Tous les 15 octobre, les indépendantistes commémorent Lluis Companys, le président catalan assassiné par l’armée franquiste.
Au début du siècle dernier, Lluís Companys se fit connaître comme activiste de gauche, ce qui lui valut d’être arrêté une quinzaine de fois par la police. Politiquement, il devient député de Sabadell aux législatives de 1920.
Novembre 1933. En Catalogne, c’est la victoire de la coalition des partis indépendantistes, dont Esquera Republica de Catalunya (ERC) se présentant pour la première fois à une élection. Ce parti qui existe encore aujourd’hui et dirige la Catalogne en la personne du président Pere Aragonés.
Les élections générales en Espagne avec un panorama politique éclaté où aucun parti n’obtient une claire majorité débouche sur un gouvernement du centriste Alejandro Lerroux soutenu par la droite. Une situation qui ne convient pas au très gauchiste président catalan Lluís Companys.
Il considère qu’avec ce gouvernement il ne sera pas possible de développer les nouvelles compétences de la Generalitat. La jeune institution catalane, avec seulement deux ans d’existence, devait collaborer activement avec le gouvernement central pour développer ses infrastructures locales.
Avec l’exécutif catalan et espagnol aux antipodes, le premier choc institutionnel eut lieu en avril 1934 quand le parlement, avec la majorité d’ERC, vota une loi particulièrement défavorable aux propriétaires agricoles. La Lliga, parti catalan conservateur d’opposition, quitta le parlement catalan et demanda à Madrid de rendre cette loi inconstitutionnelle et de la suspendre. Le conseil constitutionnel de l’époque annula la loi catalane en juin 1934. Le gouvernement de Companys désobéit à l’Etat espagnol en représentant la loi au parlement catalan et la fait voter à nouveau, sans retirer le moindre article.
Un ersatz de déclaration d’indépendance catalane
Dans ce climat d’anarchie, particulièrement puissant en Catalogne, où tous les ponts sont rompus avec l’Espagne, le 6 octobre 1934 à 20 h, le président de la Catalogne Lluís Companys sort au balcon du Palau de la Generalitat pour proclamer l’État Catalan de la République fédérale espagnole.
La proclamation est reçue comme une déclaration unilatérale d’indépendance par l’Espagne et l’armée prend le contrôle de la Generalitat le lendemain même. Non organisée, non planifiée, sans soutien des syndicats, la République de Companys est morte-née. Pendant les combats, courts mais intenses, 64 personnes ont perdu la vie et 252 furent blessées.
Aussitôt le président Companys et son gouvernement sont incarcérés aux côtés d’un millier de rebelles et condamnés à une peine de 30 ans de prison. Mais avec l’arrivée du front populaire au pouvoir, Companys fut gracié et reprend le pouvoir en qualité de président de la Generalitat. L’expérience prendra fin avec la victoire du général Franco, lors de la guerre civile espagnole qui instaura une dictature et abolira de facto la Generalitat de Catalunya. Companys s’exilia depuis le col de Lli, à La Vajol pour se réfugier à La Baule-Escoublac, en Bretagne. Mais il fut retrouvé par la Gestapo en France et livré à la dictature militaire franquiste le 13 août 1940.
Jugé et condamné par un tribunal militaire, il fut, après avoir été torturé, fusillé au château de Montjuïc à Barcelone le 15 octobre 1940 en criant le devenu célèbre “Per Catalunya”.
L’héritage de Lluís Companys
La France a officiellement présenté ses excuses pour l’arrestation de Lluís Companys, ce que n’a jamais voulu faire l’État espagnol. Le procès de Companys est considéré aujourd’hui comme une parodie de jugement. Le parlement de Catalogne a d’ailleurs légalement annulé le jugement de Companys ainsi que tous les procès initiés par les forces franquistes.
Lluís Companys est aujourd’hui une figure mythique de l’indépendantisme. Scène mythique, beaucoup d’indépendantistes ont vu dans la proclamation de l’indépendance du 27 octobre 2017 comme la suite du processus entamé par Companys.
D’ailleurs, après la séance parlementaire du 27 octobre, la foule attendait que le président Puigdemont se présente de nouveau au balcon du Palau de la Generalitat, plaça Sant Jaume, pour revendiquer l’indépendance comme l’a fait son prédécesseur. Il n’en fut rien, comme l’histoire l’a démontré par la suite.