Après avoir été pointé de nombreuses fois du doigt par des associations animalistes au cours de son histoire, le Zoo de Barcelone a initié en 2019 une véritable transformation… mais pas assez rapide, au goût de certains. Equinox fait le point sur le Zoo de Barcelone.
Photos : Clémentine Laurent/Equinox
Animaux en cage au sous-sol, spectacles de dauphins, mort d’hippocampes, installations vétustes… Le Zoo de Barcelone, plus que centenaire, a fait l’objet de plusieurs dénonciations de la part d’associations animalistes cette dernière décennie. Si aujourd’hui ces problèmes ne sont plus d’actualité, c’est en partie grâce à la décision de changement radical du modèle du zoo, approuvé en mai 2019 par la modification d’une ordonnance municipale pour la protection des animaux.
Selon le texte, le zoo devra se reconvertir à long terme en un centre de sauvetage, mais s’engage aussi à ne plus reproduire des animaux s’ils ne sont pas inclus dans un programme de réintroduction notamment. Mais pour les associations, le Zoo de Barcelone est toujours loin d’être irréprochable.
Plus d’espace pour les animaux
Encore actuellement, plusieurs associations s’inquiètent du manque d’espace dont souffrent, selon eux, certains animaux. « Les ours ne vont pas bien du tout. Les installations de la galerie des primates sont aussi en très mauvais état, très petites et obsolètes, alors que ce sont des animaux aux besoins très complexes », assure la responsable de Depana, la ligue pour la défense du patrimoine naturel en Catalogne.
Photo : Un gorille se repose, au Zoo de Barcelone.
ZooXXI, une association de la fondation animaliste Franz Weber, s’alarmait d’ailleurs fin 2020 d’un taux de mortalité élevé chez les bébés primates. « Nous avons constaté que plusieurs causes des morts sont des fractures et des agressions, ce qui nous mène à penser à un possible problème de conception ou de gestions des installations et un manque de mesures pour leur bien-être. »
Les équipes du zoo expliquent à Equinox que depuis les visites des associations, plusieurs installations ont été rénovées, comme celles des lions et des ours, et d’autres le seront, comme la galerie des primates. Le directeur du zoo, Sito Alarcón, assure d’ailleurs chercher une solution afin de les déplacer dans un refuge ou un sanctuaire. « La mortalité animale au zoo de Barcelone est très basse, grâce à notre bonne gestion » se défend-il, assis dans son bureau, d’où l’on peut voir une partie du zoo.
Le zoo de Barcelone, « meilleur sanctuaire pour les éléphantes » selon le directeur
ZooXXI signale en particulier l’installation des éléphantes, pourtant agrandie récemment. « Elle fait toujours un peu plus d’un demi-hectare, alors que les éléphants parcourent plusieurs kilomètres par jour dans la nature. Et pour cet agrandissement, le zoo a dépensé 6 millions d’euros ! C’est absurde, tant de dépenses pour continuer à garder des éléphantes dans un zoo urbain. Elles seraient beaucoup mieux dans un espace de plusieurs hectares, comme un sanctuaire. »
Mais Sito Alarcón s’oppose catégoriquement à l’idée de déplacer ses protégées. « Le meilleur sanctuaire pour les éléphantes, c’est le zoo de Barcelone ! Elles ont des problèmes de santé parce qu’elles sont âgées et qu’elles sont passées par le trafic illégal, mais ici elles reçoivent tous les soins nécessaires et font des jeux et activités pour ne pas perdre leurs capacités. Nous sommes même une référence pour d’autres zoos ! », revendique le directeur du zoo. La coordinatrice en charge des trois éléphantes affirme d’ailleurs que l’espace des éléphantes sera encore agrandi à l’avenir.
Photo : La plus jeune des trois éléphantes du Zoo de Barcelone.
Sito Alarcón précise, par ailleurs, que deux des trois éléphantes n’appartiennent pas au zoo et ont été placées là par un juge lors de leur saisie, il ne peut donc pas décider de les déplacer. Il ajoute même : « le comité scientifique doit rendre une décision prochainement sur les éléphantes. »
Parmi les récentes dénonciations de la part de ZooXXI contre le Zoo de Barcelone, la coordinatrice de la plateforme animaliste affirme aussi que 14 oiseaux sont morts entre décembre 2019 et janvier 2020 dans une même installation, coïncidant avec le passage des tempêtes Dana et Glòria, laissant à penser que le zoo n’a pas fait le nécessaire pour protéger ses oiseaux. « C’est totalement faux », répond le directeur en haussant les épaules, l’air étonné. « Un seul oiseau est mort, à cause de la chute d’un tronc. Je ne sais pas d’où sortent ces chiffres. »
La reconversion du Zoo de Barcelone qui tarde ?
« Le zoo ne respecte pas l’ordonnance municipale de 2019. Comment est-ce possible qu’un zoo public ne respecte pas la loi ? », se demande une coordinatrice scientifique de ZooXXI. L’association affirme que le Zoo de Barcelone aurait dû avoir terminé en juillet 2020 plusieurs étapes de l’ordonnance (notamment la liste des espèces candidates aux projets, le règlement pour l’élaboration des projets d’habitat naturel, etc.).
« On nous dit que c’est la pandémie qui a retardé l’application de l’ordonnance, mais il s’agit de travail de bureau, pas besoin de budget pour faire des listes et des projets », s’insurge la coordinatrice scientifique. Mais lorsqu’on lui demande si l’application de l’ordonnance a du retard, Sito Alarcón, répond catégoriquement que « le zoo a rendu les projets en temps et en heure » et renvoie la balle à la mairie.
Photo : Les girafes profitant de l’ombre d’arbres typiques du Sahel, au Zoo de Barcelone.
« Le comité chargé d’évaluer et approuver les projets a été créé début 2021 par la mairie. Nous avons fait les listes d’espèces dans le cadre du projet de la Méditerranée. Nous sommes dans l’attente de la réponse de ce comité. Les associations le savent très bien », se défend Alarcón, visiblement agacé. Le projet de la Méditerranée devrait permettre, à terme, la construction d’un nouvel espace (correspondant à une biorégion) dans le zoo dans lequel celui-ci travaillera à la conservation, la protection, la réintroduction et la libération d’espèces, le tout validé par le comité.
Un comité qui, selon ZooXXI, n’est pas vraiment indépendant des intérêts du Zoo de Barcelone. « Certains membres ont eu des conventions avec le zoo à travers des bourses financières par exemple », explique-t-on à Equinox. Mais selon le directeur, les membres du comité sont sélectionnés uniquement par la mairie. « De plus, si l’un des membres, par exemple, a fait il y a dix ans un travail en relation avec le zoo, cela est pris en compte et le brouillon du règlement (en phase de discussion) stipule que ce membre doit se retirer des discussions si nécessaire », ajoute-t-il.
Allier sentiment animaliste et science
De manière générale, lorsque l’on se promène dans le Zoo de Barcelone aujourd’hui, l’impression n’est plus la même qu’il y a plusieurs années. Les installations sont bien récentes et plus agréables, et pour preuve selon le directeur, les visiteurs recommencent à affluer. Et les associations animalistes le reconnaissent. « En deux ans, il y a eu beaucoup de changements positifs. Le zoo a considérablement réduit le nombre d’espèces, la ferme a été retirée, et il faut ajouter que les soigneurs sont très impliqués et très à l’écoute des animaux », affirme la responsable de Depana.
Photo : Un lémurien de la galerie des primates se laisse photographier, au Zoo de Barcelone.
Un dernier point, d’ailleurs, sur lequel semblent s’accorder associations et direction du zoo : prendre soin des animaux. « Nous sommes animalistes, le bien-être animal est notre priorité. Mais la préservation de la biodiversité est quelque chose de très sérieux. Nous aimons les animaux, mais au-delà de cela nous voulons trouver des solutions pour les espèces en danger d’extinction, c’est notre devoir. Malheureusement, changer tout un zoo, ça ne se fait pas en claquant des doigts, cela prend du temps et les associations ne le comprennent pas », déplore Sito Alarcón, tout en montrant à Equinox les espaces du Zoo de Barcelone qui seront rénovés à l’avenir.