L’Espagne libère les indépendantistes catalans

Le Premier ministre Pedro Sanchez l’annonce ce midi en grande pompe au théâtre Liceu de Barcelone : le Conseil des ministres approuvera demain un décret de grâce royale visant à libérer de prison les indépendantistes catalans incarcérés depuis 2017.

Le chef du gouvernement espagnol a tenu à l’expliquer lui-même à la société catalane en invitant au Liceu une pléiade de représentants du secteur économique, éducatif, culturel et médiatique. Dans un discours intitulé « Retrouvailles : un projet d’avenir pour toute l’Espagne », Pedro Sanchez compte bien célébrer la réconciliation entre Barcelone et Madrid visée par le dispositif des grâces. Aucun représentant indépendantiste ni aucun membre du gouvernement catalan ne sera toutefois présent. Tous réclamaient plutôt une loi d’amnistie annulant le procès judiciaire et l’ensemble des sanctions.

En Catalogne, la mesure est accueillie avec une insolence de façade. En cas de récidive, les grâces peuvent être annulées, et les indépendantistes revendiquent leur liberté d’expression. Il n’empêche qu’elles font partie du réchauffement des relations initié par la gauche indépendantiste aujourd’hui au pouvoir à Barcelone et les socialistes à Madrid. La grâce ne concerne que les peines de prisons infligées aux indépendantistes qui se sont présentés à leur procès. Le processus annule les jours d’incarcération qui n’ont pas encore été effectués. Les amendes et les peines d’inéligibilité restent en vigueur.

Les personnalités, comme Carles Puigdemont, qui ont quitté l’Espagne et n’ont pas assisté au procès, ne sont pas concernées par la grâce puisqu’elle n’ont pas été jugées dans le pays.

Moins polémique que prévu

« La mesure n’est pas un passe-droit envers des individus mais s’adresse à la société catalane » précisent des sources gouvernementales. Pour ne pas être retoqué par le Tribunal Suprême, qui a dicté la sentence, chacune des 9 grâces est accompagnée d’un dossier juridique de 30 pages. Une fois la grâce présentée en Conseil des ministres, signée par le Roi et publiée le lendemain au journal officiel, le Tribunal Suprême n’aura pas d’autre choix que d’acter la demande de libération.

La manœuvre politique, qui est l’une des plus importantes de la décennie, se passe finalement sans grand travers pour le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez. Les forces de droite ont lancé une campagne de pétition dans les rues d’Espagne contre la grâce sans trouver un grand soutien populaire. Les syndicats patronaux et d’entreprises, naturels alliés de la droite, soutiennent eux aussi les grâces en espérant un retour à la normale en Catalogne. Le Roi n’aura d’autre choix que de signer la demande, et le Tribunal Suprême, opposé à la mesure, n’a pas de marge de manœuvre légale pour la retoquer.

La liste des prisonniers catalans libérés

indépendance de la CatalogneOriol Junqueras, ancien vice-président du gouvernement de Catalogne

13 années d’incarcération (3 années effectuées)  – Sédition et malversation financière

Oriol Junqueras, qui dirigeait la vice-présidence et le ministère de l’Économie, est pointé du doigt pour être le principal organisateur du processus indépendantiste encore présent sur le territoire espagnol. Les juges reprochent à Oriol Junqueras la supervision générale du référendum. L’ancien ministre a personnellement signé le décret 140/2017 de la loi encadrant le référendum non autorisé par le gouvernement espagnol.


jordi sanchez jordi cuixart

Jordi Cuixart, président de l’association Omnium

Jordi Sànchez, ex-président de l’association Assemblea Nacional Catalana (ANC)

9 années d’incarcération (3 années effectuées) – Sédition

Jordi Sànchez et Jordi Cuixart sont accusés pour les mêmes faits en qualité de présidents des associations ANC et Omnium. En l’espèce, le tribunal leur reproche d’avoir organisé via leur structure respective une manifestation devant le siège du ministère d’Oriol Junqueras le 20 septembre 2017, tandis que la police espagnole effectuait une perquisition pour démanteler le référendum. D’une manière globale, le verdict estime que les associations ANC et Omnium ont ameuté les foules le jour du référendum, entraînant de violentes charges policières.


Joaquim FornJoaquim Forn, ancien ministre de l’Intérieur

10,5 années d’incarcération (3 années effectuées)  – Sédition

A la tête du corps des Mossos d’Esquadra, Joaquim Forn est accusé d’avoir donné des instructions afin que la police catalane n’empêche pas la célébration du référendum le 1er octobre. La plupart des responsables des Mossos d’Esquadra ont accablé leur ancien ministre durant le procès. La police catalane avait fourni un rapport officiel au ministre de l’Intérieur le 28 septembre 2017 indiquant que la situation pouvait terminer en violence, et que le risque de débordement était extrêmement élevé en cas de célébration du référendum. Le tribunal estime que ce rapport aurait dû pousser le gouvernement à annuler le vote.


indépendance de la CatalogneJordi Turull, ancien porte-parole du gouvernement

12 années d’incarcération (2 années effectuées) – Sédition et malversation financière

Jordi Turull est signalé comme le chef d’orchestre du référendum. A la tête du ministère de la Présidence, Turull a géré les détails de l’organisation du vote et la publicité institutionnelle ainsi que différents sites Internet de la campagne électorale interdite par l’Etat espagnol.


Raül Romeva, ancien ministre des Affaires étrangères

12 années d’incarcération (2 années effectuées) – Sédition et malversation financière

A la tête du ministère des Affaires extérieures, Raül Romeva est poursuivi pour avoir organisé le vote des Catalans résidents à l’étranger et invité des observateurs internationaux lors du vote du 1er octobre. Plus généralement, la justice lui reproche d’avoir internationalisé le processus indépendantiste en tentant d’obtenir des appuis extérieurs via les ambassades catalanes et le réseau diplomatique de la Generalitat.


carme forcadell

Carme Forcadell, ancienne présidente du Parlement catalan

11,5 années d’incarcération (2 années effectuées)Sédition

En sa qualité de présidente du Parlement, Carme Forcadell est accusée d’avoir permis des débats et des votes sur des textes contraires à la Constitution espagnole. Le tribunal pointe la loi encadrant le référendum (6 septembre 2017), le texte de déconnexion de la Catalogne (7 septembre 2017) et la déclaration d’indépendance du 27 octobre.


indépendance de la Catalogne

Josep Rull, ancien ministre de l’Équipement

10,5 années d’incarcération  (2 années effectuées)- Sédition

Les juges reprochent à Rull d’avoir utilisé sa fonction de ministre de l’Équipement pour empêcher un paquebot de la police espagnole d’accoster dans le port de la commune de Palamós. Le navire contenait une partie des 11.000 agents de police que Mariano Rajoy a fait venir de toute l’Espagne pour empêcher le vote du 1er octobre.


indépendance de la CatalogneDolors Bassa, ancienne ministre du Travail

12 années d’incarcération (2 années effectuées) – Sédition 

Dolors Bassa est accusée d’avoir autorisé l’utilisation des locaux des centres civiques catalans pour les transformer en bureaux de vote. Son ministère est également soupçonné d’avoir débloqué des sommes financières pour l’impression des bulletins de vote.

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