Coincée entre pandémie et émeutes, Barcelone s’interroge sur son futur.
Rambla désertique, Passeig de Gràcia saccagé, centre-ville abandonné : Barcelone n’est plus que l’ombre d’elle-même depuis un an. Il n’y a pas de date de fin pour la pandémie au regard de la lenteur de la campagne de vaccination. Les émeutes risquent de s’éterniser dans le mesure où elles sont soutenues et encouragées par le gouvernement indépendantiste de la Catalogne. La Generalitat est le seul exécutif européen à bafouer publiquement sa police, à être bienveillant envers des casseurs et à tourner le dos à son tissu économique.
Suite aux émeutes, le million d’euros de dégâts à Barcelone est dépassé. En critiquant les Mossos, le gouvernement catalan se retrouve face aux forces économiques en état de stress post-traumatique. « La détérioration de l’image de Barcelone comme destination pour les personnes et les investissements est déjà irréparable » déplore Josep Sánchez Llibre, président de Foment, le Medef Catalan. « Nous faisons un appel à la responsabilité de ceux qui promeuvent, consentent, justifient ou ferment les yeux devant ces émeutes. En plus de porter de graves préjudices à la propriété publique et privée, ces émeutes compromettent le futur de Barcelone et de la Catalogne. Toutes les lignes rouges qui sont les fondement d’un état de droit ont été dépassées » a tonné le patron des patrons catalans.
Le président de l’association des commerçants du Passeig de Gracia partage cette angoisse. Lluís Sans estime que Barcelone et Paris sont deux villes en Europe qui partagent un destin marqué par la guérilla urbaine. « Le pillage des marques internationales comme Nike, Guess, Hugo Boss, Tomy Hilfiger, Hermes, Fendi, Versace o Dolce & Gabbana est le pire signal que nous pouvions envoyer » face aux investisseurs étrangers, se désole Lluís Sans.
Le gouvernement catalan ne condamne pas clairement les emeutes
Pere Aragones, en attendant la session d’investiture courant mars pour devenir le prochain président de la Catalogne, occupe actuellement le poste de ministre de l’économie. Il a pris la parole ce soir pour demander d’éviter de « criminaliser les personnes qui sortent dans les rues pour s’exprimer ». « Il y a eu de petits pillage par de petits groupes isolés » a t-il relativisé. « Je souhaite que les manifestations soient pacifiques » a t-il imploré.
Par ailleurs Aragones après avoir apporté un timide message de soutient au force de l’ordre « comme il ferait pour n’importe quel autre collectif de fonctionnaires » a annoncé qu’une réforme en profondeur de la police aurait lieu sous son mandat et que cela ne sera pas un vœu pieux. Il rejoint ainsi l’extrême-gauche indépendantiste la Cup et le parti de Carles Puigdemont qui n’ont jamais condamné les émeutes, mais rendent la police responsable de la situation. En la qualifiant de « franquiste » pour la Cup, et « manquant de sens démocratique » pour le parti de Puigdemont.
L’ensemble de l’opposition, socialiste, droite et extrême-droite demandent au gouvernement catalan d’afficher clairement son soutien aux forces de l’ordre et de mettre un terme aux émeutes. Pour s’attirer les faveur du groupuscule d’extrême-gauche anti-système la Cup, mathématiquement nécessaire au parlement, les partis de gouvernement sont prêt à tous les renoncements. Même les actes de vandalisme perpétrés contre le Palau de la Musica samedi soir, temple sacré du catalanisme, n’ont pas reçu de message de condamnation du ministère de la culture.
Tel un ogre jamais rassasié, la Cup demande le démantèlement de la police catalane, une manifestation a lieu en ce sens ce soir à 19h devant l’arc de triomphe barcelonais.
En 2015, Artur Mas s’est ridiculisé passant du statut de chef d’un gouvernement de droite libérale à un discours anti-capitaliste révolutionnaire pour s’attirer les faveurs de la Cup, déjà indispensable au parlement. La tentative d’être réinvesti à la tête de la Generalitat s’est soldée par la formule devenue célèbre du député Benet Salellas : la Cup a envoyé Artur Mas dans la poubelle de l’histoire. Le très modéré indépendantiste de gauche Pere Aragones, malgré une danse du ventre anti-système, risque de suivre le même chemin en tentant une investiture présidentielle des mains de la Cup.