Attendre sur le quai un train encore en retard, c’est presque une habitude française… bien moins répandue en Espagne. Les trains espagnols sont plus ponctuels qu’en France, et les raisons sont multiples.
Photo : SNCF/Facebook
Les Français expatriés en Espagne (en particulier les Parisiens) l’ont peut-être remarqué : les trains espagnols sont moins en retard que les français. Et ce n’est pas qu’une impression. Presque 95 % de tous les trains espagnols sont arrivés avec moins de 5 minutes de retard à leur terminus, en 2019. Ce n’est le cas que pour 91 % des trains, en France, selon l’Autorité de la qualité des services dans les transports.
Et si l’on compare la France à ses voisins européens, le résultat est plutôt médiocre. Elle se classe 11ème sur 16 pays étudiés, en ce qui concerne les retards de trains, alors que l’Espagne atteint la 7ème place (la Suisse domine le classement).
Pire, les retards de la SNCF s’aggravent avec les années : en 2018, on comptait 3750 heures de retard cumulées, et le chiffre grimpe à plus de 8500 heures en 2021. Et la raison principale de ce temps perdu est bien connue : l’oubli de bagages.
Un protocole de sécurité qui ralentit le trafic
Lorsqu’une valise est oubliée par un voyageur, dans une gare ou un wagon, la procédure pour la retirer ne provoque aucun retard de trains en Espagne, affirme la Renfe, compagnie nationale espagnole. Et c’était presque le cas, en France, avant 2015 et les attentats de Paris.
Le plan de sécurité en vigueur a mené les forces de sécurité à alourdir la procédure, faisant souvent appel à une équipe de déminage et installant un périmètre de sécurité qui ralentit forcément le trafic.
Photo @posidona
Et le problème a été démultiplié par la pandémie. « Le nombre de procédures pour bagages délaissés a été multiplié par trois depuis 2018. Nous comptons de 30 à 40 gros incidents par semaine, dont certains peuvent occasionner jusqu’à 15 000 minutes de retard« , explique Alain Krakovitch, directeur de Voyages SNCF, au site Ville, Rail et Transports en novembre 2021. Cela représente environ 200 procédures chaque semaine dans les trains et gares de France, et la première cause des retards de trains des TGV et interrégionaux (Intercités) en 2021.
Le port du masque pourrait expliquer les oublis plus fréquents, car le champ de vision est réduit, mais aussi le passe sanitaire nécessaire pour monter à bord. Les voyageurs sont souvent contraints de poser leurs bagages pour montrer leur QR code, ce qui peut occasionner plus d’oublis, sans compter le télétravail qui a multiplié le nombre de sacs, notamment lorsqu’il faut transporter un ordinateur par exemple.
En Espagne, le masque est aussi obligatoire dans les trains, mais pas le passe sanitaire. Et l’oubli de bagages n’est pas une cause majeure de retards, certifie la Renfe.
Le réseau français trop vétuste
La responsabilité des voyageurs n’est pas la seule cause des retards des trains français. L’âge du réseau ferroviaire l’est aussi. Même s’il est le deuxième le plus étendu d’Europe après l’Allemagne, il date en moyenne de 29 ans, voire bien plus pour le réseau local.
“Le mauvais état du réseau reste la cause principale de la faible qualité de service du transport ferroviaire en France”, soutient la Cour des Comptes, et ce mauvais état oblige certains trains à ralentir sur les voies les plus vétustes, pour l’association UFC-Que Choisir. 4500 kilomètres de voies en France subissent ce type de ralentissements, en particulier les petites lignes, et les financements pour rénover le réseau ne suivent pas, ce qui aggrave le problème d’année en année.
Photo @jjmzdehesa
En Espagne, en revanche, l’âge du réseau ferroviaire ne semble pas être un si gros problème. Les lignes Barcelone-Madrid ont en moyenne 14 ans, bien moins que le réseau français. La Renfe assure d’ailleurs que les trains ne doivent pas ralentir sur ces lignes à cause de l’état des voies, et qu’un entretien préventif est effectué pour l’éviter.
Si l’on reste sur le réseau ferroviaire, l’Espagne semble même mieux organisée que la France, en faisant passer ses TGV (“AVE”, “haute vitesse espagnole”) sur des voies qui leur sont presque exclusivement réservées, alors qu’en France, ils circulent sur le réseau classique. Résultat : plus de 93 % des AVE arrivent à l’heure, contre moins de 78 % pour les TGV.
Service minimum, dans les trains en Espagne
Mais la différence majeure entre la Renfe espagnole et la SNCF française, qui influe grandement sur la qualité du service, est le service minimum durant les grèves.
Car si le nombre de trains minimum est fixé par le gouvernement (national ou local, dépendant de la compagnie ferroviaire), lors de chaque grève en Espagne, ce n’est pas le cas en France où le service minimum n’existe pas dans la loi.
Depuis 2007, une loi oblige bien les grévistes à se déclarer au moins 48 heures à l’avance pour que le personnel restant puisse être réparti, mais on ne peut pas réquisitionner des fonctionnaires, contrairement à l’Espagne. Le nombre de trains en France dépend donc de la quantité de grévistes.
Photo : Ludovic Marin/La Dépêche
C’est donc la SNCF qui « fixe » son service minimum, qui peut être bien moindre qu’en Espagne. Par exemple, lors d’une grève de la SNCF en Nouvelle-Aquitaine fin janvier 2022, seulement 15 % des TGV habituels ont été assurés. Ce n’est pas exactement le cas en Île-de-France, où la RATP a l’obligation de faire passer au moins 50 % des trains aux heures de pointe, et la SNCF au moins 30 % de ses trains.
Mais cela reste très éloigné de l’Espagne, où le service minimum va de 50 % du service normal à 75 % pendant les heures de pointe, voire même 85 % pour les Rodalies (trains de banlieue et régionaux) de Catalogne. Tout en sachant que ces pourcentages sont fixés par les autorités en fonction de chaque grève, pour assurer un service minimum qui altère le moins possible les trajets des usagers.
Pour résumer, rien n’oblige les compagnies ferroviaires françaises à assurer un certain service minimum (sauf en Île-de-France), alors qu’en Espagne, entre 50 % et 85 % du trafic normal doit forcément être assuré.
La France roule donc bien loin derrière l’Espagne sur plusieurs points. Les retards de trains espagnols, contrairement à la France, sont en majorité dus à la météo, ou bien à des pannes et problèmes techniques, pas à la vétusté du réseau ou aux oublis de bagages.
À lire aussi : La fin programmée des TGV France-Espagne