Jean-Luc Romero : « Barcelone est la ville du plaisir, de la tolérance et de l’ouverture »

Photos : Clémentine Laurent/Equinox

Jean-Luc Romero est adjoint au maire de Paris, chargé des Droits humains, de l’Intégration et de la Lutte contre les discriminations. En visite officielle à Barcelone pour rencontrer des représentants de la mairie et des associations LGBT, il a accordé un entretien à Equinox.  

Vous êtes en déplacement à Barcelone depuis mardi, vous avez rencontré les équipes d’Ada Colau à la mairie de Barcelone pour parler des droits sociaux de la communauté LGBT, quels sont les projets qui vont voir le jour ?

Barcelone est en avance sur pas mal de sujets, et il est intéressant de voir comment la mairie s’en est emparée. Je suis admiratif de l’engagement institutionnel avec la création d’un centre LGBT financé par la mairie mais dont la gestion est laissé aux associations. A Barcelone, j’ai aussi rencontré Stop sida qui est un collectif qui lutte contre le Chemsex. Barcelone est l’une des villes les plus touchées par ce phénomène qui concerne aussi Paris.

Les maires de Paris et de Barcelone sont sur la même longueur d’ondes. Bien que Barcelone soit pionnière en la matière de lutte pour les droits des personnes LGBT, Paris a perdu du temps. Entre 1980 et 2000, il n’avait aucune politique en la matière mise en place par la droite parisienne.

Pourtant il y a une image du Paris gay des années 80. On pense notamment à la radio FG dont vous avez été l’un des fondateurs. 

Oui il y avait une émulation mais pas au niveau des institutions. En France, il a fallu attendre 1982 pour que l’homosexualité soit dépénalisée. Dans les années 80, il y avait des descentes de police dans les lieux homosexuels. C’est le ministre de l’Intérieur qui a dû dire à la police de se calmer et d’arrêter de faire des fiches sur les personnes homosexuelles.

Ensuite la ville s’est libéralisée. Barcelone est en avance car elle s’est libérée plus tôt et de manière explosive après la mort de Franco. En 1980, je venais dans les arènes de Barcelone écouter chanter Mercedes Sosa au milieu des joints qui tournaient dans les gradins (rires).

Jean Luc Romero Barcelone

En début de semaine, vous avez vécu un moment de tension avec Jean-Marc Morandini sur la chaine Cnews. Vous n’êtes pas convaincu quand l’animateur parle de supposées zones de non-France dans lesquels il serait dangereux d’entrer. Est-ce qu’aujourd’hui un homosexuel peut entrer dans tous les quartiers de France ?

Il y a des zones compliquées, j’ai été élu à Bobigny dans le 93. Oui il faut faire plus attention, mais j’ai pu sortir partout. Alors oui dans certains endroits géographiques, nous n’avons pas fait la mixité sociale, nous avons mis les pauvres au même endroit et ça pose problème. Mais je n’en peux plus de ce mouvement qui dit qu’en France tout est catastrophique, que tout va mal, que l’on ne peut plus sortir dans les rues car il y a trop d’étrangers.

C’est insupportable. Quand Valérie Pecresse utilise les mots de l’extrême-droite comme celui du « grand remplacement », il ne faut pas qu’elle s’étonne de tomber à la 4e place derrière Zemmour et Le Pen. Il faut retomber sur terre, on a de la chance de vivre dans une démocratie riche, arrêtons de nous replier sur nous-mêmes. A tous ceux qui parlent d’immigration zéro, je leur demande : comment on aurait fait sans les immigrés pour occuper les travaux les plus durs ?

Pourtant les socialistes ont été au pouvoir en France… 

On ne va pas commencer à chercher les responsables. Car tout le monde est responsable de la situation actuelle. A Paris, je suis chargé de mission par Anne Hidalgo pour tenir la promesse républicaine. Nous avons remarqué qu’un éboueur d’origine immigré travaillant pour la ville de Paris va passer toute sa vie derrière la benne à ramasser les poubelles. Un éboueur français, lui, va ensuite devenir chauffeur et finalement entrera dans l’administration. Les travailleurs immigrés de la ville de Paris s’auto-excluaient en pensant qu’ils n’avaient pas le droit de progresser socialement et nous on ne leur a pas assez expliqué que si, en fait, ils en ont le droit. On doit juste arrêter avec ces histoires de France chrétienne, car la France est plurielle.

Puisque vous évoquez des candidats qui défendent la France dite chrétienne, comment réagissez-vous face à Eric Zemmour qui entend dénoncer un supposé lobby LGBT tentant d’influencer les pouvoirs publics particulièrement au sein de l’Éducation nationale ?

Pourquoi la France a été le dernier pays européen à voter le mariage pour tous si il y a un lobby si puissant ? On le voit encore aujourd’hui avec les difficultés pour adopter la loi de la PMA pour tous. On veut juste de l’égalité pour tous et une lutte très forte contre la LGTBphobie notamment sur les réseaux sociaux. Lorsque quelqu’un sort un propos antisémite, raciste ou homohobe sur Twitter et qu’il reçoit des milliers de likes ça banalise les mots.

J’ai vécu une expérience pas plus tard qu’hier. En visitant une exposition sur le centre gay et lesbien de Barcelone, j’ai posté sur mon compte Instagram une photo d’une oeuvre nue. En moins de 30 minutes, Instagram a supprimé mon post. Ils ne sont pas aussi rapides pour effacer les commentaires homophobes.

Jean Luc Romero Vous êtes adjoint de la maire Anne Hidalgo et candidat socialiste aux prochaines législatives à Paris. Que se passe-t-il pour que votre prétendante à l’Elysée soit à moins de trois points dans les sondages ?

Il y a du machisme et un problème avec les femmes. Je l’ai dit cette semaine sur Cnews concernant les critiques sur la forme du meeting de Valérie Pecresse, on n’aurait jamais fait ça sur un mec. Quand je l’ai dit pendant l’émission, on s’est foutu de ma gueule. Pourtant quand Macron a la voix qui déraille dans ses meetings de 2017, on ne fait pas une heure de débat à la télé là-dessus !

Concernant Anne Hidalgo, c’est la même chose, la candidate subit un bashing comme je n’en ai jamais connu. Elle est insultée sur les réseaux sociaux simplement pour le fait d’être une femme.

Segolène Royal en 20007 était une candidate socialiste féminine et a fini au second tour.

Il n’y avait pas autant les réseaux sociaux en 2007 et une telle influence des chaines d’infos. 80% du temps de parole est donné à la droite sur ces chaines télévisées. Chaque dimanche, c’est un multiplex des meetings de droite en direct. A part un peu Mélenchon, on ne laisse aucune place à la gauche.

Le fait qu’elle soit parisienne n’est-il pas un handicap pour votre candidate ?

Beaucoup disent qu’Anne n’aurait pas dû y aller. Moi je ne fais pas partie de ceux-là car je pense qu’Anne Hidalgo a une histoire à nous raconter. L’histoire d’une femme espagnole, andalouse, issue d’une famille d’ouvriers et d’une mère couturière. Elle arrive à Lyon, elle réussit grâce à la République, grâce aux bourses. C’est une réussite républicaine d’une femme. Une histoire dans laquelle je me retrouve. Et puis, on accuse toujours les femmes de coucher pour réussir, avec Anne au moins on ne peut pas dire qu’elle ait réussi de cette manière puisque le précédent Maire de Paris, Bertrand Delanoë est gay. Anne Hidalgo s’est faite toute seule. Elle a été réélue en 2020, alors que pas une seule personne ne misait un kopeck sur sa victoire. Les unes aujourd’hui du journal Le Parisien qui se moque de son score dans les sondages sont les mêmes unes qui la ridiculisaient durant la campagne municipale, pourtant elle a gagné.

Les sondages sont-ils faux ?

Méfions-nous des sondages. Je connais depuis longtemps Thierry Mariani, le dernier candidat du Rassemblement National en PACA. Durant la précédente campagne des régionales quand je suis allé à Marseille dans le cadre d’une convention sur le sida. on était à un mois du vote. Je croise le candidat du RN à l’aéroport et il me propose déjà de venir parler du sida quand il sera président de la région PACA. Avec les sondage favorables il était persuadé de gagner, tout comme les médias étaient sûrs qu’il deviendrait président, mais les sondages se sont trompés.

Donc soyons prudents, on ne sait pas ce qu’il va se passer demain. Cette campagne pour la présidentielle est surréaliste. Nous sommes dans le bruit et la fureur, et Anne refuse de participer à ce mouvement. Hidalgo veut apporter du calme, mais alors, elle a du mal à être entendue. Effectivement, on n’imprime pas assez sur les propositions d’Hidalgo,  notamment la réactivation de l’ascenseur social pour les classes populaires. Elle a 70 propositions avec 50 milliards de dépenses nouvelles et 50 milliards de recettes.

Il y a énormément de militants pour Anne Hidalgo sur les marchés le week-end. Mais le vote utile pour lutter contre l’extrême-droite joue en faveur de Macron. Mais Anne Hildalgo est une femme optimiste, attendons de voir ce qu’il passe.

Pour terminer cette interview, quels sont vos bons plans à Barcelone ? 

Le quartier du Gayxample me plait, c’est un endroit où je vais naturellement, il y a plein de vie. Bien sûr comme tout le monde, j’aime me balader sur les Ramblas, c’est une ville merveilleuse.  Paris est la ville de l’amour, Barcelone la ville du plaisir, de la tolérance et de l’ouverture . C’est ce qui rapproche ces deux villes.

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