L’égoïste Romantique, paru chez Grasset le 1 avril 2005 est le 6eme roman de Frédéric Beigbeder. L’histoire d’Oscar Dufresne, un homme de 34 ans qui est un écrivain égoïste, lâche et cynique. Le personnage se balade à travers le monde et narre un long week-end dans la capitale Catalane. Voici la Barcelone de Frederic Beigbeder.
Gaudi ou « habiter dans le rêve d’un fou »
Entre ironie et admiration, comme tout bon touriste, Beigbeder commente la ville de Gaudi. « J’atterris à Barcelone au moment même où l’on s’apprête à y fêter le 150e anniversaire de la naissance d’Antoni Gaudí. Je sens qu’on va autant emmerder les Barcelonais avec cette commémoration qu’avec Hugo chez nous. Mais Gaudí en vaut davantage la peine : ce facteur Cheval catalan, cet ancêtre de H.R. Giger a convaincu les riches espagnols de financer ses délires. »
Ici, l’écrivain mentionne Hans Ruedi, un architecte suisse. Et en effet de nombreuses familles catalanes fortunées ont fait appel à Gaudi pour construire leurs demeures. C’est le cas de Pere Milà i Camps, entrepreneur prospère qui a commandé un hôtel particulier à Gaudi connu aujourd’hui comme la Pedrera.
« La ville regorge d’immeubles en forme de dragons, qui semblent respirer. Ce n’est ni beau ni laid, simplement drôle. Ce doit être extraordinaire d’habiter dans le rêve d’un fou. Pourquoi les architectes d’aujourd’hui paraissent-ils si ennuyeux à côté ? J’en ai marre des murs droits, je voudrais vivre dans une maison en pain d’épice » conclut Frédéric Beigbeder.
Les nuits du Born
Le Beigbeder amateur de pierres, laisse vite place au buveur de bières. Fidèle à son personnage, le teufeur finit rapidement dans les bars de la ville. Avec une pointe de fausse modestie en préambule : Au-delà d’un certain niveau d’alcool, tout le monde est désirable, y compris un tabouret. Barcelone sera donc la ville où je suis tombé amoureux d’un tabouret. Qui d’autre aurait supporté mon poids aussi longtemps ? Qui d’autre m’aurait laissé dormir sur lui pendant deux heures sans geindre ?
Le Barrio Chino est un ex-coupe-gorge devenu piège à touristes belges. Désormais les bas-fonds de la haute bourgeoisie se nomment le Born.
Ici, l’auteur commet une petite erreur historique, géographique et sociologique. Le Barrio Chino n’est pas le surnom historique du Born mais celui du Raval. Il n’y a jamais eu de communauté asiatique vivant dans ce quartier, mais le Raval a reçu ce sobriquet en raison d’une relative ressemblance avec les Chinatowns américains et leurs rues mal famées. Surnom donné pour la première fois en 1925 par le journaliste Àngel Marsà. A contrario, le Born que mentionne Beigbeder à toujours été un beau quartier chic et bourgeois de la ville.
On y dîne à la Cocotte (passeig del Born) avant de boire 36 gin-Kas au Borneo, au Gimlet, au Suborn et au Miramelindo. Si vous aviez noté toutes mes adresses depuis le début de ce bouquin, vous seriez aussi branché que moi. Seulement voilà : vous préférez fêter Noël avec votre femme moche et vos enfants boutonneux, avant de partir à La Plagne dans un F2 loué à la semaine. Je respecte votre choix.
Vous pouvez si,le coeur vous en dit, suivre le parcours de Beigbeder. En revanche, pas de repas à la Cocotte qui a fait faillite.
Le visionnaire Couvre-feu
Seule la solitude permet de sentir monter en soi la pulsation d’une ville. Barcelone a instauré un couvre-feu à 22 heures pour les plus de 22 ans.
Dans son livre écrit en 2005, probablement l’auteur n’ aurait pas imaginé que 15 ans plus tard, Barcelone serait l’une des villes au monde les plus touchées par un couvre-feu en raison de la pandémie. Tout au long de l’hiver et du printemps, Barcelone fut confinée de 22h (comme l’écrit Beigbeder) jusqu’à 6 heures du matin. La mesure levée en juin dernier, a été réactivée au mois de juillet, cette fois-ci à partir de minuit.
« La bouche pleine de Pata Negra (le jambon de cochon à patte noire est meilleur ici qu’à Paris parce que je suis snob), je descends les Ramblas sous les arbres penchés. Les Ramblas sont une Croisette perpendiculaire à la mer. Au lieu de longer la Méditerranée, on marche droit vers elle, on la regarde en face, avec la sensation de prendre son élan de bar en bar vers l’eau sombre, tout droit jusqu’à l’ultime noyade » continue le touriste Beigbeder.
La Rambla de BarceloneLe Schilling disparu
Dans les ruelles autour de la plaça Reial, ça monte et ça descend, la ville se met à vibrer sous mes pieds, les murs se rapprochent et les pavés tordent mes chevilles.
La Plaça ReialJe compte les bouteilles alignées derrière le barman du Schilling (carrer de Ferran 23) afin de me donner une contenance. Je prends l’air hyper-préoccupé par ce qui se passe sur le mur. « Dingue : une mouche vient de se poser ! Incroyable : elle s’est envolée! » Je ne savais pas qu’un jour je trouverai aussi passionnant d’écouter un remix de Moby.
Le Schilling, un bar centenaire symbole de la ville a disparu. En 2019, l’intérieur a perdu tout son charme et son âme pour laisser place à un Taco Bell.
S’il n’écrit plus de livres sur Barcelone, Frederic Beigbeder continue de visiter de temps en temps la capitale de la Catalogne et de donner des interviewes sur Equinox, dont voici la plus récente.