Ferdinand de Lesseps, consul de France à Barcelone et homme d’affaire du XIXe siècle, a laissé son empreinte dans la capitale catalane. Portrait.
Le nom de Ferdinand de Lesseps résonne dans tout Barcelone. Une station de métro, une place dans le quartier de Gràcia et une école française portent le nom du plus populaire des Français de la capitale catalane au XIXe siècle.
D’abord diplomate à Lisbonne, Tunis, puis en Egypte, ce diplômé en droit commercial est envoyé à Barcelone en 1842 et est promu à 37 ans Consul général. Au même moment, en Espagne, les Guerres Carlistes qui depuis 7 ans voient s’opposer partisans de la jeune Isabelle II et Carlistes, se soldent par une victoire des Isabellistes. Mais la Catalogne reste à l’écart de l’unité espagnole. Le marché catalan est menacé de ruine, les Britanniques inondant la région de leurs marchandises. Barcelone s’oppose à la régence du général Esperato.
Alors que la ville l’a menée au pouvoir dans l’espoir d’un gouvernement progressiste, les Catalans dénoncent le despotisme militaire du Régent et sa politique fiscale sévère. En novembre 1842, Barcelone s’insurge et subit une répression féroce de la part du Régent, appuyé par les Britanniques. Pendant 13 heures, la ville est bombardée depuis la colline de Montjuïc, détruisant les vieux quartiers et massacrant la population.
Un diplomate dédié à ses concitoyens
Le jeune Consul Lesseps brille par la protection qu’il offre aux Français et plus généralement à tous les étrangers de Barcelone. Depuis la mi-novembre, il avait tenté de retarder ces attaques. Esperato finit par entrer dans la ville, mais l’Espagne et ses Cortès s’indignent face à la violence du bombardement. Le général est désigné par tous comme un imposteur et perd sa place de Régent. Lesseps, lui, est couvert de décorations par le gouvernement espagnol.
En 1843, le diplomate reçoit une médaille par la communauté des Français de Barcelone. Après les bombardements, certaines familles vivent dans la misère et subsistent grâce à des subventions du gouvernement français. En 1845, Lesseps fonde alors la première association française en Espagne: la « Société Française de Bienfaisance », encore active aujourd’hui.
Envoyé comme ambassadeur à Madrid de 1848 à 1849, Lesseps en profite pour créer une association similaire, aujourd’hui connue sous le nom de « L’Entraide Française de Madrid ». En 1859, il fonde une école pour les enfants des Français de Barcelone. L’école, qui porte aujourd’hui son nom, est le plus ancien établissement français de toute l’Espagne.
Le Canal de Panama et la chute
Depuis le début de sa carrière de diplomate, Lesseps se fascine pour la construction d’un canal reliant la mer Méditerranée et la mer Rouge. Il fonde la compagnie du Canal de Suez, soutenu par Napoléon III, et en 1869, le canal est inauguré.
Fier de sa réussite, le Versaillais d’origine se lance à 74 ans dans la construction d’un canal similaire entre l’Océan pacifique et atlantique au Panama. Il impose ses solutions et est élu à la tête de la Compagnie Universelle du Canal de Panama en 1880. Pourtant, très vite, la société est à cours de financement face à l’ampleur des travaux.
Pour obtenir l’autorisation de faire de nouveaux emprunts, Lesseps s’associe à deux hommes d’affaires, le baron de Reinach et Cornelius Herz, qui soudoient la presse. Ils achètent également les parlementaires français grâce à qui ils obtiennent le vote d’autorisation d’une souscription publique. S’en suit un scandale financier qui met un point final à la carrière de Lesseps sans pour autant entacher sa popularité. Environ 85.000 souscripteurs sont ruinés. Le diplomate est condamné à 5 ans de prison, mais il ne sera jamais incarcéré à cause de son grand âge.
La postérité retiendra finalement de lui ses courageuses initiatives pour les Français d’Espagne, beaucoup continuant à changer la vie des expatriés de Barcelone et de Madrid, plus d’un siècle après sa mort.