Les entreprises espagnoles ont-elles le droit de licencier un salarié en cas de non-vaccination ? Sera-t-il plus compliqué de trouver un emploi sans être vacciné ? Quels sont les droits des salariés espagnols ? Equinox fait le point avec l’avocat Miguel Morillon.
Est-ce qu’une entreprise peut licencier un employé refusant de se faire vacciner ?
En Espagne, il existe essentiellement deux types de licenciement : disciplinaire (pour manquement du travailleur) et objectif. Ce dernier permet de licencier un employé qui ne s’adapte pas à une situation. Autrement dit, on exige d’un salarié qu’il s’adapte aux changements dans l’entreprise. Si ce n’est pas le cas, un licenciement peut s’imposer. Dans le cas de la vaccination contre le Covid-19, si une entreprise inclut dans son plan de prévention des risques professionnels l’obligation de se faire vacciner, alors un licenciement peut être justifié en cas de non-respect de cette règle. Mais à ce jour, aucun texte n’impose de vaccination dans les entreprises.
Devrait-il y avoir une modification de caractère légale pour effectuer un licenciement pour cette cause ?
Il se peut qu’un décret imposant l’obligation de se faire vacciner soit en cours de préparation au regard de certains secteurs tels que la santé publique, les soins aux personnes âgées et aux personnes vulnérables, etc. Mais je doute qu’il soit possible d’obliger qui que ce soit à s’injecter de force un vaccin dont on ne connaît pas encore les effets secondaires.
Il faut également tenir compte de la situation sociale et sanitaire actuelle : une loi exigeant la vaccination n’est pas nécessaire mais un employeur est en droit d’exiger à ses travailleurs de s’adapter à la situation comme mesure de sécurité pour l’ensemble des salariés de l’entreprise.
En définitive, le travailleur a la liberté de se faire vacciner ou non et l’employeur a la liberté de licencier ou de maintenir son employé à son poste. Si le fait de ne pas être vacciné peut avoir pour conséquence d’infecter des tiers, on doit comprendre que l’employeur a le droit de choisir des travailleurs qui, avec les mêmes qualifications, soient vaccinés.
Quels sont les droits d’un employé refusant la vaccination ? Que dit la loi espagnole ?
En Espagne, la vaccination dans le cadre du travail n’est prévue que dans l’article 8.3 du décret royal 664/1997, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents biologiques : – « Lorsqu’il existe un risque d’exposition à des agents biologiques contre lesquels il existe des vaccins efficaces, ceux-ci doivent être mis à disposition des travailleurs, en les informant des avantages et des inconvénients inhérents à la vaccination. ».
En réalité, cette réglementation n’est appliquée stricto sensu qu’aux professionnels du secteur sanitaire (médecins, infirmières et laborantins), et toujours volontairement. L’entreprise a le devoir d’offrir le traitement, mais c’est l’employé qui décide de s’y soumettre ou non.
Ceci étant, dans la situation actuelle, la réglementation espagnole continue de donner priorité au droit de l’individu sur son propre corps face au collectif et à la protection de la santé d’autrui. Jusqu’à présent, le législateur n’a pas jugé nécessaire de mettre à jour le cadre juridique pour apporter une solution à un éventuel conflit. En ce sens, au regard de l’hypothétique licenciement disciplinaire d’un travailleur refusant de se faire vacciner, le juge, selon toute probabilité, le déclarerait irrecevable, car il n’y a pas de base légale qui justifierait la cessation du contrat.
La situation changerait si le ministère de la Santé émettait un règlement visant à administrer le vaccin à l’ensemble de la société ou à certains travailleurs, en vertu de la Loi Organique des Mesures Spéciales de Santé Publique, invoquant des raisons d’urgence et de nécessité. Dans ce cas, les travailleurs ne pourraient pas refuser la vaccination, privilégiant ainsi l’intérêt collectif sur le droit individuel.
Serait-il abusif ou injustifié de licencier un employé non-vacciné ?
À ce jour, un tel licenciement serait abusif. L’employeur peut ne pas maintenir à un poste un individu pour cause de non-vaccination, mais cela ne constitue pas une cause justifiée de licenciement. Comment je l’ai dit, il n’y a pas de base légale qui justifierait la cessation du contrat.
À mon avis, une entreprise n’est pas le cadre dans lequel les obligations de vaccination doivent être établies. La stratégie de vaccination (et la législation) est du ressort de l’État et des autorités sanitaires régionales qui, en fonction de l’évolution de la pandémie, auront à prendre les décisions qui s’imposent.
Un employé pourra-t-il attaquer son entreprise pour ce motif de licenciement qualifié « d’abusif » ?
Ce sont en principe les caractéristiques de l’activité et du secteur qui permettraient de trancher. Par exemple, les aides-soignants devant s’occuper des malades, traiter les personnes âgées ou toute personne particulièrement vulnérable peuvent être avertis de l’obligation de se faire vacciner et être licenciés objectivement s’ils refusent d’obtempérer. Dans ce cas, le travailleur recevrait une compensation équivalente à 20 jours de salaire par année travaillée.
Un employé d’un autre secteur peut évidemment attaquer son entreprise pour ce motif de licenciement. En ce sens, dans ce cas de figure, le juge, déclarerait très probablement irrecevable un tel motif de licenciement, car, actuellement, aucune base légale ne justifie une telle cessation du contrat.
Sera-t-il plus compliqué de trouver un emploi si nous ne sommes pas vaccinés ?
En matière de santé et de sécurité, la Loi sur la prévention des Risques Professionnels prévoit que les entreprises peuvent programmer des examens médicaux, mais rien n’indique que les employés aient l’obligation de suivre un certain type de traitement médical pour être embauché. Les vaccins contre le Covid-19 ne peuvent donc pas être imposés aux travailleurs ou futurs employés, car la vaccination est un acte volontaire. A priori, il sera donc possible de trouver un emploi sans être vacciné. Rien ne l’interdit actuellement.
Un refus d’embauche pour ce motif sera-t-il discriminatoire ?
Rien n’empêche d’inclure librement et spontanément ce type d’information dans un CV. Cela peut toutefois entraîner certains problèmes à l’entreprise car si le candidat vacciné est embauché et celui qui ne l’est pas est écarté, nous pouvons penser qu’il y a eu discrimination; situation interdite par notre système juridique. D’autre part, du fait que ces informations soient sensibles, des mesures particulières doivent être prises au regard de la protection des données, et le CV devrait être détruit à la fin du processus de sélection. Le non-respect de cette consigne pourrait avoir de graves conséquences financières pour l’entreprise.
En tout cas, exiger la vaccination pour accéder à un emploi serait discriminatoire, de sorte qu’aucune entreprise ne peut et ne doit inclure cette condition dans les offres d’emploi.