En première ligne depuis presque deux ans, les soignants pensaient que l’épidémie étaient derrière eux. Avec les vagues de contamination observées ailleurs en Europe et la rapide hausse des cas en Espagne, ils appréhendent les prochains mois avec angoisse.
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« On a l’impression que ça ne s’arrêtera jamais », souffle une réceptionniste de l’Hospital de Mar, l’un des plus grands hôpitaux de Barcelone. Il y a 11 mois, les premières doses de vaccin étaient administrées en Espagne et des soignants en dansaient de joie. C’était enfin, pensaient-ils, le bout du tunnel, l’espoir de voir la pandémie s’enrayer alors que les personnels étaient à genoux. Dans la péninsule, la vaccination est allée bon train avec 89,4% de la population de plus de 12 ans complètement vaccinée au 1er décembre.
Mais alors que la situation sanitaire semblait sous contrôle cet automne, contrairement à de nombreux pays européens, l’Espagne n’est plus épargnée et observe, elle aussi, une rapide hausse des contaminations. Grâce au vaccin, les cas graves sont toutefois dix fois moins nombreux pour un même nombre de contagions. Mais si les cas continuent d’augmenter, mathématiquement, les hôpitaux vont de nouveau se voir saturés.
« C’est démoralisant » soupire Juan Ambrosioni, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hospital Clinic de Barcelone. « Nous avions l’impression qu’avec une grande partie de la population vaccinée, l’épidémie serait davantage sous contrôle, poursuit le trentenaire, c’est un peu décourageant de voir arriver cette nouvelle vague« . Dans les centres hospitaliers barcelonais, on est déjà en branle-bas de combat. Les médecins enchaînent les doubles gardes, font des heures ou jours supplémentaires. « On espère qu’avec le renfort de la troisième dose, cela va se réguler et que l’on pourra contrôler les effets de cette nouvelle vague ».
Pour l’instant, la troisième dose est réservée en Espagne aux plus de 60 ans et au personnel soignant. Dès janvier, elle sera accessible à tous.
Des dates « compliquées »
Winnie Ngoune, infirmière au centre hospitalier Pere Virgili, revient tout juste de vacances. Et se tient déjà prête : « pour l’instant, ça ne bouge pas encore trop… mais on est dans le pétrin ». Les soignants, maintenant habitués au comportement du virus, s’attendent à d’intenses arrivées de patients au cours des prochaines semaines. Parce que les courbes de contaminations continuent de monter, mais aussi parce que le mois de décembre est particulièrement propice aux interactions sociales en Espagne avec le long pont de la Constitution (du 4 au 8 décembre) puis les fêtes (du 24 décembre au 6 janvier). Et contrairement à l’année dernière où la mobilité et les sorties étaient beaucoup plus restreintes à la même époque, et où les autres maladies hivernales s’étaient donc moins transmises, elles reviennent cette année et ces hospitalisations vont s’ajouter à l’augmentation des admissions pour Covid. « Ce seront des dates très compliquées, explique Juan Pablo Horcajada, coordinateur Covid-19 de l’Hospital de Mar, et nous sommes tous démoralisés, avec une sensation de déjà-vu, on a l’impression que ça n’a pas de fin, c’est très dur de voir commencer cette nouvelle vague, et de ne pas savoir comment ça va finir, c’est dur ».
Juan Pablo Horcajada, chef du service des maladies infectieuses de l’Hospital de MarComme en 2020, la saturation commence par les centres de santé de quartier (CAP), avant d’atteindre les hôpitaux. La semaine dernière, les CAP ont reçu jusqu’à 12.000 patients Covid par jour (malades ou cas contacts), 40% de plus que la semaine précédente et du jamais vu depuis la 5e vague de cet été. « Nous sommes très inquiets, nous sommes complètement saturés, et dans tous les services : accueil physique et téléphonique, tests Covid et patients Covid, vaccination grippe et Covid, et de nombreux malades qui viennent avec de la fièvre » s’alarme Ethel Sequeira, médecin au CAP Casanova de Barcelone. Pour l’instant, le gouvernement catalan n’envisage aucune autre mesure que le passe sanitaire obligatoire dans les restaurants et les salles de sport. Le gouvernement espagnol non plus. Un attentisme qui inquiète un personnel sanitaire déjà au bout du rouleau.