Dolores, Soledad, Ámparo… Il n’est pas rare d’être surpris en traduisant certains prénoms espagnols. Equinox et l’historien Pau Moncho décryptent le phénomène.
Au mieux, ils sont très poétiques, comme « Nieves » (‘neiges’). Au pire, ils sont dramatiques, comme « Dolores » (‘douleurs’) ou « Soledad » (‘solitude’). Les prénoms espagnols surprennent souvent les Français lorsqu’ils les traduisent. Et l’une des raisons principales à ces prénoms si différents, c’est évidemment la religion.
« Le catholicisme a une grande importance en Espagne, et notamment en Catalogne depuis l’époque des visigoths », rappelle l’historien catalan Pau Moncho. « À l’époque, lorsqu’un enfant naissait dans une ville ou un village, le prêtre conditionnait très souvent le choix du prénom. Il proposait souvent le nom du saint correspondant au jour de la naissance, ou le saint-patron de la ville, par exemple. »
Pour les petites filles, les prénoms dérivés de la Vierge Marie étaient fréquents, comme María del Mar (souvent raccourci en « Mar »), Virgen de las Nieves, Virgen del Pilar… mais beaucoup d’autres prénoms étaient aussi utilisés.
L’influence papale sur les prénoms espagnols
Mais en 1954, au beau milieu de la dictature franquiste, les choses évoluent. Le pape Pie XII met en place l’encyclique « Ad Caeli Reginam ». Cette sorte de lettre, envoyée à tous les prêtres, signifie littéralement ‘La Reine des Cieux’ et attribue à la Vierge Marie un statut encore plus élevé qu’auparavant dans la religion catholique.
L’Espagne étant à l’époque un état dit « national catholiciste », et où les prêtres représentent une certaine forme d’autorité pour les citoyens, l’encyclique influence beaucoup les prénoms donnés aux petites filles, affirme Pau Moncho. Alors que le prénom Josefina était le deuxième le plus donné durant les précédentes années, il s’efface rapidement à partir de 1954 derrière les dénominations de Marie, qui, elles, sont multipliées par dix : María de los Dolores, María del Socorro, María del Ámparo, Virgen de Montserrat, Concepción, Asunción ou encore Inmaculada par exemple.
Aujourd’hui, ces prénoms espagnols tendent à disparaître face à d’autres plus courts, comme Lucía, Sofía, Julia, Paula… même si l’indémodable María reste toujours dans le top 10.