En Espagne, les chiffres du chômage n’ont jamais été aussi bas, et le nombre de contrats à durée indéterminée (CDI) n’a jamais été aussi élevé. Comment le gouvernement socialiste a-t-il relancé le marché de l’emploi de la péninsule ibérique ?
Photo : Vicente Zambrano Gonzalez/Ajuntament
Février 2022 signe des records. En Espagne, le chômage baisse de plus de 11 000 personnes et 316 841 CDI supplémentaires ont été signés, pratiquement deux fois plus qu’avant la réforme du travail. C’est le dixième mois consécutif que le nombre d’actifs augmente dans la péninsule ibérique. Pour rappel, juste avant l’été 2021, plus de 905 000 emplois ont été créés, « consolidant la tendance de croissance d’avant la pandémie », selon le gouvernement.
La crise économique liée au Covid-19 quasiment effacée ?
Le chômage enregistré à la fin de février 2022 s’élevait à 3 111 684 personnes. Par rapport à février 2021, le nombre de chômeurs a ainsi diminué de 897 105 personnes, soit -22,38 %. Il s’agit de la plus forte baisse d’une année sur l’autre, et les chiffres sont même plus bas que les données pré-pandémiques affirme la SEPE (l’équivalent de Pôle emploi en Espagne). Les données sur le chômage reflètent également une réalité qui se profilait déjà en janvier 2022, lorsque la nouvelle réforme du travail a commencé à être appliquée. Dès lors, en février, 1,4 million de contrats ont été signés, dont plus de 316 841 à durée indéterminée, soit près de 22 % de la totalité des contrats. En janvier, ce chiffre était de 15 %, et jusqu’en 2021, avec l’ancienne législation du travail, la moyenne avoisinait les 10 %. « Cela représente donc une augmentation de 184 410 CDI par rapport au même mois de l’année précédente » précise l’économiste catalan José Miro.
Selon l’économiste, la volonté du gouvernement de favoriser les CDI participe grandement aux chiffres records du marché de l’emploi. En parallèle, la crise sanitaire a incité les secteurs ayant pâti des mesures restrictives à embaucher plus d’employés en contrat longue durée. Pour les salariés, ce type de contrat leur confère plus de sécurité, de stabilité et leur assure une plus grande indemnité de licenciement que les contrats temporaires. D’où l’augmentation d’embauche en CDI dans la péninsule ibérique, et ce, dès le début de sortie de crise économico-sanitaire.
L’Espagne veut en finir avec les contrats précaires
La réforme du travail portée par Yolanda Díaz, en décembre 2021, propose plusieurs mesures fortes notamment une réduction du nombre des CDD et des temps partiels ; une impossibilité de licencier une personne pour absentéisme ou maladie ; et une hausse des indemnités de licenciement afin de limiter la précarité et d’assurer un traitement plus « juste » des personnes tout au long de leur vie professionnelle. L’approche de cette réforme vise à remettre en cause la réforme mise en place en 2012 par le gouvernement de droite de Mariano Rajoy, qui augmentait nettement la « flexibilité des contrats et facilitait la procédure de licenciement » rappelle José Miro.
Ainsi, la nouvelle réforme supprime la « flexibilité totale » qui pouvait durer jusqu’à trois ans. De même, le CDD est limité à 18 mois sur une période de 24 mois : au-delà, il deviendra un contrat à durée indéterminée. « Le CDI est appelé à devenir la norme, et le CDD ne pourra être utilisé que dans des circonstances spécifiques comme pour remplacer un employé par exemple », précise l’économiste catalan. Le gouvernement socialiste espagnol a, ainsi, réussi à pousser ses réformes du marché du travail et, par la même occasion, à revaloriser fortement le salaire minimum, tout en favorisant la création d’emplois.
Espagne : les secteurs qui recrutent le plus en CDI
Le pourcentage de CDI enregistrés en février est particulièrement élevé dans les secteurs de l’agriculture, du BTP et des services. Selon les données du ministère du Travail, le nombre total de CDI enregistrés le mois dernier dans le secteur agricole a augmenté de 162 % ; l’industrie signe une hausse de 57 % ; dans la construction, on note une augmentation de 108 %, enfin, dans les services, une hausse de 73 % es observée.
En somme, les données du ministère dévoilent des chiffres records dans presque tous les secteurs d’activité. Néanmoins, l’économiste José Miro tempère « la guerre en Ukraine et ses conséquences peuvent altérer les bons chiffres du marché espagnol, notamment dans le secteur agricole et du BTP ».
À lire aussi : Le marché de l’emploi à Barcelone ne s’est jamais aussi bien porté