Le 1er avril, pas de blagues, pas de poisson d’avril. Les Espagnols ont une tradition différente, avec une fête bien à eux pour s’amuser et faire des plaisanteries.
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En Espagne, pas de poisson d’avril. Non pas que les Espagnols ne font pas de blagues, mais tout simplement parce que ce n’est pas la bonne date pour eux.
Si le 1er avril est le jour des plaisanteries en France et dans d’autres pays, pour l’Espagne, c’est plutôt le 28 décembre, le jour des Saints Innocents. Ce jour-là, les Espagnols (et les Latinoaméricains) se font des petites farces, les médias publient un article faux et volontairement amusant ou ridicule (ce que l’on appelle une “inocentada”), et les enfants s’accrochent même des morceaux de papier en force de bonhomme dans le dos, un peu à la manière des poissons d’avril.
Mais si la date diffère entre l’Espagne et ses voisins, la raison est, comme pour beaucoup d’autres fêtes, religieuse. Et elle n’a rien de joyeux. Le 28 décembre est le jour des Saints Innocents (“Día de los Santos Inocentes”), en Espagne, faisant référence à une tragédie biblique. Dans l’Évangile selon Matthieu, le roi Hérode Ier avait appris qu’un enfant naîtrait dans la région de Bethléem, et que cet enfant prendrait sa place sur le trône d’Israël. Il souhaita donc se débarrasser de cet enfant pour conserver sa couronne, et tenta alors de soutirer des informations aux Rois Mages sur le lieu de naissance exact du Christ, dans succès.
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Fou de rage, Hérode demanda alors à ses soldats d’assassiner tous les enfants de moins de deux ans qu’ils trouveraient à Bethléem et aux alentours, ne sachant pas exactement où était né Jésus-Christ. Ce massacre est connu comme celui des Saints Innocents, et depuis, l’Église catholique commémore ce jour. Cet épisode est d’ailleurs représenté à Barcelone, sur la façade de la Nativité de la Sagrada Família.
Des origines bibliques… et médiévales
Mais pourquoi, alors, célébrer ce jour tragique de manière joyeuse ? Et pourquoi précisément le 28 décembre, alors qu’on ne connaît en réalité pas la date précise à laquelle ces faits ont eu lieu ? La réponse pourrait bien se trouver au Moyen-Âge.
À l’époque, on célébrait durant le mois de décembre la “Fête des Fous”, un réel événement en France. Loin d’être religieuse, cette fête aurait des origines païennes, et plus précisément romaines : elle viendrait des Saturnales, la célébration du solstice d’hiver à l’époque de la Rome Antique. La Fête des Fous médiévale était le jour où tout était plus ou moins permis, et tous pouvaient se dédouaner de leurs actes le temps d’une journée ; les farces et blagues étaient de mise.
Ce serait donc pour “calmer” ces excentricités que l’Église aurait décrété la célébration des Saints Innocents durant la Fête des Fous, le 28 décembre. Mais la tradition des farces perdure, aujourd’hui en Espagne. Selon certaines sources, elles s’inspireraient des ruses utilisées par les parents de Bethléem pour cacher leurs enfants des soldats du roi Hérode.
1er avril, le jour de l’An… ou presque
Une question demeure : pourquoi les Français font alors des blagues le 1er avril, s’ils célébraient eux aussi la Fête des Fous en décembre ? Il existe plusieurs hypothèses, mais la plus probable est celle du changement de calendrier. En 1582, la France et d’autres états catholiques abandonnent le calendrier julien et passent au grégorien. L’année commence désormais le 1er janvier, et plus le 25 mars, jour de l’Annonciation chez les Catholiques.
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Ce changement de calendrier aurait provoqué des confusions durant les années suivantes, des Français se trompant et pensant que l’année commençait encore durant la semaine d’avril. Une aubaine pour les farceurs, qui s’en seraient donc donné à cœur joie pour duper leur entourage.
Le poisson d’avril, quant à lui, compte aussi ses différentes légendes. L’une d’elles raconte que durant le printemps, la pêche était interdite dans certaines zones de France, pour permettre à la faune de se renouveler. On leur offrait donc un faux poisson pour les réconforter, un “poisson d’avril”.
Si l’Espagne a aussi adopté le calendrier grégorien la même année que la France, en 1582, les plaisanteries du 1er avril n’y ont pas pris. Au final, bien qu’ayant des traditions similaires, les deux pays ont adopté une date différente pour faire des plaisanteries.
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