Photo : Solenn, son mari et son enfant, né d’une PMA réalisée à Barcelone
Pour combler leur désir de fonder une famille, de nombreuses Françaises se rendent en Espagne, notamment à Barcelone, pour avoir recours à une Procréation Médicalement Assistée (PMA). Malgré les légères avancées de la loi bioéthique, pourquoi les Françaises préfèrent-elles se rendre à Barcelone pour recevoir ce traitement ?
Souvent au cœur des débats à l’Assemblée nationale, la PMA ne cesse de cristalliser l’opinion en France. À l’opposé, cette pratique est totalement normalisée dans la péninsule ibérique. La Société espagnole de Fertilité (SEF) comptabilise même une augmentation de 61 % de PMA réalisées depuis 2003. À ce jour, près de la moitié des patientes des centres barcelonais spécialisés en PMA sont Françaises. Comment expliquer une telle réussite ?
Une technologie de pointe
« À Barcelone, les établissements qui effectuent des PMA sont essentiellement des cliniques privées. Elles investissent depuis des années sur du matériel de haute technologie » témoigne Stéphanie Toulemonde, co-fondatrice de She Oak, une association de soutien pour les femmes ayant recours à une PMA à Barcelone. Ce matériel très avancé augmente significativement le taux de réussite d’une PMA et rassure les patientes. « Les Françaises viennent ici, car en plus de bénéficier de techniques très efficaces, les médecins réalisent des analyses complètes pour optimiser les chances de tomber enceinte » souligne la co-fondatrice de She Oak.
C’est ainsi que Solenn, parisienne de 43 ans et son compagnon ont choisi la clinique IVI de Barcelone pour leur PMA. « Après des années d’échecs en France, mon gynécologue a fini par me recommander un médecin français de Barcelone spécialisé dans la procréation médicalement assistée », confie Solenn. « Très vite, les docteurs ont réalisé d’innombrables tests, notamment un test génétique, essentiel pour moi car j’ai une anomalie chromosomique. Si nous avions pu le faire plus tôt en France, on aurait économisé de l’énergie et de l’argent. »
La qualité et le savoir-faire espagnol en matière de PMA attirent les Françaises, mais de tels traitements impliquent évidemment des coûts très onéreux. Il faut compter en moyenne 6.000 à 8.000 euros, minimum, pour une Fécondation In Vitro (FIV) ou un transfert embryonnaire. « Il y a un filtre terrible par l’argent, un couple qui gagne le SMIC ne pourrait pas se permettre d’avoir un enfant via une PMA. C’est une sacrée injustice », déplore Amélie (le prénom a été changé, car l’interlocuteur souhaite rester anonyme), qui a eu une petite fille en septembre 2019 grâce à une PMA faite à l’institut Eugin de Barcelone.
Une souplesse législative
En Espagne, la loi sur la PMA est l’une des plus permissives au monde, notamment concernant le diagnostic génétique des embryons. « À la clinique IVI, on a refait une énième tentative avec mes ovocytes, confie Solenn, grâce aux tests réalisés à Barcelone, on a enfin eu des embryons génétiquement sains. Cela n’a finalement pas pris, mais cela a été déjà une grande avancée pour nous. »
En France, la loi bioéthique sur le diagnostic génétique n’a pas été révisée. « Il est possible uniquement pour les couples dont l’un des deux partenaires a une maladie génétiquement transmissible. Quand il s’agit d’optimiser les résultats, ce diagnostic n’est pas autorisé », précise Stéphanie Toulemonde.
Autre souplesse juridique, en Espagne, la PMA est ouverte à toutes, aussi bien à des femmes célibataires qu’à des femmes en couple (hétérosexuel ou homosexuel) depuis 2003. En France, le projet de loi bioéthique, dont la mesure phare est l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, est à ce jour toujours en relecture à l’Assemblée. « Les mentalités changent doucement en France, mais ce n’est pas encore suffisant » déplore Nathalie Gauthier, lyonnaise de 34 ans.
Nathalie et sa compagne ont choisi l’institut Marques de Barcelone pour leur future PMA. « Après plusieurs essais en France, on s’est aperçues que les gynécologues n’étaient pas ouverts, remarque la Lyonnaise. On a fait face à une forme d’homophobie de leur part. Même si en France, on lance un processus de PMA ouverte à toutes, on est sur des médecins qui ne sont pas ouverts à tout… »
« La culture du don est très présente en Espagne »
Dans la péninsule ibérique, les donneuses d’ovocytes sont nombreuses. L’une des principales explications repose sur la compensation financière (environ 1.000 euros) qu’elles perçoivent. Il s’agit d’une sorte de dédommagement pour les deux semaines de traitements hormonaux, de prises de sang, d’échographies et pour l’opération de ponction ovarienne nécessitant une anesthésie générale. En Espagne, le délai d’attente pour un don d’ovocyte avoisine les 3 mois maximum.
A contrario, en France, les donneuses sont moins nombreuses. Une femme peut recevoir un don d’ovocyte seulement après 35 ans, l’âge où la fertilité commence à décroître. La sécurité sociale prend en charge cette opération jusqu’à l’âge de 43 ans. Or, le délai d’attente est très long (une à plusieurs années) faute de donneuses. « En France, quand une femme passe par un don d’ovocyte, elle a une chance sur 10 de l’avoir et d’être encore couverte par la sécu. Avec le délai d’attente, c’est bien souvent insuffisant, soupire Stéphanie, ayant eu recours elle-même à deux PMA. La France a un train de retard. »
« Les cliniques travaillent à la chaîne, l’association She Oak apporte une chaleur humaine »
Pour de nombreuses Françaises, réaliser une PMA suscite beaucoup d’interrogations. Comment parler de ce sujet à sa famille et à ses amis ? Comment se préparer psychologiquement ? Une forme de solitude finit par les envahir. De ce constat, Stéphanie Toulemonde a décidé de fonder son association: « grâce à She Oak, les futures mamans sont soutenues émotionnellement. On fait en sorte que Barcelone devienne leur deuxième maison ». L’association met en relation les futures mamans avec des thérapeutes spécialisés en fertilité et organise des séances d’acupunctures, de massages, des rendez-vous avec un psychologue, etc. « L’accompagnement est très personnalisé » assure la maman de deux jeunes filles.
La Parisienne, Amélie, salue le travail de l’association qui lui a apporté du réconfort face à la froideur de la clinique : « Quand on réalise une PMA, on devient simplement un corps et un numéro. Les médecins travaillent très bien, certes, mais l’aspect humain n’est pas vraiment au rendez-vous. On a l’impression de venir acheter une voiture, déplore-t-elle, grâce à Stéphanie, cette expérience a été fantastique, elle a apporté de la chaleur. »