnistes voire néo-nazis. Le FN se place donc dans un environnement beaucoup plus anti-système que Vox qui, d’une certaine manière, est issu de l’establishment.
De manière globale, en raison du système électoral à la répartition proportionnelle, les institutions espagnoles ouvrent leurs portes aux extrêmes. La Cup, qui n’a rien à envier à Lutte ouvrière ou à Philippe Poutou, joue depuis 2015 un rôle important dans la stabilité des différents gouvernements indépendantistes catalans. Podemos, avec sa ligne très Mélenchonienne, détient la vice-présidence et cinq ministères dans le gouvernement espagnol.