La coalition gouvernementale espagnole entre les socialistes et la gauche radicale de Podemos tangue. Rien n’indique qu’elle finira la législature, qui est censée durer jusqu’en 2024.
Le couple formé par la gauche socialiste embourgeoisée et les radicaux de Podemos a du plomb dans l’aile. Le mariage de raison tremble de tous côtés. En 2018, l’actuel Premier ministre socialiste Pedro Sánchez ne voulait pas pactiser avec le chef de Podemos Pablo Iglesias. Pour appuyer son refus, Sánchez posait publiquement cette question à la veille du procès des leaders indépendantistes catalans : comment réagira un ministre de Podemos en cas de condamnation ? Il a eu sa réponse cette semaine : Podemos soutient sans réserve les émeutes qui secouent la Catalogne, Madrid et Valence dans le cadre de l’incarcération du rappeur catalan Pablo Hasél.
Le positionnement de Podemos, qui consiste à siéger autour de la table du Conseil des ministres tout en tenant des propos dignes d’un parti d’opposition, exaspère les socialistes. Concernant les émeutes, Pedro Sánchez a mis les points sur les i ce week-end. «En démocratie , le recours à la violence est inadmissible. Il n’y a pas d’exception à cette règle, il n’y a aucune cause, aucun lieu ou situation qui puisse justifier le recours à la violence. La violence n’est pas une liberté, c’est une atteinte aux libertés d’autrui. La violence est une attaque contre la démocratie. Et, par conséquent, le gouvernement espagnol garantira la sécurité des citoyens » tonne le Premier ministre.
L’accord impossible avec la droite et Podemos
La rénovation des organismes d’État est un nouveau stress test entre les deux partenaires gouvernementaux. Caducs depuis deux ans, il faut renouveler les membres du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil constitutionnel. La loi exige qu’une majorité composée des deux tiers du parlement espagnol choisisse les représentants de ces organes. Il faut donc compter avec les parlementaires de droite. Le Partido Popular a mis un point d’orgue pour que Podemos n’ait pas son mot à dire et ne puisse proposer des juges progressistes au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Les socialistes tentent de faire le grand écart entre les conservateurs et la gauche radicale pour trouver des noms consensuels. Il serait inadmissible qu’un parti au pouvoir ne puisse pas avoir voix au chapitre des nominations, s’indigne-t-on du côté de Podemos.
Le dossier des loyers en Espagne
Mais le dossier le plus compliqué pour le gouvernement est celui des loyers. L’indépendantisme catalan a montré la voie à suivre en votant à la fin 2020, une loi gelant le prix des loyers. Podemos ambitionne de voter un texte similaire, à l’échelle de tout l’état espagnol. Ou plutôt ambitionnait. Car le parti socialiste a annoncé hier qu’il n’en était pas question. Position épineuse pour Pedro Sánchez qui a signé un accord de gouvernement pour former une coalition avec Podemos. Le document couche par écrit la promesse de réguler le prix des loyers.
Si les socialistes ne respectent pas le programme, la coalition peut-elle survivre se questionnent les observateurs ? Une nouvelle élection anticipée pourrait finalement arranger les affaires de Pedro Sánchez. La droite est en lambeau. Le Partido Popular a signé le pire score électoral de son histoire en Catalogne, le 14 février dernier. Pour la première fois, la droite se retrouve derrière Vox. Ce résultat a fragilisé Pablo Casado à la tête du parti, qui va en plus dans les prochaines semaines, devoir subir de nouveaux procès pour des suspicions de corruption. Se débarrasser à la fois de la droite et de la gauche radicale dans une législative anticipée pourrait être un nouveau coup de poker pour Pedro Sánchez.