(photo AC/Equinox)
Ancien conseiller de l’ombre du vice-président catalan Oriol Junqueras, Sergi Sol rencontre Equinox pour commenter l’actuelle situation politique et économique de la Catalogne.
« Je fais les choses pour Oriol (Junqueras), pas pour Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), je ne parlerai donc pas au nom du parti » déclare d’emblée Sergi Sol, confortablement assis dans un canapé de l’hôtel Duquesa de Cardona de face au port de Barcelone. L’ancien directeur de communication de la gauche indépendantiste et du vice-président Junqueras jure de ne plus être aux commandes d’ERC, même si d’aucuns le voient comme l’homme tout puissant de la politique catalane. « Si ERC gagne les élections, Carles Puigdemont à Waterloo ne recevra plus un centime de la Generalitat, Sergi Sol y veillera » écrivait il y a quelques jours dans Crónica Global le polémiste Ramon de España. « Je ne connais pas cette personne et je possède un grand respect pour le président Puigdemont » rétorque Sol.
Fin de la liberté provisoire
Le camp Junqueras traverse un moment pénible. La semaine dernière, le Tribunal suprême espagnol a retiré l’aménagement de peine à l’ancien vice-président du gouvernement catalan qui purge 12 ans d’incarcération suite à la déclaration d’indépendance d’octobre 2017. Grâce à la liberté provisoire, Junqueras pouvait enseigner la semaine à l’université de Vic et dormir en prison les soirs et week-ends.
« Les 9 prisonniers indépendantistes n’ont fait montre d’aucune repentance et ne peuvent bénéficier d’un régime de semi-liberté » a statué la haute cour espagnole. « C’est douloureux » souffle Sergi Sol qui précise qu’avec les mesures anti-Covid, les prisonniers peuvent passer 22 heures sur 24 en cellule.
Dans la non-repentance des prisonniers, le tribunal met en exergue le slogan employé par les responsables indépendantistes : « Ho tornarem a fer » (on le refera).« Bien sûr qu’on le refera ! C’est même le nom du dernier livre de Junqueras » brave Sergi Sol. « L’organisation d’un référendum d’auto-détermination en Catalogne négocié avec le gouvernement espagnol est inévitable et c’est le projet de Junqueras » confie son bras droit. Quand ? Pour Sol, il n’y a pas de deadline. « L’indépendantisme doit d’abord gagner toutes les élections, municipales, européennes, législatives et bien sûr catalanes. On doit élargir la base des votants. Si en remportant successivement un nombre important de scrutins, le gouvernement espagnol ne négocie rien, l’unilatéralisme reviendra sur la table » certifie le proche de Junqueras. La société catalane se lassera-t-elle? « Si le cas se produisait, elle ne mériterait pas son indépendance » sentence Sol.
Les négociations avec l’Espagne
ERC a ouvert les grandes négociations avec le gouvernement espagnol. « Je n’ai pas spécialement confiance en eux » prologue Sol. Plusieurs chantiers sont en cours. Concernant la libération des prisonniers catalans, Sol plaide pour la grâce royale, le fameux indulto, qui peut être proposé par le gouvernement. « Ce n’est pas la solution, concède-t-il, mais cela permettrait d’apaiser les tensions et de retirer un peu de souffrance ».
Le second axe de négociation est bien sûr celui du budget de la Catalogne. ERC avec les votes de sa quinzaine de parlementaires à Madrid a permis l’adoption du budget général de l’État espagnol. En contrepartie, la gauche indépendantiste s’attend à recevoir un meilleur financement pour la Catalogne afin de répondre aux conséquences sociales de la pandémie.
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« Nous ne sommes pas naïfs, nous savons que l’Espagne a du mal à tenir sa parole, et ça sera compliqué de recevoir 100% des sommes dont nous avons besoin. Mais si au lieu de recevoir deux milliards, nous recevons un milliard, c’est déjà mieux que de ne rien recevoir du tout si nous n’avions pas ouvert de négociation. C’est pareil avec les fonds européens. Ils ne vont pas arriver directement en Catalogne, mais en Espagne. Nous devrons négocier pour récupérer ce qui nous revient » prévient Sergi Sol.
L’accès au pouvoir en Catalogne
La gauche indépendantiste prépare son assaut final sur la Generalitat. Depuis 1940, il n’y a pas eu, à Barcelone, un seul président du gouvernement catalan issu des rangs d’ERC. A partir du rétablissement de la démocratie en 1978, majoritairement le centre-droit catalan conduit la destinée du pays. Cette fois-ci semble la bonne pour ERC. Le ministre catalan de l’Économie, Pere Aragonès, serait sur le point de gagner l’élection si l’on en croit les sondages. Mais sans majorité absolue, la gauche indépendantiste devra se trouver un partenaire.
Les socialistes pourraient-ils remporter le speed dating dans la continuité des négociations gouvernementales ? « Il est plus facile de parler avec les socialistes espagnols qu’avec les socialistes catalans » s’agace Sol. « Oriol Junqueras a toujours combattu les socialistes, que ce soit dans sa mairie de Sant Vicenç dels Horts, à Lleida ou Tarragona. A chaque fois nous avons fait barrage aux socialistes. L’objectif est de récupérer le vote socialiste des grandes villes de l’aire métropolitaine de Barcelone » détaille Sol. « Au vu des relations entre Oriol Junqueras et les socialistes catalans, et avec leur chef Miquel Iceta en particulier, je doute qu’un accord post électoral soit possible pour gouverner ensemble » assure Sol.
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Il ne reste donc que l’entente forcée avec le centre-droit indépendantiste de Carles Puigdemont. Après deux ans de conflit permanent au sein de l’actuelle coalition gouvernementale, repartir sur les mêmes bases est-il possible ? « ERC investira présidente la candidate Laura Borràs si elle gagne les élections, dans l’autre sens je ne sais pas si Junts Per Catalunya -le mouvement de Puigdemont NDLR- soutiendra Pere Aragonès, analyse Sergi Sol, « Laura Borras est la tête de liste des éléments les plus radicalisés de Junts Per Catalunya, ce qui compliquera les choses, s’inquiète le bras droit de Junqueras, dans ce cas de figure, il est possible que nous nous retrouvions dans une situation de blocage, et que les Catalans doivent voter une seconde fois pour que nous ayons un gouvernement ».