Alors que les communautés autonomes seront confinées pour la Semaine Sainte, les touristes étrangers, eux, peuvent débarquer dans la destination espagnole de leur choix.
C’est un paradoxe qui exaspère de plus de plus les Espagnols : ils ne pourront pas passer leurs vacances de Pâques dans une autre région, même si leur famille y réside, tandis que des étrangers arrivent jour après jour aux Baléares, Canaries ou dans toute destination espagnole. La raison? Les frontières extérieures de l’Espagne restent ouvertes tandis que celles de ses régions sont fermées: interdit de passer d’une région à l’autre sans motif professionnel ou impérieux.
Épinglé lundi par la Commission européenne qui a demandé à l’Espagne davantage de cohérence, le gouvernement espagnol persiste et assure que les voyageurs doivent de toute façon présenter un test PCR pour passer la frontière. Sauf que le PCR n’est pas obligatoire pour les arrivées en voiture, bus ou train.
Depuis quelques jours, des dizaines de vols en provenance de l’Allemagne arrivent donc quotidiennement à Majorque. Les Français, eux, ont jeté leur dévolu sur Madrid, pour son couvre-feu tardif et ses restaurants ouverts en soirée, et Barcelone pour ses plages et ses terrasses qui peuvent servir jusqu’à 17h. « Les Français et les Allemands oui, les Espagnols, non.. mais dans quel pays vit-on? » titrait hier le quotidien digital El Diario. De nombreuses voix du monde politique et médiatique s’insurgent de voir que l’Espagne se comporte, une fois de plus, comme le club Med de l’Europe, sacrifiant le bien-être voire la santé de ses habitants pour le tourisme.
La fatigue des restrictions françaises
Sur la plage de la Barceloneta, les terrasses de cafés et restaurants sont toujours majoritairement occupées par des locaux. Mais les touristes français s’y font de plus en plus nombreux. « On en a marre des restrictions, avec les nouvelles mesures annoncées par Casteix à Paris, j’ai pris l’un des premiers vols pour Barcelone » raconte Thomas, étudiant. Le jeune homme, en pantalon de toile et chemise colorée, explique que sa petite escapade est une véritable bouffée d’air :« on peut aller au restaurant, prendre des verres en terrasse, et puis le soleil fait du bien! ». En France, les restaurants sont fermés depuis le confinement d’octobre. Son ami Paul trouve lui aussi les restrictions moins pesantes à Barcelone : « le couvre-feu à 22h c’est génial ».
Pour les Catalans, l’augmentation du nombre de touristes à Barcelone n’est pas vraiment rassurante. « Je pense qu’il faut faire les choses dans l’ordre : d’abord la vaccination et ensuite les touristes » explique Jordi, 75 ans et un épais masque FFP2 sur le visage. « Ce n’est pas juste, eux peuvent aller aux Baléares, et pas moi, poursuit sa femme Montserrat, ça ne me dérange pas qu’ils viennent, s’ils ont fait un test PCR avant, mais qu’on me laisse partir moi aussi, n’importe qui peut rentrer en Catalogne et moi je ne peux pas sortir ».
Un argument repris par certaines personnalités politiques espagnoles, comme le leader de la gauche radicale Más País, Iñigo Errejón: « si un PCR permet de pouvoir se déplacer, c’est pour tout le monde, […] c’est bien que l’Espagne ait du tourisme, mais l’Espagne ne peut seulement être le club de vacances de toute l’Europe ». La candidate de son parti aux élections de Madrid a même déclaré hier que la présidente de la région devait cesser de « dérouler le tapis rouge aux hordes de Français qui viennent se saouler » dans la capitale espagnole. Un argument électoral auquel l’Ambassade de France à Madrid a répondu sur Twitter : « pas besoin d’alcool ni de tapis rouge.. comme tous les Européens, les hordes de Français aimeront toujours Madrid et l’Espagne ».