Les discothèques de Barcelone seront presque toutes rouvertes ce week-end. La semaine dernière, les premiers clubs ont fait leur retour avec obligation du port du masque et du passe sanitaire, entre files d’attente de danseurs et fraudeurs.
Les boîtes de nuit ont été les derniers établissements à rouvrir leurs portes en Catalogne. De fait c’est la cohue devant les discothèques. Un des plus grands clubs de la ville, le mythique Razzmattazz, rouvre ses portes après 19 mois de fermeture et affiche déjà sold-out pour ce week-end, comme la plupart des établissements de Barcelone.
Si c’est un soulagement pour les patrons de boîte qui permet une relance d’un secteur moribond, le contrôle sanitaire de l’afflux de clients est un nouveau casse-tête. « La surprise c’est que tout le monde arrive très préparé avec le certificat sur le téléphone, les entrées achetées en ligne, c’est une grande fête » s’enthousiasme Ramon Mas devant son club le Wolf, sur la carrer Almogàvers de Poblenou.
Ramon Mas, propriétaire du club le Wolf
Pour le secrétaire général de l’association des discothèques espagnoles Joaquim Boadas, le bilan est plus mitigé, le passe sanitaire étant encore loin d’être au point : « C’est une mesure qui n’avait jamais été appliquée en Catalogne et qui a été expliquée vite fait par les pouvoirs publics. Tout ça a provoqué des problèmes techniques, certains clients n’ont pas réussi à télécharger le certificat, après on a eu des problèmes de lecture ».
Il est vrai que si le public français connait bien le système du passe sanitaire pour être généralisé dans la plupart des lieux publics de l’Hexagone, ce n’est pas le cas en Catalogne, où le document n’est demandé que depuis jeudi dernier et uniquement pour entrer en discothèque.
Le problème des auto-tests
Parmi les clubbers recalés à l’entrée des boites, il y a ceux de bonne foi qui se présentent avec un auto-test réalisé en pharmacie. Sauf qu’en Catalogne, cette méthode de dépistage n’est pas valide pour entrer en club. Le système de passe sanitaire fonctionne, comme en France, avec un QR code. Celui-ci est scannable sur le certificat complet de vaccination et sur un test PCR ou antigénique provenant d’un centre habilité par le gouvernement catalan.
L’auto-test des pharmacies ne générant pas de QR code, il n’est donc pas possible de l’utiliser pour entrer dans une boîte. Au passage, cette formule pour aller danser coûte cher : un dépistage antigénique homologué coûte entre 25 et 45 euros contre moins de 10 euros pour un auto-test. « Il y a eu beaucoup de fausses informations autour du passe sanitaire et c’est nous qui en avons fait les frais » déplore Joaquim Boadas.
La situation agace également les pharmaciens qui demandent au gouvernement catalan une solution. Le porte-parole du syndicat des pharmacies catalanes, Antoni Torres, fait remarquer que son secteur demande à la Generalitat d’inclure les auto-tests dans le passe sanitaire depuis le mois de septembre. Le gouvernement, qui a toujours mis en exergue la fiabilité très relative des auto-tests, botte en touche. La porte-parole du gouvernement, Patrícia Plaja, a déclaré cette semaine lors d’une conférence de presse que « le week-end s’est déroulé correctement, même si on peut encore fluidifier les choses«
Un faux passe sanitaire français en Catalogne
D’autres tentent de frauder pour entrer sur le dance-floor. Certains clubbers se sont présentés à l’entrée des boîtes avec des passes sanitaires grossièrement falsifiés et ne correspondant pas aux documents d’identité de la personne. D’autres arrivent avec des documents trafiqués plus sophistiqués. Si l’on en croit la presse catalane, de faux passes sanitaires proviendraient d’une filière française. Le quotidien El Periódico a reproduit des discussions entretenues via la messagerie sécurisée Telegram, où des faussaires vendent de faux passes sanitaires français moyennant entre 10 et 550 euros. Le vendeur propose un « certificat en langue française » et selon lui « synchronisé avec les données du gouvernement de la France » avec un QR scannable valable dans toute l’Europe.
Discussion publiée par le journal catalan El Periódico
Selon les professionnels du secteur, comme Ramon Mas, les cas de falsification ne représentent toutefois qu’une petite minorité de clients.
Une sécurité sanitaire pas optimale mais suffisante
Le port du masque en revanche n’a pas été très respecté, voire pas du tout. Les patrons de boîtes avaient prévenu : il n’était pas techniquement possible de mettre un vigile derrière chaque client pour lui demander de mettre son masque sur la piste de danse.
Mais pour l’épidémiologiste Clara Prats, spécialiste réputée pour sa prudence, les risques de contagion restent bas grâce à la mise en place du passe sanitaire. « Quand on boit un verre, on retire le masque, et en dansant c’est compliqué aussi, et puis avec l’alcool, ça donne des situations de haut risque épidémiologique. Sans passe sanitaire, nous aurions de grandes chaînes de contagion. Mais grâce au certificat, nous n’aurons pas de modification dans la dynamique actuelle de repli de l’épidémie en Catalogne » assure la professionnelle qui conseille le gouvernement catalan.
Avec un taux d’incidence à 22 cas pour 100 000 habitants (sur 7 jours) et un taux de vaccination à 88 %, 12 points de plus que la moyenne européenne, l’Espagne espère bien cette fois-ci laisser la crise sanitaire derrière elle.