Ancien conseiller du gouvernement de la Banque d’Espagne et de l’Organisation Mondiale de la Santé sur les inégalités en matière de santé pour l’Union européen, l’économiste Guillem Lopez a reçu pour sa trajectoire professionnelle de nombreux prix et distinctions. Il analyse pour Equinox la situation économique.
Dans quel état se trouve l’économie catalane ?
Nous sommes dans un lock-down qui peut se terminer en knock-down. Décréter des fermetures de commerces et d’entreprises sans les financer peut vraiment s’achever par un K.O.
Pourquoi n’y a-t-il pas d’aides économiques pour les entreprises comme en France ou en Allemagne ?
Parce qu’à cause de l’État espagnol, le gouvernement de Catalogne n’a pas le droit de s’endetter sur les marchés boursiers et n’a pas non plus le droit de creuser un déficit. La Generalitat n’a donc aucune trésorerie. Il faut urgemment que l’Espagne octroie une rallonge budgétaire à la Catalogne pour mettre en place des aides financières aux entreprises.
Par ailleurs, la gestion publique est très mauvaise. Sites webs saturés pour obtenir des aides, blocages et filtres administratifs en tous genres.
Il faut ajouter à cela que beaucoup d’entreprises et d’autónomos (travailleurs indépendants) n’avaient pas de gestor (comptable) avant la crise. Pour obtenir des aides, les entreprises ont contracté des comptables, et ces derniers ont été débordés et ont fait du mauvais travail, rajoutant ainsi un lot de blocages administratifs.
Quel est l’avenir de l’économie catalane ?
L’avenir pour l’industrie catalane est lugubre. Avec le départ de Seat, et les nouvelles conditions agroalimentaires, les industries de l’automobile et de l’agriculture doivent se réinventer. Pour appliquer le plan « Next Generation » que l’Europe propose avec ses aides financières, il faudra que l’Espagne envoie l’argent à la Catalogne.
Ce plan « Next Generation » permettra par exemple que la Catalogne fabrique des véhicules électriques. Est-ce que le gouvernement espagnol va envoyer l’argent du plan de relance européen en Catalogne pour fabriquer des véhicules électriques ou va-t-il favoriser la Galice ? Nous avons également besoin des ces fonds pour réformer l’agro-alimentaire.
J’espère que l’Espagne fera preuve de sensibilité et enverra à la Generalitat les sommes dues. Il faut que l’Espagne soit transparente dans la répartition des fonds européens.
La renaissance de l’activité industrielle catalane est en jeu. Si nous ne pouvons plus produire, nous ne pourrons plus faire face à la demande et les gens en Catalogne achèteront, non pas des produits catalans, mais des produits livrés par Amazon.
Barcelone va-t-elle devenir une ville low-cost après la crise du Covid ?
Pas forcément, car la société catalane est une société d’épargnants. Il y a beaucoup d’argent dans les foyers catalans. On l’a vu pendant la phase de réouverture des commerces. En pleine pandémie, les gens font la queue dans les rues de Barcelone pour consommer. Il faut réussir à maintenir les commerces ouverts pendant la crise sanitaire, ce qui est complexe. On risque de passer d’une fermeture conjoncturelle à une fermeture structurelle. Et après la crise, comme je l’ai dit, il faut continuer à pouvoir produire catalan pour répondre à la forte demande et ainsi faire tourner l’économie locale.
Il n’y aura probablement pas de touristes en Catalogne avant l’été, le printemps sera compliqué en raison de la lenteur de la campagne de vaccination, l’industrie du tourisme survivra-t-elle ?
Nous allons vivre un phénomène de Darwinisme économique. Seuls les plus solides survivront. Les grands hôtels, les bons restaurants seront toujours là. Les boutiques saisonnières et les petites structures vont disparaître.
Cet été dans les îles espagnoles, dans les Baléares et les Canaries, il va y avoir une explosion de la consommation. Les Russes, Chinois, Britanniques devraient revenir avec des attestations sanitaires des pays émetteurs. Le Covid va entrer dans la normalité des gens avec le vaccin.
Et la Catalogne ?
Ça dépendra de la situation sanitaire des prochaines semaines et mois. Si la Catalogne réussit à donner une image de lieu sûr, peut-être récupérera-t-elle le tourisme international. Quoiqu’il en soit, le tourisme national fonctionnera très bien cet été en Catalogne.