Le Passeig de Gràcia de Barcelone se meurt. Mais pourrait rapidement ressusciter une fois la pandémie de Covid terminée.
(photos : Equinox)
C’est l’avenue la plus chère sur le plateau du Monopoly barcelonais. C’est aussi, aujourd’hui, celle affichant le plus de panneaux à louer. Lottusse, Miu Miu, Lacoste, Desigual, Bimba y Lola, Nespresso, Brioni : les grandes marques tirent le rideau. Les Barcelonais viennent rarement sur le Passeig de Gràcia, et le Covid a vidé les lieux de l’incessant flux touristique.
Nespresso, la boutique Señor et Bimba y Lola ont déménagé à la Rambla Catalunya pour toucher les Barcelonais locaux. Jadis, Passeig de Gràcia de seconde zone, la Rambla Catalunya tire aujourd’hui son épingle du jeu durant les nouvelles règles de la pandémie. Les cafés et restaurants chics sont encore nombreux avec de belles terrasses et attirent les Barcelonais. Ce qui n’est pas le cas du Passeig de Gràcia depuis des années. Les grandes marques de la mode ont cannibalisé le terrain, chassant au fur et à mesure les lieux de vies non destinés aux touristes. Même le mythique resto à tapas Txapela a rendu l’âme. À Barcelone, ceux qui ont su garder un commerce de proximité résistent. Ceux qui se sont tourné vers le tout tourisme de masse succombent. La Rambla de Barcelone en est l’exemple incarné.
Chaque marque détient son propre micro-écosystème et possède une raison particulière pour fermer ou déplacer sa boutique. Miu Miu la branche jeune de Prada s’adresse en priorité à un public asiatique, aujourd’hui absent à Barcelone. Brioni, firme de luxe italienne a perdu sa clientèle qui logeait à l’hôtel voisin Mandarin Lounge. Lacoste, la bijouterie Freywille, Timbaland, le restaurant Bakery and time ont pour le moment baissé le store et n’annoncent pas de date de retour à Barcelone.
Les entreprises développent leurs stratégies face à une crise comme celle du Covid. Michael Kors, Mango et G-Star ont baissé leur store sur le Passeig de Gràcia, mais pour faire des travaux et rouvrir plus tard. Les marques sur-implantées à Barcelone comme Lottusse, Camper, Desigual ou Oysho ferment certains magasins pour concentrer leur clientèle dans celles qui restent ouvertes.
Si chacune possède ses particularités, le problème commun à toutes les boutiques est un conflit ouvert avec les propriétaires des murs qui refusent de baisser le prix des loyers. Un problème qui se répercute dans les quatre coins de la ville. À Glòries et à La Maquinista o Splau les restaurants font un chiffre d’affaire ridicule en raison de la fermeture des centres commerciaux depuis 160 jours. La multinationale française Unibail-Rodamco-Westfield propriétaire des murs des principaux centres commerciaux de Barcelone refuse de baisser le prix des loyers, déclenchant des passes d’armes avec les chaînes de restauration. Dans le sinistré Gòtic, la majorité des propriétaires tiennent le même raisonnement : payer le loyer habituel ou quitter les lieux. En attendant la reprise et que de nouveaux locataires arrivent.
Sur le Passeig de Gràcia, le prix au m2 en location est toujours le même : 35 euros. Des propriétaires qui ne paniquent pas et voient la situation actuelle comme un grand jeu de chaises musicales. Un turn-over de va-et-vient avec des marques qui ouvrent et d’autres qui ferment confie un propriétaire habitué des lieux.
Le commerce voit le futur avec enthousiasme. L’économiste Guillem López prophétise « qu’il va y avoir une explosion de la consommation en Espagne » quand l’épidémie sera terminée. Les commerçants pensent que les consommateurs ont économisé durant la pandémie et qu’il faudra dépenser cet argent lorsque les restrictions seront terminées. Et peut-être l’on entendra à nouveau les bouchons des bouteilles cava sauter sur la plus belle avenue de Barcelone.