Rémi Fernandez (36 ans), plus connu sous le pseudonyme Rémi The Foodie, s’est lancé dans l’univers des influenceurs food il y a quatre ans. De fil en aiguille, son compte s’est imposé sur la toile jusqu’à devenir l’un des Français de Barcelone à suivre sur Instagram. Le Perpignanais raconte à Equinox son histoire pour devenir blogueur « foodie », mais aussi sa vie au cœur de la capitale catalane. Rencontre.
Depuis quand vivez-vous à Barcelone ?
J’ai emménagé à Barcelone en 2008. Cela fait maintenant 13 ans que je vis dans cette belle ville.
Pourquoi avoir choisi la capitale catalane ?
Quand j’étudiais, je voulais améliorer mon espagnol. J’ai donc fait un Erasmus d’un an en Amérique du Sud, au Paraguay. Ensuite, j’ai intégré une école de commerce à Montpellier dans laquelle je devais effectuer un stage d’entreprise. Comme je ne voulais pas perdre mes acquis en espagnol, j’ai préféré faire mon stage dans un pays hispanophone plutôt qu’en France. L’Espagne me semblait être le parfait compromis : on y parle espagnol et le pays est frontalier à la France. Je pouvais donc retrouver ma famille facilement. C’est ainsi que j’ai atterri à Barcelone.
Comment êtes-vous devenu blogueur ? Pourquoi avoir choisi la thématique de la cuisine ?
C’est arrivé par hasard. Je n’avais pas Instagram. Un ami m’a montré l’application via son compte et m’a initié au monde « foodie », aux hashtags, etc. J’ai par la suite créé mon propre compte, il y a 4 ans. Comme j’avais du temps libre et que j’aime beaucoup cuisiner, je me suis mis à partager mes plats comme des quiches, des burgers, des tartes en forme d’étoile qui étaient à la mode il y a quelques années. Mon amour de la cuisine vient aussi de mes parents, surtout mon père qui adorait concocter des plats originaux. Les vidéos Tasty m’ont également inspiré. Je commençais à prendre de jolies photos et à entretenir mon compte de manière à poster régulièrement.
Petit à petit, j’ai gagné quelques followers, jusqu’à ce que l’on m’invite à mon premier événement d’influenceurs. Je m’y suis retrouvé par hasard, car un blogueur s’était désisté à la dernière minute. C’était un événement organisé à la Casa de la Punxes. Je me souviens que tous les autres influenceurs avaient des pseudos, alors que mon compte à l’époque se nommait tout sobrement « Rémi Fernandez ». À partir de là, mon aventure en tant que blogueur débutait et j’ai décidé de renommer mon profil « Rémi The Foodie ».
En vous lançant dans cette aventure, vous attendiez-vous à un tel succès ?
Pas du tout ! Au début, je faisais ça pour le plaisir. Puis, je me suis rendu compte qu’il y avait tout un monde derrière le métier d’influenceur. Des gens étaient invités pour tester de nouveaux restaurants, les boîtes de communication étaient très intéressées par les blogueurs, etc.
À l’époque, j’étais à la recherche d’un emploi. Grâce à ce temps libre, j’en ai profité pour augmenter le trafic de mon compte. Cela demande beaucoup de travail. On ne s’en rend pas compte, mais il faut établir une bonne stratégie. Pour cela, je me suis auto-initié : comment gérer les hashtags ? Comment toucher un maximum de personnes ? Comment veiller à être régulier pour avoir une audience qui accroche ? J’ai appris tout cela sur le tas, d’autant plus que je gère absolument tout, tout seul.
Cela a rapidement porté ses fruits. Quand j’ai passé le cap des 1.000 abonnés, j’étais de plus en plus convié à des événements. C’était impressionnant pour moi ! Ensuite, tout repose sur la constance et la régularité. En ce moment, j’ai baissé ma fréquence de publication car je télétravaille en tant que commercial, et je ne peux plus me rendre aux événements organisés à Barcelone. Je ressens cette diminution sur le trafic de mon compte.
Comment s’organisent vos journées en tant qu’influenceur ?
Quand on atteint un certain nombre de followers, on reçoit beaucoup d’invitations de bars, restaurants ou d’agence de communication. Il faut donc faire le tri et cela prend du temps. Par rapport aux blogueurs mode qui reçoivent, par exemple, des habits en répondant à l’invitation d’une boutique, les foodies, eux, doivent manger à chaque événement. À un moment, je ne vous cache pas que je mangeais beaucoup trop. Je n’allais plus à la salle de sport, j’enchaînais les événements foodies et je cuisinais beaucoup à la maison. Mon poids a monté en flèche, alors, je devais mieux gérer ma ligne. J’essayais de dispatcher les invitations de manière à répondre à une invitation par jour.
Les événements se concentraient-ils essentiellement à Barcelone ?
Oui, je recevais des invitations basées essentiellement à Barcelone. J’étais soit contacté par le propriétaire d’un restaurant ou par une boîte de communication. Après avoir passé les 10.000 followers, on franchit vraiment un cap et on gagne en visibilité. J’avais, par exemple, été invité au Grand Buffet à Narbonne. C’est la même boîte qui gère la Renfe SNCF donc l’organisation était royale ! Je me suis dit que j’avais de la chance, mais il faut avoir le temps de se rendre à ce genre d’événement. C’était un mardi, j’ai pu répondre présent car j’étais à la recherche d’un emploi. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que 90 % des foodies peuvent adapter leur emploi du temps. Ils sont en freelance, travaillent dans des boîtes de communication ou sont à la retraite. Quand j’ai retrouvé un boulot, c’était compliqué. Le soir, je n’avais pas forcément le temps d’aller dîner au restaurant, à midi je travaillais et je profitais de mes week-ends pour me reposer.
Auriez-vous aimé vous consacrer à la vie de foodie à 100 % ?
Oui, pourquoi pas, mais on ne vit pas de ça. Je dirais que l’on gagne de l’argent de poche avec cette activité. Il y a des personnes qui demandent de l’argent et qui gagnent suffisamment. J’ai essayé de monnayer ça, mais c’est assez difficile car certains restaurateurs s’offusquent. Ils le prennent mal étant donné qu’ils ne comprennent pas forcément le monde foodie. Plutôt que de déranger les restaurateurs, j’ai arrêté de faire ce genre de demande.
Quel lien partagez-vous avec vos followers ? Quels sont les questions que l’on vous pose le plus ?
Depuis le lancement de mon compte, c’est-à-dire de mes 10 followers à maintenant, j’ai répondu à tous les commentaires et à tous les messages. C’est un principe qui me tient à cœur.
Au niveau des questions, on me demande régulièrement une liste de restaurants à absolument tester à Barcelone, souvent des tapas pas chers d’ailleurs. On me sollicite donc essentiellement pour des recommandations, mais c’est donnant-donnant. Il y a peu, je suis partie à Grenade avec ma compagne. J’ai demandé à mes followers des bars et restaurants à tester dans cette ville. Je me suis retrouvé avec de très bonnes listes et j’ai bien pu profiter de mon voyage à Grenade.
Photo : Clémentine Laurent/EquinoxComment choisissez-vous vos restaurants à Barcelone ?
La plupart du temps, on m’invite, et je fais le tri car je n’ai plus le temps de tout faire. Je choisis les établissements qui m’intéressent suivant le type de photos que je peux prendre. J’ai envie de varier le contenu de mon feed Instagram. Si je teste une pizzeria, je choisirai par la suite un restaurant de burgers ou thaï pour poster une photo différente.
Quand je n’avais pas beaucoup de followers, je me basais sur les établissements testés par de vrais foodies. Je proposais mes services en envoyant un CV à chaque restaurant. Cela fonctionnait plutôt bien.
Quelle est la réaction des restaurateurs quand vous postez vos critiques ?
Globalement, ils sont toujours très contents. Cela leur fait un peu de pub. Et puis, c’est souvent moi qui suis surpris car je ne suis jamais tombé sur des plats très mauvais, alors forcément les critiques ou les posts sont positifs.
Quand un plat n’est pas à votre goût, comment réagissez-vous ?
Honnêtement, je ne le dis jamais au restaurateur par respect. Il faut dire qu’ils ont tendance à mal le prendre même si la critique est constructive. Par chance, j’ai rarement été déçu par les plats des établissements testés.
Quels sont vos restaurants préférés de Barcelone ?
Il y a en énormément, mais je dirai Sintonia dans l’Eixample, Topik, Maison Carne et Copitas pour ses produits français.
Désormais, comme je suis en couple depuis 3 ans, mes coups de cœur se portent souvent sur des restaurants où l’on y mange bien à deux, parfait pour des dîners en amoureux.
En testant autant de restaurants à Barcelone, avez-vous déjà songé à vous lancer dans la restauration ?
Non, je n’ai pas une âme d’entrepreneur et en toute franchise, je n’ai pas le niveau, que ce soit aux fourneaux ou en tant que gérant. Je me débrouille en cuisine mais niveau visuel, ce n’est pas encore ça. Au-delà de ces compétences, la restauration reste un domaine très difficile, le Covid l’a bien montré. Cela repose sur des facteurs autres que les qualités culinaires, comme l’emplacement du restaurant, la communication, etc. Par exemple, près de chez moi, il y a des coins de rue où les restaurants changent tous les ans faute d’affluence. Les rues ne sont pas fréquentées alors les établissements peinent à avoir des clients bien que leurs plats soient absolument délicieux.
En observant l’envers du décor grâce à mon activité de foodie, j’ai encore moins envie d’ouvrir mon propre restaurant, car je vois la rotation des établissements à Barcelone. C’est très risqué. D’ailleurs, je dis chapeau aux personnes qui se sont lancées là-dedans.
Pendant la crise sanitaire, comment gériez-vous votre compte avec la fermeture des restaurants ?
Cela s’est fait très naturellement. Quand les restaurants ont pu reprendre les livraisons, tous les établissements ont eu besoin de relancer la machine et ont contacté les influenceurs. Je recevais énormément de commandes. J’étais livré tous les jours. Je n’avais même plus besoin de cuisiner. Par exemple, une pizzeria m’avait envoyé 5 pizzas, de 5 goûts différents pour un seul repas. Mon travail, en tant qu’influenceur, était d’aider ces établissements, en postant de jolies photos de leurs plats. J’en garde un bon souvenir et cela me plaisait d’aider les restaurateurs pendant la crise.
Quel est votre type de cuisine préféré ?
J’adore la cuisine asiatique en général, notamment thaï, péruvienne qui a des influences japonaises parfois, et la cuisine mexicaine pour ses saveurs. Évidemment, la cuisine française a aussi une place particulière pour moi.
Quels sont les plats que vous préférez cuisiner ?
J’aime cuisiner des plats asiatiques. Mon père m’a transmis ça. Il concoctait des plats avec des épices venus d’Asie. Il aimait créer avec ce qu’il y avait dans le frigo.
Comment voyez-vous l’avenir de votre compte Instagram ?
Je m’occupe moins de mon compte en ce moment faute de temps. Néanmoins, je veux poursuivre cette activité en parallèle de ma profession. Je suis fier de ce que j’ai accompli jusqu’à présent.
J’aimerais augmenter mon nombre de followers. Pour cela, il faut être constant et poster tous les jours afin d’éviter une baisse du trafic. Avec les nouveaux algorithmes Instagram, c’est compliqué de récupérer cette visibilité si le trafic diminue.
Concernant votre rapport à Barcelone, quel est votre lieu favori de la ville ?
Je ne vais pas être très orignal, mais je dirais la Sagrada Familia. Je reste bouche bée à chaque fois que je passe devant, même après toutes ces années.
Comptez-vous vivre encore longtemps à Barcelone ?
Cela fait 13 ans que j’y vis, je suis à un moment charnière de ma vie. C’est la première fois où je considère vraiment la question, ai-je envie de rester là ? Je ne sais pas encore. L’avenir nous le dira.